Grâce à l’amour d’un père, les jeunes Nigérianes sont protégées contre le cancer du col de l'utérus

La perte tragique de sa femme, emportée par un cancer du col de l'utérus, a renforcé la détermination de Maina Modu, agent de vaccination dans l'État de Borno, à protéger non seulement ses filles, mais aussi toutes les jeunes filles de l'État contre cette maladie évitable par la vaccination.

  • 27 août 2024
  • 6 min de lecture
  • par Zubaida Baba Ibrahim
Un groupe d'écolières après leur vaccination contre le virus du papillome. Crédit : Maina Modu
Un groupe d'écolières après leur vaccination contre le virus du papillome. Crédit : Maina Modu
 

 

Lorsqu’il a appris que le vaccin contre le virus du papillome humain (VPH) allait être introduit au Nigéria, Maina Modu, 55 ans, agent de vaccination dans l'État de Borno, s’est déclaré enchanté et s’est mis à compter les jours jusqu’à l’arrivée du vaccin. « J'espérais que mon État ferait partie des premiers à bénéficier du déploiement de masse [au Nigéria]", confie-t-il à VaccinesWork.

Cela n'a pas été le cas : la première phase de la campagne nigériane de vaccination contre VPH, qui a démarré en octobre 2023, n'a pas concerné l'État natal de Maina, mais ce dernier est resté optimiste, sachant qu'au milieu de l'année 2024, ce vaccin qui protège contre le cancer du col de l'utérus serait également disponible dans l'État de Borno.

« J'ai de la peine [à cause de la mort de ma femme]. Chaque fois que je vois les quatre enfants que nous avons eus ensemble, je ne peux m'empêcher de penser à elle et à sa maladie. »

- Maina Modu, agent de vaccination

En fait, il dit avoir profité de ce retard pour faire comprendre à ses dix enfants l'importance du vaccin, assurant à ses filles qu'elles seraient vaccinées dès que le vaccin serait disponible.

Des souvenirs douloureux

Père de six filles, Maina Modu affirme être profondément conscient de la responsabilité qui lui incombe de les protéger contre le cancer du col de l'utérus. Ce cancer, il le connaît bien, car il a déjà dévasté sa famille. En 2011, il a perdu sa première femme, emportée par ce cancer quelques mois après avoir donné naissance à leur quatrième enfant.

Le cancer du col de l'utérus est le deuxième cancer le plus fréquent chez les femmes nigérianes. On estime à 12 000 le nombre de femmes chez lesquelles il est diagnostiqué chaque année dans le pays, et à près de 8 000 le nombre de celles qui en meurent. Dans la très grande majorité des cas, le cancer du col de l'utérus est causé par le virus du papillome humain, un virus extrêmement répandu et transmis par contact sexuel. Le vaccin contre le VPH est capable d’éviter plus de 90 % de ces cancers.

« J’ai de la peine [à cause de la mort de ma femme]. Chaque fois que je vois les quatre enfants que nous avons eus ensemble, je ne peux m’empêcher de penser à elle et à sa maladie », confie Maina. « Cela a bouleversé ma vie et je me demande comment je peux protéger les femmes en général. Depuis 2011, je lis tout ce que je peux à ce sujet [cancer du col de l'utérus], alors quand j'ai entendu parler du vaccin, j’ai tout de suite été très enthousiaste. »

Comme beaucoup de maladies, le cancer du col de l'utérus constitue une menace profondément injuste. Le risque de mourir d'un cancer du col de l'utérus est plus élevé chez les femmes dont le statut socio-économique est bas. Des études ont montré que les taux de diagnostic du cancer du col de l’utérus, ainsi que les taux de mortalité dus à ce cancer sont nettement inférieurs dans les pays qui affichent un indice de développement humain (IDH) élevé.

Le vaccin arrive dans l’État de Borno

Pour la plus grande joie de Maina Modu, le programme nigérian de vaccination contre le virus du papillome est entré dans sa seconde phase le 27 mai 2024 et s'est étendu à l’État de Borno et aux 20 États restants. Des six filles de Maina, deux étaient éligibles pour la vaccination, « et elles étaient impatientes de le recevoir », se souvient-il.

Il leur avait inculqué dès leur plus jeune âge la notion de l'importance des vaccins et de la vaccination de routine, et il leur avait parlé du cancer du col de l'utérus, qui avait coûté la vie à leur mère. « Par conséquent, elles étaient bien informées des risques [de la maladie] et attendaient avec impatience d'être vaccinées. »

 

Maina Modu and his daughters, Fatima and Aisha, after getting a jab of the  HPV vaccine. Credit: Maina Modu
Maina Modu et ses filles, Fatima et Aisha, après leur vaccination contre le virus du papillome.
Crédit : Maina Modu

Au-delà du devoir parental

En dehors de son implication personnelle dans la protection de ses propres filles, Maina Modu travaille depuis 30 ans comme agent de vaccination dans son État. À ce titre, il joue un rôle essentiel dans le succès de la vaccination de toutes les filles éligibles dans son État.

