Sud-Kivu : l'épicentre de la résurgence du virus mpox en RDC

La République Démocratique du Congo fait face à une recrudescence inquiétante des cas de mpox. Endémique dans le pays, cette maladie connaît une augmentation alarmante des cas depuis plus de deux ans, touchant désormais toutes les provinces congolaises. Cette situation met en lumière les défis sanitaires que le pays doit relever, en particulier dans les provinces les plus touchées comme le Sud-Kivu.

  • 19 août 2024
  • 6 min de lecture
  • par Patrick Kahondwa
La RDC est le foyer et l’épicentre de l’épidémie, ce qui a conduit l'Organisation mondiale de la santé à activer son niveau d'alerte maximale à l’échelle internationale. Crédit : MSF RDC
La RDC est le foyer et l’épicentre de l’épidémie, ce qui a conduit l'Organisation mondiale de la santé à activer son niveau d'alerte maximale à l’échelle internationale. Crédit : MSF RDC
 

 

Focus sur le Sud-Kivu : une province en crise

Située dans la partie Est du pays, la province du Sud-Kivu est l’une des plus sévèrement affectées. L’hôpital général de la ville d’Uvira, par exemple, continue d’accueillir de nouveaux cas chaque semaine. À 9 heures du matin, l’hôpital est déjà en pleine activité. Jolie Martha, une mère inquiète, est venue chercher des soins pour son enfant. Elle raconte :

« Je suis ici parce que mon enfant a attrapé le virus mpox. J’ai remarqué qu’il pleurait beaucoup et ne mangeait pas. Lorsqu’il mangeait un peu, il vomissait. Nous sommes nombreux à la maison et personne n’avait encore cette maladie. On nous a dit qu’à l’hôpital on soignait gratuitement, alors nous sommes venus. Cela fait une semaine que nous sommes ici, et l’état de mon enfant s’améliore. »

La peur [du virus mpox] est exacerbée par la perception erronée de la maladie dans certaines communautés, où elle est parfois associée à des pratiques mystiques ou de sorcellerie. Cette perception entrave l’adhésion aux mesures de santé publique, compliquant ainsi la lutte contre l’épidémie.

Amina Germaine, une autre patiente, a également contracté la maladie sans en connaître la nature au début. « Au départ, j’avais une forte fièvre. J’ai pensé que c’était le paludisme. Puis des boutons sont apparus sur tout mon corps. Je suis alors allée à l’hôpital où j’ai reçu des soins gratuitement. »

Patrick Tegesha, un autre patient, témoigne de son expérience : « J’amenais régulièrement mon frère malade à l’hôpital. Puis, j’ai commencé à avoir de la fièvre et des maux de tête. Ma famille était très inquiète quand j’ai attrapé cette maladie. Aujourd’hui, je vais déjà mieux grâce à Dieu et aux médicaments. »

Dans les rues d’Uvira, l’inquiétude est palpable. Musimbwa, une habitante de la ville, exprime ses craintes : « J’ai vraiment peur de cette maladie. Il faut absolument se protéger. En voyant des photos des personnes malades, j’ai été terrifiée. Nous allons continuer à parler de cette maladie autour de nous pour limiter sa propagation. »

La zone de santé d’Uvira a mis en place une structure spécialisée pour la prise en charge des malades.
Crédit : MSF RDC

Pour Médecins Sans Frontières (MSF), cette peur est exacerbée par la perception erronée de la maladie dans certaines communautés, où elle est parfois associée à des pratiques mystiques ou de sorcellerie. Cette perception entrave l’adhésion aux mesures de santé publique, compliquant ainsi la lutte contre l’épidémie.

Les conflits armés favorisent la propagation du virus

Goma, capitale de la province voisine du Nord-Kivu, est presque encerclée par une rébellion armée. Dans cette ville, où des centaines de milliers de déplacés s'entassent dans des camps de fortune, la promiscuité fait craindre une propagation à grande échelle.

Dr Louis Albert Massing, coordinateur médical de MSF en RDC, souligne l’accélération préoccupante de l’épidémie. « Une mutation génétique a été identifiée au Sud-Kivu, avec une transmission d’humain à humain ininterrompue depuis des mois. Cela n’avait pas encore été observé avec la souche du bassin du Congo, contrairement à celle d’Afrique de l’Ouest, responsable de l’épidémie mondiale de 2022. Un autre motif d’inquiétude est la propagation de la maladie dans les camps de déplacés autour de Goma, au Nord-Kivu, où la densité de population rend la situation critique. »

Pour contrer cette flambée, la zone de santé d’Uvira a mis en place une structure spécialisée pour la prise en charge des malades. Dr Panzu Nimi, médecin chef de zone, explique : « Nous avons établi une coordination avec plusieurs piliers pour gérer la riposte, avec l’appui de nos partenaires. Un centre de traitement du mpox a été installé à l’hôpital d’Uvira, où des prestataires de santé assurent les soins conformément au protocole de prise en charge fourni par le ministère de la Santé. »

L’identification des cas, le suivi des malades et l’accès aux soins demeurent extrêmement limités. L’absence de vaccins complique encore la situation, rendant la mobilisation urgente.

« Depuis la mi-juin, notre équipe soutient activement la zone de santé d'Uvira, au Sud-Kivu. Nous prenons en charge les cas graves dans un centre d'isolement à l'hôpital général de référence d'Uvira, tandis que les cas légers et modérés sont suivis en ambulatoire, avec un isolement des cas suspects. Nos équipes forment également le personnel médical, participent au contrôle des infections et sensibilisent la communauté », précise le Dr Massing.

Cependant, l'accès aux soins d'urgence reste limité, tout comme l'identification des cas. Les vaccins, rares au niveau mondial, ne sont pas encore utilisés dans le cadre de l'épidémie en RDC, bien que des organisations comme Gavi, l'Alliance du vaccin, et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) aient pris des mesures pour accélérer leur déploiement.

Actions de sensibilisation : le rôle crucial de la société civile

La société civile joue un rôle crucial dans la lutte contre cette épidémie, en menant quotidiennement des actions de sensibilisation pour informer les populations sur les moyens de prévention. « Beaucoup de gens ignorent encore cette maladie, c'est pourquoi nous menons des campagnes de sensibilisation à travers les médias, le bouche-à-oreille dans les places publiques, et faisons appel aux leaders d’opinion pour diffuser le message », explique un membre d’une organisation locale.

Selon le ministre congolais de la Santé, Samuel-Roger Kamba, la RDC a enregistré 15 664 cas suspects et 548 décès depuis le début de l’année, selon le dernier rapport épidémiologique publié le 15 août 2024. Quelques jours plus tôt, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait déjà activé son plus haut niveau d’alerte internationale en réponse à la résurgence des cas de mpox en Afrique, tandis que l'Africa CDC, l’agence de santé publique de l’Union africaine, avait déclaré un état d'« urgence de santé publique ».

L'épidémie de mpox, qui touche aussi l'Afrique de l'Ouest, notamment en Côte d'Ivoire, s'étend désormais au-delà des frontières africaines. Le 15 août, l'OMS a signalé un premier cas en Suède, alertant sur la probabilité de voir d'autres cas importés apparaître en Europe. Le lendemain, le Pakistan a confirmé son premier cas, impliquant un voyageur en provenance du Golfe, tandis que la Chine a renforcé les contrôles aux frontières pour les personnes et les biens provenant des pays touchés.

Face à la flambée des cas de mpox, une réponse rapide et coordonnée est essentielle. La mobilisation des autorités sanitaires, de la société civile et des partenaires internationaux est cruciale pour contenir l’épidémie et protéger les populations les plus vulnérables.


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