Comment la République du Congo combat l'épidémie de mpox

Le 23 avril 2024, la République du Congo, par la voix de son ministère de la Santé et de la Population, annonçait officiellement la présence de l’épidémie de mpox sur son territoire. Avec 59 cas signalés dans cinq départements, dont 19 confirmés, le pays se trouve également confronté à la crise sanitaire continentale et mondiale.

  • 22 août 2024
  • 5 min de lecture
  • par Rosie Pioth
Dr Gilbert Aristide Nianga, coordonnateur technique du Centre des opérations d'urgence de santé publique. Crédit : Rosie Pioth
Dr Gilbert Aristide Nianga, coordonnateur technique du Centre des opérations d'urgence de santé publique. Crédit : Rosie Pioth
 

 

Dans le marché animé de Kintélé, en périphérie de Brazzaville, Bertin, vendeur de viande de brousse, semble indifférent aux risques sanitaires qui pèsent sur son activité. « J’ai entendu parler de cette maladie sans vraiment en connaître les risques ; mais honnêtement, je mange moi-même de cette viande et je n’ai rien, donc je ne m’en préoccupe pas ! », déclare-t-il avec une désinvolture qui contraste violemment avec la réalité de la situation.

En effet, la mpox, une zoonose qui touche aussi bien les animaux que les humains, est connue pour être hautement contagieuse et, dans certains cas, potentiellement mortelle. Elle se transmet principalement par contact direct entre humains, par l'intermédiaire d'animaux infectés ou encore via la consommation de viande de brousse contaminée.

Le moteur de la riposte : Le COUSP en première ligne

Pour faire face à cette crise, le Centre des opérations d'urgence de santé publique (COUSP) a été activé. Créée en mars 2023 et pleinement opérationnelle depuis août de la même année, cette unité est devenue le centre névralgique de la lutte contre la mpox, coordonnant la riposte à toutes les urgences sanitaires à venir. Le Dr Gilbert Aristide Nianga, spécialiste en hygiène et épidémiologie, en est le coordonnateur technique.

« Il faut envisager la vaccination dans les zones touchées par cette épidémie, mais le stock mondial de ces vaccins reste très limité ».

« Le COUSP est le moteur de la riposte, avec diverses stratégies mises en place en collaboration avec nos partenaires, pour stopper la propagation de la maladie sur l’ensemble du territoire national », explique-t-il. Sous sa direction, des équipes ont été déployées dans les départements les plus touchés, comme la Likouala, la Cuvette, les Plateaux et Pointe-Noire, pour sensibiliser les populations locales, collecter des données et intervenir sur les cas suspects. « Des équipes se sont également rendues dans le Kouilou pour examiner des cas suspects, dans le but de contenir la maladie », ajoute-t-il.

La sensibilisation et la recherche médicale en action

Au Centre de santé Jean Taty de Makélékélé, Destinée Kimbassa, membre d'une des équipes de riposte, est en première ligne pour sensibiliser la population. « Je suis ici pour informer et sensibiliser sur le virus mpox, qui sévit dans notre pays. Nous luttons en communiquant sur les mesures de prévention et les risques liés à la maladie », raconte-t-elle dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux par l’UNICEF Congo-Brazzaville. Elle énumère les symptômes de la mpox, expliquant l'importance d'une prise en charge rapide pour éviter toute propagation.

Professeure Francine Ntoumi, Présidente de la Fondation Congolaise pour la Recherche Médicale
Crédit : Fondation Congolaise pour la Recherche Médicale

Les chercheurs jouent également un rôle crucial dans cette lutte contre le mpox, comme le montre la Fondation Congolaise pour la Recherche Médicale, sous la direction de la professeure Francine Ntoumi. Aux côtés du Laboratoire National de Santé Publique, elle participe à l’analyse des cas, au séquençage et à la confirmation des souches virales. « Nous travaillons à aller sur le terrain pour étudier les statuts asymptomatiques afin de mieux comprendre certains modes de transmission et ainsi renforcer la riposte nationale », explique la professeure Ntoumi.

Défis de la riposte sanitaire

Le Dr Jean-Médard Kankou, directeur de l’épidémiologie et de la lutte contre la maladie en République du Congo, souligne les particularités de cette épidémie. « Cette épidémie diffère des précédentes connues au Congo par la virulence du virus, avec un taux de létalité élevé et une transmission importante, y compris par voie sexuelle », explique-t-il.

Dr Jean-Médard Kankou, directeur de l’épidémiologie et de la lutte contre la maladie en République du Congo
Crédit : Rosie Pioth

Pourtant, malgré l’urgence, les efforts pour contenir la maladie se heurtent à divers obstacles, tels que le manque de prélèvements de cas suspects par certaines formations sanitaires. Les autorités congolaises restent vigilantes, même si le pays n’a pas enregistré de nouveaux cas confirmés depuis la déclaration de l’épidémie.

Afin de prévenir une crise plus large, des mesures telles que le renforcement de la surveillance épidémiologique, la communication sur le risque, l’engagement communautaire, et l'équipement des formations sanitaires en kits de prélèvement et en médicaments ont été mises en place. Cependant, il manque un outil de lutte particulièrement efficace : la vaccination. « Il faut envisager la vaccination dans les zones touchées par cette épidémie, mais le stock mondial de ces vaccins reste très limité », déplore le Dr Kankou.

Un enjeu continental et mondial

Le 13 août dernier, le Centre Africain de Prévention et de Contrôle des Maladies (Africa CDC) déclarait que le mpox constituait désormais une urgence de santé publique continentale. L’Organisation Mondiale de la Santé, dans le même élan, a classé le mpox comme une urgence de santé mondiale, incitant les pays les plus touchés à lancer des campagnes de vaccination dans les zones les plus affectées.

Avec 2 863 cas confirmés et 517 décès dans 13 pays africains rien qu’en 2024, la mpox est une crise qui nécessite une réponse collective et coordonnée, où chaque maillon de la chaîne, du marché de Kintélé aux laboratoires de Brazzaville, en passant par les autorités sanitaires et tous leurs partenaires, joue un rôle crucial dans la protection de la population.


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