Comment l’Ouganda fait face au virus Soudan, semblable au virus Ebola
Après avoir lutté contre huit épidémies d’Ebola au cours des deux dernières décennies, le système de santé ougandais disposait d’un plan « prêt à l’emploi ».
- 4 avril 2025
- 6 min de lecture
- par John Agaba

Lorsque des échantillons ont été testés positifs pour la maladie à virus Soudan (SVD, pour Sudan virus disease) dans la ville de Kampala, la capitale ougandaise, le 30 janvier, la Dre Jane Ruth Aceng, ministre de la Santé du pays, savait qu’il fallait un plan solide. La même maladie épidémique mortelle avait tué 55 personnes et perturbé les affaires commerciales et les systèmes de santé lors d’une précédente épidémie dans ce pays d’Afrique de l’Est en 2022. De plus, le virus, qui appartient aux Orthoebolavirus provoquant la maladie à virus Ebola, n’avait ni vaccin, ni traitement approuvé.
Mais après avoir mené les batailles contre huit épidémies similaires depuis l’année 2000, la Dre Jane Ruth Aceng avait une assez bonne idée de par où commencer. Il fallait donner la priorité à la recherche des cas-contacts, au contrôle et à la prévention des infections, ainsi qu’au traitement des cas confirmés – les interventions qui ont donné le plus de résultats lors des épidémies précédentes – et ils auraient une chance.
Les premiers indicateurs suggèrent qu’elle avait raison. Deux personnes, dont le patient zéro et un enfant de quatre ans, sont décédées au cours de l’épidémie, tandis que huit autres personnes se sont rétablies et ont pu quitter l’hôpital. Deux décès supplémentaires survenus début février ont été reclassés par l’OMS comme étant probablement des cas de virus Ebola en mars, ce qui porte à douze le nombre de cas. À l’heure actuelle, le ministère surveille environ 265 cas-contacts et continue à rechercher des cas actifs et à dépister les voyageurs qui quittent le pays.
Le début de l’épidémie
Le ministère ougandais de la Santé a déclaré une épidémie de SVD après que des tests effectués dans trois laboratoires distincts, dont l’Institut de recherche sur les virus ougandais à Entebbe, ont confirmé que le virus était la cause des symptômes du patient zéro. Il s’agissait d’un infirmier de 32 ans rattaché à l’hôpital national de référence de Mulago à Kampala, qui avait d’abord développé des symptômes semblables à de la fièvre et qui présentait des douleurs thoraciques et des difficultés respiratoires avant de succomber à la maladie le 29 janvier.
À la suite de l’annonce de l’épidémie, le ministère a activé son Équipe en charge de la gestion des incidents et a déployé des équipes d’intervention rapide pour identifier, isoler et enquêter sur les cas-contacts du patient zéro. L’équipe d’intervention a répertorié et surveillé un total de 265 cas-contacts, notamment des patients et des membres du personnel de santé à l’hôpital de Mulago, à la recherche de symptômes de la SVD.
En date du 2 février, l’équipe avait détecté huit cas-contacts testés positifs au virus. Le personnel de santé les a traités avec du remdesivir expérimental, un médicament antiviral à large spectre, et d’autres traitements de soutien dans les centres désignés des hôpitaux de Mulago et de Mbale.
Le ministère a par ailleurs mobilisé le public pour éviter tout contact avec des personnes présentant des symptômes semblables à ceux du virus Ebola. Il a mobilisé les membres du personnel de santé afin qu’ils respectent des mesures strictes de prévention et de contrôle des infections, et les prestataires de soins de santé pour qu’ils suivent les procédures opérationnelles standard et signalent rapidement les cas suspects.
La SVD peut se propager rapidement et être mortelle, mais les interventions ont semblé freiner la transmission. Le 18 février, soit moins de trois semaines après l’annonce de l’épidémie par le ministère, le pays avait autorisé la sortie de chacun des huit cas qui avaient été testés positifs au virus, à l’exception du patient zéro alors décédé et d’un enfant de quatre ans, qui succombera le 25 février.
Sortir de l’isolement
« Les patients pour lesquels nous autorisons aujourd’hui la sortie sont en sécurité et ne sont pas porteurs de la maladie », a déclaré la Dre Jane Ruth Aceng lorsqu’elle a autorisé leur sortie. « Je demande à leurs familles et leurs communautés de les accueillir et d’interagir normalement avec eux. »
« Les progrès que nous avons réalisés témoignent du travail sans relâche, de la coordination et de l’engagement de toutes les personnes impliquées », a-t-elle déclaré. « Mais une vigilance et un soutien continus de la part de toutes les parties prenantes sont essentiels pour s’assurer que l’Ouganda reste exempt de la maladie à virus soudan. »
La Dre Kasonde Mwinga, représentante de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en Ouganda, a déclaré que la sortie des patients marquait une étape importante dans « nos efforts collectifs pour contrôler l’épidémie ».
Lutte contre le virus Ebola dans la capitale en pleine effervescence
Les quatre virus apparentés susceptibles de causer la maladie à virus Ebola chez l’homme peuvent se propager par contact avec des animaux, notamment les singes, les chimpanzés et les chauves-souris frugivores, ainsi que par contact direct avec le sang ou les fluides corporels des personnes infectées.
