Mpox, virus sexuellement transmissible, mais pas seulement

L’épidémie apparue dans l’est de la RDC en septembre 2023 présente des caractéristiques de propagation différentes et touche des populations et des pays jusque-là épargnés. De nombreux aspects restent un mystère, et de plus amples recherches sont nécessaires.

  • 27 septembre 2024
  • 5 min de lecture
  • par Claudia Lacave
L'épidémie de mpox en RDC touche de plus en plus de femmes et d'enfants, marquant un changement dans les modes de transmission observés. Crédit : Claudia Lacave / Hans Lucas
L'épidémie de mpox en RDC touche de plus en plus de femmes et d'enfants, marquant un changement dans les modes de transmission observés. Crédit : Claudia Lacave / Hans Lucas
 

 

Le mpox se propage, il se démultiplie, il évolue. L’épidémie, en partie due à un nouveau variant, progresse rapidement avec 2910 nouveaux cas et 16 nouvelles victimes entre le 19 et le 26 septembre. En tout, 32 400 cas ont été répertoriés en 2024 sur le continent Africain et le virus a touché 15 pays, certains pour la première fois comme le Burundi, le Kenya, l’Ouganda ou le Rwanda. Les éruptions cutanées, la fièvre et le gonflement des ganglions lymphatiques sont les symptômes les plus répandus tandis que le virus se transmet principalement par contact, que ce soit avec un animal ou une personne infectée, ou bien un objet contaminé. Mais il semble que les facteurs aient évolué, entre le clade IIb à l’origine de la flambée mondiale de 2022 et le clade Ib, qui ravage la RDC où se concentrent 96 % des cas, comme l’a remarqué une équipe de recherche dans l’Est du pays dont fait partie Espoir Bwenge Malembaka.

« Là où une transmission sexuelle avait été documentée auparavant, par exemple en Afrique de l’Ouest, au Nigeria et dans les pays occidentaux, elle concernait essentiellement des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH). Mais ici, nous observons plutôt une forte représentation des femmes, ce qui nous a alertés et poussés à envisager une transmission hétérosexuelle », rapporte l’épidémiologiste de l’Université catholique de Bukavu.

« Il y a un problème de suivi des personnes séropositives. Elles ne se font pas suivre régulièrement à cause de la stigmatisation, car même au sein du corps médical, le secret professionnel n’est pas toujours respecté. C’est la même chose en psychiatrie. »

– Moubarik Mahamoud, fondateur de l’entreprise d’e-santé Medyc

Un commentaire scientifique publié dans le Lancet en mai dernier indique que, dans la région du Sud-Kivu, où l’épidémie a débuté le 28 septembre 2023, 29 % des patients répertoriés jusqu’au 3 mars 2024 étaient des travailleuses du sexe. Les femmes représentaient 53,8 % des cas, suscitant l’inquiétude quant à l’émergence de nouvelles routes de transmission touchant les fœtus et les nouveau-nés. La maladie reste encore peu documentée malgré son apparition chez l’homme en 1970, et de nombreuses questions demeurent : une personne asymptomatique peut-elle être contagieuse ? Le mpox peut-il se propager par les sécrétions respiratoires, le sperme, les sécrétions vaginales, l'urine ou les matières fécales ?

Défi d’un nouveau variant

Le CDC Afrique (Centre de contrôle et de prévention des maladies) organise la coordination et l’approvisionnement en vaccins sur le continent, et son directeur, le Congolais Jean Kaseya, s’adresse à la presse chaque semaine : « Nous faisons face à quatre épidémies en une, car c’est la combinaison des clades Ia, Ib, IIa et IIb. Le problème, c’est que nous en savons peu. Tout en aidant les pays à contenir cette flambée, nous travaillons sur un certain nombre d’études », a-t-il déclaré le 27 août. Il alerte également sur les risques de mutation du virus, comme avec le sous-variant Ib, apparu en 2023 et détecté au Burundi, au Rwanda, en Ouganda, au Kenya, en Suisse et en Thaïlande.

Auparavant, le clade I était associé à la consommation de viande de brousse et reconnu comme beaucoup plus mortel. Une mission de surveillance de l’OMS à la fin du XXe siècle estimait son taux de mortalité à 10 %, tandis que celui du clade II était de 1 %. Ce dernier se caractérise par une transmission sexuelle et des éruptions cutanées principalement limitées aux parties intimes. Le clade Ib, en revanche, provoque des pustules sur l’ensemble du corps, parfois des lésions génitales, et des symptômes persistants. La propagation se fait également par relations sexuelles mais aussi par contacts directs, par exemple de la mère à l’enfant, et des cas de fausses couches ont aussi été rapportés. « Même lorsqu’on parle de transmission sexuelle, nous ne savons pas encore si c’est par voie sexuelle ou par contact cutané prolongé pendant les rapports. Peut-être s’agit-il des deux voies, cela reste à élucider », ajoute Espoir Bwenge Malembaka.

Les jeunes, majoritairement touchés

Les recherches sur cette route de transmission sont rares, et elle n’était pas considérée avant 2017, lorsque des cas récurrents sont apparus au Nigeria, où une majorité de jeunes hommes présentaient des lésions génitales. 60 % des patients ont reconnu avoir eu plusieurs partenaires sexuels récents, et la plupart étaient positifs au VIH. L’intérêt pour cette transmission s’est accru en 2022, lorsque les pays occidentaux ont été touchés, principalement par le biais des bains publics et des grands festivals queer. Alors pourquoi assistons-nous à un changement d’une transmission homosexuelle vers une transmission hétérosexuelle ? D’autres études sont nécessaires, répond le chercheur de l’Université catholique de Bukavu. Cela pourrait être une caractéristique du clade Ib, mais aussi une conséquence du milieu où il s’est développé, les habitudes et les caractéristiques de la population de l’est de la RDC étant différentes de celles du Nigeria. De plus, les cas de co-infections au VIH semblent aujourd’hui bien plus rares qu’auparavant.

Alors que 32 des 34 zones de santé du Sud-Kivu sont désormais touchées par l’épidémie, le profil des patients continue d'évoluer. Désormais, 41 % des cas concernent des enfants de moins de 15 ans, ce qui montre que la transmission n’est plus majoritairement sexuelle. Espoir Bwenge Malembaka, médecin sur place, souligne la prévalence inquiétante de la malnutrition aiguë dans la région et s’interroge sur le lien possible entre cette condition, qui affaiblit le système immunitaire, et la vulnérabilité face au mpox.

La RDC a reçu en septembre 265 000 doses de vaccins, dont 15 460 offertes par le fabricant Bavarian Nordic via Gavi, ainsi que 215 000 doses données par l’Union européenne. De plus, lors de l'Assemblée générale des Nations unies à New York, le président des États-Unis, Joe Biden, a annoncé que son pays offrirait un million de doses de vaccin anti-mpox aux nations africaines touchées par l'épidémie.

Bien que ces livraisons représentent un soutien crucial, les besoins et défis restent immenses. Une campagne de vaccination contre le mpox est prévue en RDC début octobre, coordonnée avec les partenaires internationaux.


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