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La vaccination contre le virus du papillome humain est accueillie avec enthousiasme dans l'État nigérian de Kwara

Des épouses de gouverneurs jusqu'aux chefs religieux, des professionnels de santé jusqu'aux jeunes militants, l'État de Kwara s'est mobilisé pour promouvoir l'utilisation de ce vaccin contre le cancer. Leurs efforts ont porté leurs fruits, comme le constate Afeez Bolaji.

  • 3 septembre 2024
  • 7 min de lecture
  • par Afeez Bolaji
Élèves attendant leur tour de se faire vacciner contre le virus du papillome. Crédit : Afeez Bolaji
Élèves attendant leur tour de se faire vacciner contre le virus du papillome. Crédit : Afeez Bolaji
 

 

Balkis Muftau, 12 ans, a fermé les yeux au moment où la minuscule aiguille a pénétré dans la partie supérieure de son bras gauche, mais la piqûre n’a duré que quelques secondes. Elle a appliqué un morceau de coton à l’endroit de la piqûre et elle est allée rejoindre ses camarades de l'école primaire Adeta qui faisaient la queue pour recevoir leur dose de vaccin contre le virus du papillome humain (VPH).

« Nous, on ne veut pas mourir jeunes. On attendait le vaccin et nous sommes très heureuses d'avoir enfin pu l’obtenir ».

– Balkis Muftau, 12 ans

Le mercredi 29 mai au matin, il régnait une ambiance inhabituelle dans cette école des quartiers chics d'Ilorin, capitale de l'État de Kwara (centre-nord du Nigéria). L'enseignement avait été temporairement interrompu et plus de 200 adolescentes âgées de 9 à 14 ans étaient rassemblées dans la cour, où une équipe d'agents de santé s'affairait à administrer le vaccin.

« Ça s’est super bien passé », a lancé Balkis, tout excitée.

Pupils waiting to take HPV vaccine. Credit, Afeez Bolaji
Un bénévole fait la promotion du vaccin contre le VPH sur le marché de Moro.
Crédit : Fondation LEAH

Le vaccin contre le VPH, qui confère une protection à vie, permet de prévenir plus de 90 % des cas de cancer du col de l'utérus, deuxième cancer le plus meurtrier au Nigéria chez les femmes de 15 à 44 ans. Environ 13 700 nouveaux cas et 7 000 décès ont été enregistrés dans le pays pour la seule année 2022.

Pour endiguer la vague d’infections par le VPH, l'Agence nationale de développement des soins de santé primaires a lancé en octobre 2023 une campagne d’administration gratuite de 7,7 millions de doses destinée aux filles. Il s’agissait de la première phase d’une vaste campagne de vaccination visant à protéger quelque 16 millions de filles d'ici 2025, menée avec le soutien de différents partenaires dont Gavi, l'UNICEF, et l'Organisation mondiale de la Santé (OMS).

La première phase de cette campagne s'est déroulée l'année dernière dans les écoles et les communautés de 15 États du Nigéria ainsi que du Territoire de la capitale fédérale, Abuja. La phase II a débuté en mai, et Kwara est l'un des États visés par cette deuxième vague de vaccinations.

NIGÉRIA : LA LUTTE CONTRE LE VIRUS DU PAPILLOME HUMAIN EN QUELQUES CHIFFRES

La phase I de la campagne, lancée en octobre 2023, a permis de vacciner 5,3 millions de filles dans 15 États plus le Territoire de la capitale fédérale (TCF).

La phase II, qui a débuté en mai 2024, a déjà permis de protéger 7 millions de filles dans 21 États, se poursuit actuellement.

Avec l’introduction du vaccin contre le VPH dans les programmes de vaccination de routine dans les États du pays, le Nigéria devrait avoir vacciné quelque 16 millions de jeunes filles d'ici 2025.

Les responsables de la santé de Kwara s’étaient donné comme objectif de vacciner plus de 80 % de la population éligible au cours d'une campagne intensive de cinq jours qui s'est déroulée du 27 au 31 mai.