Cela pourrait signifier que les épidémies dans les milieux à forte densité pourraient être plus difficiles à gérer. Contrairement à l’épidémie à virus Soudan de 2022 qui a d’abord frappé des villes relativement plus petites (à Kassanda et Mubende), l’épidémie de 2025 est apparue à Kampala : une ville particulièrement trépidante et connectée de plus de quatre millions d’habitants. David Sseremba, un commerçant de la capitale ougandaise, craignait que l’épidémie ne devienne incontrôlable et ne perturbe les affaires et le tourisme.
Mais il est vite devenu évident que le ministère ne prenait aucun risque. Dès l’annonce de l’épidémie, le ministère, avec l’appui de l’OMS, a déployé son Équipe médicale nationale d’urgence pour soutenir la prise en charge des cas et stopper l’épidémie. « Lors des épidémies précédentes, nous nous sommes appuyés sur la mobilisation du personnel de santé dans tout le pays, travaillant aux côtés des équipes d’urgence à l’extérieur du pays », a déclaré le Dr Rony Bahatungire, commissaire par intérim auprès des services cliniques et point de contact de l’Équipe médicale nationale d’urgence. « En revanche, cette fois-ci, nous avions une équipe parfaitement formée, facilement déployable, qui était sur place dans les deux heures qui ont suivi le déploiement et totalement constituée dans les douze heures. »
« Nous ne disposons pas de traitements approuvés pour Ebola », a déclaré le Dr David Kaggwa, pédiatre et responsable de l’unité d’isolement de l’hôpital national de référence de Mulago. « Même le remdesivir a été administré à des fins compassionnelles. Mais nous avons l’expérience nécessaire [pour gérer les fièvres hémorragiques virales (FHV)]. Lorsqu’un patient se présente, nous savons quoi faire, et ce, dès son arrivée. Nous traitons les cas en fonction de la façon dont ils se présentent, en gérant leurs symptômes. »
« Par exemple, pendant cette épidémie, nous avons eu deux patients gravement malades : l’un d’eux a même été transféré dans une unité de soins intensifs, avant que nous ne le récupérions », a déclaré le Dr David Kaggwa dans une interview accordée à VaccinesWork. « Nous étions prêts dès le premier jour. Nous disposions des médicaments, de l’équipement et d’autres équipements de protection pour stopper le virus.
En 2022, le plus grand défi a été que la communauté (dans les districts de Kassanda et de Mubende) a tardé à signaler les cas auprès des établissements de santé lorsque la population a commencé à présenter des symptômes semblables à ceux du virus Ebola », a déclaré le Dr Daniel Kyabayinze, Directeur de la santé publique au ministère de la Santé, en 2022. « Au lieu de se rendre dans les établissements de santé, les communautés ont attribué les maladies à la sorcellerie. » Au moment où le personnel de santé a détecté le virus, la maladie s’était déjà propagée. Les autopsies verbales ont indiqué que six personnes avaient déjà succombé au virus.
Au cours de l’épidémie actuelle, le personnel de santé de l’hôpital de Mulago a été en mesure de détecter le virus à un stade précoce et de commencer à traiter les cas confirmés. Selon l’OMS, il a été démontré que l’administration précoce d’un traitement de soutien réduit considérablement les décès dus au virus.
Pour aller plus loin
Les yeux grands ouverts
Mais tout n’est pas terminé. La Dre Jane Aceng a déclaré que les experts du ministère continueraient à surveiller les survivants afin de détecter les complications cliniques. Le personnel de santé continuera également à apporter un soutien psychosocial aux huit survivants qui ont été autorisés à quitter l’hôpital afin de veiller à une bonne réintégration dans les communautés.
Le ministère a également approuvé des protocoles pour tester trois traitements contre le virus Ebola, notamment le remdesivir, les anticorps monoclonaux et la thérapie par plasma convulsif. « L’espoir est que, s’il y a des cas supplémentaires (en plus des huit), l’essai clinique complet sera mis en œuvre avec ces trois traitements », a déclaré le Dr Ngashi Ngongo, conseiller principal du Directeur général de CDC Afrique.
Outre les traitements, le ministère a également démarré des essais cliniques pour évaluer l’efficacité d’un vaccin contre la SVD, en partenariat avec l’OMS. Le vaccin candidat de l’IAVI est administré aux cas-contacts des patients confirmés comme atteints par le virus Ebola, notamment aux membres du personnel de santé de l’hôpital de Mulago, a déclaré le Dr Daniel Kyabayinze.
Le Dr Musoka Papa Fallah, directeur par intérim de la Direction des sciences et de l’innovation au sein de CDC Afrique, a déclaré que le personnel de santé de la région avait également élaboré un protocole multi-pays pour sept pays de la région, dont le Burundi et la RDC, afin de « creuser en profondeur » et de comprendre la source de l’augmentation des cas de fièvre hémorragique virale dans la région. « Mais nous pensons qu’il y existe des phénomènes de transmission d’une espèce à l’autre », a déclaré le Dr Musoka Papa Fallah lors d’une conférence de presse organisée par le CDC Afrique le 27 février. Le Rwanda et la Tanzanie (qui ont des frontières avec l’Ouganda) ont récemment lutté contre la maladie à virus Marburg (lié à Ebola).
Davantage de John Agaba
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