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À Madagascar, le grand rattrapage rime avec la routinisation des vaccins

À l'occasion du 50e anniversaire du Programme élargi de vaccination, le Dr Tsivahiny Paubert, récemment nommé directeur du PEV de Madagascar, expose la vision du pays pour l'avenir de la vaccination. Il aborde les stratégies mises en place pour surmonter les défis actuels, tels que la gestion des épidémies, l'innovation dans la recherche et le développement de nouveaux vaccins. Il évoque également les enjeux de la souveraineté vaccinale et les menaces émergentes, notamment celles liées au changement climatique.

  • 2 septembre 2024
  • 7 min de lecture
  • par Rivonala Razafison
Dr Tsivahiny Paubert, directeur du PEV de Madagascar. Crédit : DRSP Anôsy
Dr Tsivahiny Paubert, directeur du PEV de Madagascar. Crédit : DRSP Anôsy
 

 

VaccinesWork : Pouvez-vous résumer le bilan des 50 années du PEV à Madagascar ?

Dr Tsivahiny Paubert : En 1974, le pays ne disposait que de deux antigènes : les vaccins antituberculeux et antitétanique. Aujourd’hui, nous utilisons plusieurs vaccins, dont l’antituberculeux, celui contre la polio, le pentavalent qui protège simultanément contre cinq maladies importantes (diphtérie, tétanos, coqueluche, hépatite B et Haemophilus influenzae de type b), le vaccin contre la pneumonie, celui contre la rougeole (MCV), le vaccin diphtérie-tétanos pour les femmes enceintes et le vaccin contre la COVID-19. Pour ce dernier, Madagascar utilise actuellement le vaccin Janssen et nous prévoyons de commencer l’utilisation du vaccin Pfizer à partir de septembre.

Nous envisageons également l’introduction de l’hexavalent, qui combine le pentavalent avec le vaccin polio injectable (VPI). Il y a aussi le vaccin oral contre le rotavirus, responsable de la diarrhée. Deux doses de vaccin contre la rougeole sont nécessaires : la première dose du vaccin anti-rougeole (MCV1) pour les enfants de 0 à 11 mois et la deuxième (MCV2) pour ceux de 0 à 18 mois. Le MCV1 cible les enfants de 9 à 11 mois et le MCV2 ceux de 15 à 18 mois. Les autres antigènes ciblent les enfants de 0 à 11 mois.

Le bilan global de la vaccination montre que l'objectif de 95 % de couverture pour tous les antigènes n'est pas encore atteint. Le vaccin pentavalent reste un indicateur clé de cette couverture. En 2023, le taux de couverture pour la première dose de pentavalent (penta1) était de 92 %, et de 86 % pour la troisième dose (penta3). Pour la même période, le taux de couverture pour le MCV1 était de 77 %, et de 72 % pour le MCV2. Le taux d'abandon, inférieur à 10 %, reste relativement bas. Il est également important de souligner la baisse des indicateurs du PEV entre 2019 et 2021 en raison de la pandémie de COVID-19. Toutefois, une reprise a été amorcée en 2022, et l'année 2023 a vu une augmentation progressive des indicateurs.

Comment surmonter les obstacles pour atteindre l’objectif ?

La mission principale de la direction du PEV est de garantir la régularité des vaccinations tout en rattrapant le retard accumulé depuis 2019 pour les enfants n'ayant reçu aucune dose. Nous y consacrons tous nos efforts. Ce rattrapage n'est pas une initiative distincte, mais est intégré dans les activités de routine. Pour y parvenir, nous déployons deux types d'interventions : les activités vaccinales intensives (AVII) et les activités de vaccination supplémentaire (AVS). Ces deux approches sont similaires, à la différence que les AVII couvrent tous les antigènes, tandis que les AVS se concentrent sur un antigène spécifique, en complément de ceux déjà administrés. Par exemple, les campagnes contre la polio sont systématiquement des AVS.

« Comme tous les autres pays, Madagascar n’est pas à l’abri de nouvelles menaces. [...] Par exemple, nous avons été confrontés au retour d’une souche de paludisme signalée pour la dernière fois dans les années 1980. »

– Dr Tsivahiny Paubert, directeur du PEV de Madagascar

Que ce soit à travers les AVII ou les AVS, le grand rattrapage reste une priorité dans toutes nos actions. Cette année, nous avons mené une campagne de vaccination contre la rougeole qui a intégré ce rattrapage.

Nous renforçons également notre collaboration avec les communautés et les agents communautaires (AC), qui jouent un rôle clé dans la sensibilisation et l'exécution des campagnes de vaccination. La vaccination ne se limite pas à sa mise en œuvre; la surveillance communautaire est également cruciale. En d’autres termes, nous sommes déterminés à rattraper les enfants qui n'ont reçu aucune dose et à les conduire à une vaccination complète, ce qui signifie qu'ils auront reçu le MCV2.