« On a entendu à la radio que c'était bien »

« Certains responsables de la santé étaient déjà venus nous dire que le cancer du col de l'utérus était une maladie mortelle et nous avaient recommandé de nous faire vacciner pour l'éviter », confie Balkis à VaccinesWork. « L'école avait également invité nos parents à une réunion d’information sur le vaccin. Nous, on ne veut pas mourir jeunes. On attendait le vaccin et nous sommes très heureuses d’avoir enfin pu l’obtenir. »

Amudalat Alabi, directrice adjointe de l'école, a reconnu que le taux de participation a été impressionnant, grâce à une campagne intensive de sensibilisation et à la coopération des parents.

« Les épouses du gouverneur actuel de Kwara et du gouverneur précédant se sont mobilisées pour le vaccin et ont fait campagne sur différentes plateformes médiatiques. Nous sensibilisons également les parents et ils coopèrent avec nous.

« Quelques parents se sont toutefois opposés à la vaccination de leurs filles. Nous allons les inviter à une autre réunion, peut-être en présence des agents de santé, pour mieux leur expliquer de quoi il s’agit. Nous espérons qu'ils reviendront sur leur décision », ajoute-t-elle.

Les filles en âge d'être vaccinées ne sont toutefois pas toutes scolarisées. Alors, les vaccinateurs se sont rendus également dans les postes de santé de proximité des communautés. À Idigba, à environ deux kilomètres de l'école primaire, les filles, accompagnées de leurs parents, étaient déjà nombreuses à l’arrivée de l'équipe de vaccination, aux environs de midi.

Les parents d'Aisha Abdullahi n'étaient pas chez eux, mais la fillette de 11 ans, qui aide sa mère à tenir une petite confiserie, est allée spontanément voir les responsables de santé pour se faire vacciner.

« Ma mère m'avait déjà dit d’aller [me faire vacciner contre le VPH] parce qu'elle avait entendu à la radio que c’était bien et que cela permettait de prévenir le cancer [du col de l'utérus]. Certaines de mes amies dont les parents étaient absents ont fait la même chose », explique-t-elle.

Prêt, partez...

L'école primaire Adeta et l’école d’Idigba font partie des 30 écoles et communautés de la métropole d'Ilorin visitées par l'équipe dirigée par Mojisola Sulyman, agent de santé communautaire, au cours de la semaine de vaccination. Selon elle, tout s'est bien passé ; et si la campagne de vaccination s’est avérée un succès, c’est en grande partie grâce à la campagne de sensibilisation intensive qui l'a précédée.

« Le gouvernement et les organisations de la société civile ont fait la promotion de la vaccination contre le VPH à la télévision, à la radio, sur les plateformes des médias sociaux et dans les communautés. Nous [les agents de santé] sommes également allés dans les écoles pour informer les enseignants et leurs élèves à ce sujet », a-t-elle déclaré.

L’État de Kwara, qui faisait partie de la deuxième phase de la campagne nationale de vaccination contre le VPH, a bénéficié de l'expérience des autres États. « Dans certains États qui avaient participé à la première phase, de nombreux parents s’étaient montrés réticents à la vaccination de leurs enfants parce qu'ils n'étaient pas correctement informés. Pour éviter ce genre de situation à Kwara, la campagne de sensibilisation a commencé en novembre de l'année dernière et elle a été très utile. Cela nous a bien facilité la tâche. Mon équipe mobile a vacciné plus de 5 000 filles éligibles », a-t-elle déclaré à VaccinesWork.

Les Premières Dames prennent la relève

La première dame de Kwara, la professeure Olufolake Abdulrazaw, a ouvert la cérémonie de lancement de la campagne de vaccination au niveau de l'État, tandis que l’une de ses prédécesseures s’employait à galvaniser l'enthousiasme pour cette initiative.