Dans le cadre de ses responsabilités, Maina a réuni son équipe pour créer un groupe de travail technique solide, capable de gérer efficacement les éléments essentiels du déploiement du vaccin, notamment la logistique de la chaîne d'approvisionnement, la stimulation de la demande et la gestion des données.

« En ce qui concerne les ressources humaines en particulier, nous devions nous assurer que les agents de santé dont dépendait notre succès étaient disponibles et parfaitement formés », explique Maina à VaccinesWork.

Dans le cadre de la seconde phase du programme national de lutte contre le VPH, les spécialistes de la vaccination comme Maina ont pu s'appuyer sur les leçons tirées par les États qui avaient participé à la première phase du déploiement, notamment en ce qui concerne la lutte contre les mythes et la désinformation, obstacle à la vaccination qui s’est avéré important au cours de la première phase .

L'équipe de Maina a dû faire face à un problème particulier : la désinformation à propos des critères d'éligibilité à la vaccination contre le VPH. L'équipe a dû élaborer un plan d’action détaillé visant non seulement à mobiliser la population concernée, mais aussi à éduquer le grand public sur l’intérêt de vacciner les filles avant le début de l'activité sexuelle, à savoir la tranche d'âge prioritaire des 9-14 ans. « Nous y parvenons principalement en mettant l'accent sur les dangers de la maladie », confie Maina.

Le cancer du col de l'utérus se manifeste souvent tardivement. Au cours de son évolution, il peut provoquer des douleurs pelviennes et des saignements vaginaux anormaux. À un stade plus avancé, il peut entraîner une incontinence, un œdème des membres inférieurs, voire des troubles intestinaux et vésicaux.

Près de 400 000 filles protégées

« L'objectif, c’était d’aller en profondeur. Il s'agissait d'atteindre chaque communauté et chaque fille, et de créer la demande pour le vaccin », explique-t-il, ajoutant que l'opération avait été jusque-là couronnée de succès. « Notre objectif initial était de vacciner 400 000 filles dans notre État, puis l'équipe nationale nous a demandé, dans le cadre de la stratégie de déploiement de la vaccination, d'atteindre au moins 80 % de notre objectif. Nous sommes heureux d’avoir fait mieux, car nous avons réussi à vacciner 387 745 filles. Nous avons pour cela utilisé différentes stratégies [ou méthodes] : sensibilisation au niveau des écoles, sensibilisation au niveau des communautés et lors de l’administration de soins de santé primaires », a rapporté Maina à VaccinesWork. Au total, plus de 7 millions de filles ont été vaccinées contre le VPH au cours des deux premières semaines de la phase II de la campagne nationale.

« L'objectif, c’était d’aller en profondeur. Il s'agissait d'atteindre chaque communauté et chaque fille, et de créer la demande pour le vaccin. Notre objectif initial était de vacciner 400 000 filles dans notre État, puis l'équipe nationale nous a demandé, dans le cadre de la stratégie de déploiement de la vaccination, d'atteindre au moins 80 % de notre objectif. Nous sommes heureux d’avoir fait mieux, car nous avons réussi à vacciner 387 745 filles. »

- Maina Modu, agent de vaccination

Le programme progresse, mais le travail de Maina consiste à anticiper les problèmes qui pourraient survenir lorsque le programme de vaccination contre le VPH du Nigéria passera de la campagne de vaccination à la vaccination de routine. Actuellement, il craint que la saisie des données dans le système DHIS2 ne soit difficile, en raison de la pénurie de personnel formé et compétent dans ce domaine. Toutefois, des plans sont en cours pour former des gestionnaires de données et des agents affectés à la vaccination systématique dans les établissements de santé afin de combler cette lacune « pour éviter que les vaccinations soient bien effectuées, mais sans aucun recueil de données », explique-t-il.

« Il appartient aux pères de protéger leurs enfants... »

Deux des six filles de Maina ont dépassé l’âge d'être vaccinées, mais il tient à ce qu'elles soient protégées contre le cancer du col de l'utérus. Il s'est engagé à leur faire passer régulièrement des examens de dépistage. Le dépistage est essentiel pour préserver la santé du col de l'utérus et détecter les problèmes potentiels à un stade précoce. Connu sous le nom de frottis, ce test simple vise à détecter les premiers signes d’anomalie des cellules du col de l’utérus, afin de les traiter avant qu’elles n’évoluent en cancer.

« Nous traiterons le plus tôt possible les maladies détectées », a déclaré Maina à VaccinesWork. « Mes deux autres filles n'ont pas atteint l'âge requis, mais elles devraient en bénéficier dans le cadre de la vaccination de routine. »

« Il appartient aux pères de protéger leurs enfants. Et ce que j'attends des pères, c'est qu'ils incitent leurs filles et qu'ils les emmènent eux-mêmes se faire vacciner quand elles ont atteint l’âge requis. Il faut qu’ils les amènent eux-mêmes pour s’assurer qu'elles sont protégées contre le virus papillomavirus humain. »