Un autre objectif essentiel est de prévenir l’apparition de nouveaux enfants non vaccinés. La communication institutionnelle, notamment avec l'implication de la Première Dame Mialy Rajoelina, marraine de la vaccination à Madagascar, en complément des méthodes de communication classiques, joue un rôle fondamental dans cet effort. L'objectif final est d'atteindre une couverture vaccinale de 95 % pour tous les antigènes.

Lors de votre séjour à Kigali, au Rwanda, en juin dernier, vous avez évoqué « de nouveaux horizons pour la vaccination, de nouvelles opportunités pour les enfants malgaches ». Pouvez-vous en dire plus ?

La digitalisation est en vogue partout et promet des améliorations significatives dans les pratiques. À partir de cette année, la gestion du PEV à Madagascar va adopter cette approche. Les rendez-vous de vaccination et la gestion de toutes les informations relatives aux vaccins, tant pour les parents que pour les registres communautaires, seront digitalisés. À ce titre, il est indispensable de renforcer l’utilisation des registres des bébés par les agents communautaires dès leur naissance, afin de faciliter leur suivi. Cette approche permet d’éviter que les enfants ne soient perdus de vue, assurant ainsi qu’ils soient complètement vaccinés.

Tout est prévu pour être en phase avec les registres communautaires, afin de faciliter la digitalisation de tous les rendez-vous. La collaboration avec les opérateurs de téléphonie mobile est incontournable, ce qui ouvre de nouveaux horizons. La ville d’Antananarivo et ses périphéries, dotées d’une bonne couverture en téléphonie mobile, seront les premières ciblées. Cette initiative s’étendra par la suite à d’autres régions.

Gavi a récemment annoncé la possibilité pour les pays à faible revenu de soumettre des demandes pour les vaccins contre la rage humaine, le papillomavirus humain (VPH) – responsable du cancer du col de l’utérus – le paludisme et le choléra. Où en est notre pays ?

Concernant la rage humaine, Gavi a recruté un consultant qui s’est réuni en août avec le point focal rage à Madagascar, au sein de la DPEV. Il a également assisté à une réunion à Abidjan, en Côte d’Ivoire, pour préparer la soumission au nom de notre pays. L’arrivée des doses de vaccin antirabique, dont l’acquisition sera financée par Gavi, est prévue pour fin décembre ou début janvier. En attendant, le ministère de la Santé publique et l’Institut Pasteur de Madagascar gèrent tout ce qui concerne la rage. La direction de la lutte contre les maladies transmissibles (DLMT) procède à la quantification de nos besoins en la matière, tandis que le consultant évalue les quantités requises.

Les vaccins antipaludiques ne sont pas encore à l’ordre du jour cette année. Le pays privilégie d’autres mesures de prévention. Quant au vaccin contre le VPH, Gavi est sur le point de recruter un consultant pour monter notre dossier de soumission. Madagascar est également candidat pour le vaccin anti-choléra, mais cette démarche est plus longue que pour les autres vaccins. Un consultant sera chargé de déterminer nos besoins. Les vaccins contre le VPH et le choléra n’arriveront pas encore cette année, mais la procédure pour les obtenir est déjà lancée.

Quels sont les plus grands défis de la vaccination à Madagascar et les perspectives pour y faire face ?

Le manque de ressources humaines est un problème récurrent. Nous faisons face à une distribution géographique inégale des ressources humaines. La région Analamanga, par exemple, dispose de nombreux agents de santé par rapport aux autres régions. Cependant, dès que l’on s’en éloigne, les agents de santé deviennent rares. Ce manque doit être compensé par l’organisation de formations pour développer les compétences nécessaires. La disponibilité à temps des vaccins et des intrants est un autre défi majeur, tout comme le règlement des arriérés des agents communautaires, qui accuse toujours du retard.

Les mesures prises pour les districts ayant le plus grand nombre d’enfants sans vaccination, au nombre de 56 (sur 120, ndlr), consistent à renforcer les activités de routine et à recourir à l’application CommCare. Cette dernière permet de digitaliser le paiement des personnels mobilisés durant les campagnes de vaccination.

Un mot sur les menaces émergentes…

Comme tous les autres pays, Madagascar n’est pas à l’abri de nouvelles menaces. La résurgence de maladies telles que mpox, la peste ou le choléra est une réalité. Par exemple, nous avons été confrontés au retour d’une souche de paludisme signalée pour la dernière fois dans les années 1980. Le district d’Antananarivo Atsimondrano a été touché. Ce phénomène pourrait être lié au changement climatique. La situation est désormais totalement sous contrôle.


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