Parmi les organisations qui ont milité en faveur de la vaccination contre le VPH dans les semaines précédant le lancement de la campagne figure la Fondation LEAH, organisation dédiée à la lutte contre le cancer et la protection de l'enfance, fondée par la Dre Omolewa Ahmed, épouse de l'ancien gouverneur. Le personnel bénévole de la fondation a intensifié ses activités dans les villages, les marchés et les écoles pour donner aux enfants et à leurs parents toutes les informations sur le vaccin contre le VPH.

Selon les déclarations de la Dre Ahmed au deuxième jour de la campagne de vaccination dans l'État de Kwara, l'acceptation du vaccin contre le VPH était déjà impressionnante dans la zone de gouvernement local de Moro (zone rurale de l’État de Kwara).

« Beaucoup de parents étaient ravis que leurs filles puissent bénéficier de la vaccination. Bon nombre d'entre eux en sont devenus les ambassadeurs et en ont parlé autour d’eux. Nous sommes allés de maison en maison, de boutique en boutique ; nous avons discuté avec tout le monde de l'importance du vaccin contre le VPH. Nous avons rencontré les gens en petits groupes et sur les marchés, et discuté avec eux pour nous assurer que tout le monde avait bien compris le message. Notre vision est celle d'un monde où aucune femme n'aura à souffrir du cancer du col de l'utérus », affirme-t-elle.

La communauté et les chefs religieux prennent le relais

Les chefs communautaires et religieux ont repris le flambeau ; ils ont poursuivi les actions de sensibilisation de porte-à-porte et dissipé les rumeurs infondées sur le vaccin. Folorunso Akanbi, leader des jeunes de la communauté d'Idigba, explique qu'il a passé son temps à discuter avec les jeunes et avec leurs familles des bienfaits du vaccin.

« Tout ce qui peut protéger nos enfants est plus que bienvenu. C'est pourquoi nous appuyons les actions de sensibilisation menées par le gouvernement. La plupart des filles [éligibles] de ma communauté ont déjà été vaccinées, soit à l'école, soit chez elles. Ma fille a été vaccinée jeudi [le 30 mai] à l'école, et elle m'a montré son carnet de vaccination », ajoute-t-il.

« Beaucoup de parents étaient ravis que leurs filles puissent bénéficier de la vaccination. Bon nombre d'entre eux en sont devenus les ambassadeurs et en ont parlé autour d’eux. Nous sommes allés de maison en maison, de boutique en boutique ; nous avons discuté avec tout le monde de l'importance du vaccin contre le VPH. Nous avons rencontré les gens en petits groupes et sur les marchés, et discuté avec eux pour nous assurer que tout le monde avait bien compris le message. Notre vision est celle d'un monde où aucune femme n'aura à souffrir du cancer du col de l'utérus. »

– Dre Omolewa Ahmed, Fondation LEAH, ancienne première dame de l'État de Kwara

Hajara Isiaka, mère de cinq enfants, a d'abord hésité à laisser ses deux filles, âgées de 10 et 13 ans, se faire vacciner, mais elle admet que les militants, et notamment les jeunes du groupe animé par Folorunso Akanbi l'ont fait changer d'avis.

« J'avais peur que le vaccin leur fasse du mal, mais j'ai fini par accepter quand on m'a dit qu'il était sûr et efficace pour les protéger contre le cancer du col de l'utérus. Elles l'ont pris et ne se sont plaintes d'aucun effet secondaire », précise-t-elle.

A volunteer addressing families about HPV dose in Moro. Credit, LEAH Foundation
Moro : Un bénévole donne aux familles des informations sur le vaccin contre le VPH.
Crédit : Fondation LEAH

Lors d'un événement marquant le début de la campagne de vaccination de masse le 27 mai, le Dr Haliru Ndanusa, émir de Shonga, s'est engagé à continuer d'utiliser sa position de chef religieux et traditionnel dans la zone de gouvernement local d'Edu (État de Kwara) pour encourager l'adoption du vaccin contre le VPH.

« Nous allons continuer à travailler pour dissiper toutes les rumeurs à propos de la tolérance du vaccin », a-t-il ajouté.