Les médicaments pour prévenir la COVID longue sont-ils enfin à portée de main ?

Deux nouvelles études suggèrent que des médicaments antidiabétiques et antiviraux actuellement disponibles pourraient être utilisés pour prévenir les symptômes de la COVID-19.

  • 25 septembre 2023
  • 4 min de lecture
  • par Linda Geddes
Une pilule (médicament ou placébo) à avaler avec un verre d’eau. Crédit : JESHOOTS.com via Pexels
Une pilule (médicament ou placébo) à avaler avec un verre d’eau. Crédit : JESHOOTS.com via Pexels
 

 

La découverte que la dexaméthasone réduisait les risques de décès dus à la COVID-19 a marqué un tournant décisif dans la pandémie, mais il s'est avéré plus difficile d'identifier des médicaments capables de prévenir les conséquences à long terme de l'infection. Aujourd'hui, deux études indiquent qu’un médicament contre le diabète, la metformine, et un médicament antiviral, le Paxlovid, pourraient réduire le risque de développer une COVID de longue durée (ou COVID longue).

On estime que cette affection, également connue sous le nom d’affection post-COVID-19 (ou encore syndrome post-aigu consécutif à l'infection par le SARS-CoV-2 [PASC] ou syndrome post-COVID), touche environ 10 à 20 % des personnes ayant contracté la COVID-19, bien que la gravité et la durée de leurs symptômes varient.

« Je n'utilise pas le terme "percée" à la légère. Mais vu l’effet bénéfique constaté lors de l'essai randomisé de la metformine, médicament, peu coûteux et bien toléré, je peux dire qu'il s'agit bien d'une percée majeure ».

– Eric Topol, Professeur de médecine moléculaire

Une méta-analyse récemment publiée suggère que les vaccins contre la COVID-19 réduisent d'environ 43 % le risque de développer des symptômes persistants, mais le virus continuant à circuler, d'autres interventions sont nécessaires.

L’étude de la metformine

Carolyn Bramante, de l'université du Minnesota à Minneapolis (États-Unis), et ses collègues ont entrepris de vérifier si le traitement précoce des patients atteints de COVID-19 par la fluvoxamine (médicament antidépresseur), l'ivermectine (médicament antiparasitaire) ou la metformine (médicament antidiabétique) pouvait prévenir la COVID longue. Pour ce faire, 1 323 adultes en surpoids ou obèses atteints de COVID-19 ont reçu, de façon aléatoire, l'un de ces médicaments ou des pilules placebo, sans que ni les patients ni leurs médecins ne sachent quel médicament leur avait été attribué. Les patients ont ensuite été suivis pendant 300 jours pour déterminer si l'un ou l'autre de ces médicaments réduisait le risque de syndrome post-COVID - dont le diagnostic devait être établi par leur médecin.

L'étude, publiée en pré-impression dans The Lancet, indique que le traitement à la metformine réduit de 42 % le risque de développer une COVID longue par rapport au traitement placebo. L'incidence de COVID longue dans ce groupe était de 6,3 %, contre 10,6 % chez les personnes ayant reçu un placebo. L'ivermectine et la fluvoxamine n'ont pas eu d'effet significatif.

Le traitement par la metformine a également permis de réduire de 40 % l'incidence des hospitalisations, des visites aux urgences et des décès liés à la COVID-19.

Un essai décisif

À ce jour, c’est le seul essai randomisé à avoir démontré une efficacité dans la prévention de du syndrome post-COVID-19, a déclaré Eric Topol, professeur de médecine moléculaire, fondateur et directeur de l’Institut Scripps de recherche translationnelle (Scripps Research Translational Institute) à La Jolla, en Californie : « Je n'utilise pas le terme "percée" à la légère », a-t-il reconnu. « Mais vu l’effet bénéfique constaté lors de l'essai randomisé de la metformine, médicament peu coûteux et bien toléré, je peux dire qu'il s'agit bien d’une percée majeure ».

La metformine est un médicament couramment prescrit pour le traitement du diabète, mais elle est également utilisée hors AMM pour d’autres affections comme le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) et l'obésité. Elle permet de réduire la résistance à l'insuline, mais elle exerce aussi un effet anti-inflammatoire. Des études menées sur des cellules infectées par le SARS-CoV-2 suggèrent qu'elle pourrait également réduire la réplication virale.

Selon Carolyn Bramante et ses collègues, d'autres études sont nécessaires, mais « ces résultats sont très pertinents en l'état actuel de la pandémie car, dans cette étude, environ la moitié des patients étudiés avaient été vaccinés, et le suivi s’est poursuivi sur 10 mois alors que le recrutement avait été effectué durant la vague du variant Omicron ». En effet, alors que « la COVID longue est une urgence de santé publique importante qui peut avoir des conséquences durables sur la santé, la santé mentale et l'économie, en particulier dans les groupes marginalisés sur le plan socio-économique, la metformine est sûre, peu coûteuse et largement disponible ».

Un médicament antiviral

La seconde étude, publiée dans JAMA Internal Medicine, a cherché à déterminer si le traitement par un antiviral (Paxlovid) pendant la phase aiguë de la COVID-19 était associé à une réduction du risque de COVID longue. Même s’il ne s'agissait pas d'un essai contrôlé randomisé, la réduction du risque observée (-26 %) est significative et justifie des recherches plus approfondies.

Yan Xie, de la Fondation pour la formation et la recherche en faveur des vétérans (Veterans Research and Education Foundation) de St Louis, dans le Missouri (États-Unis), et ses collègues ont identifié 35 717 personnes qui avaient été traitées avec du Paxlovid dans les CINQ jours suivant un test COVID-19 positif et 246 076 témoins qui avaient été testés positifs, mais n'avaient reçu aucun traitement antiviral. Ils ont constaté que le médicament était associé à une réduction de 26 % des symptômes de COVID longue dans différents organes, que les personnes aient été vaccinées ou non.

L'étude n'a porté que sur des sujets prenant du Paxlovid dans le cadre de son autorisation d'utilisation d'urgence, à savoir les adultes de plus de 60 ans ou les personnes souffrant d'une affection sous-jacente, les participants étant principalement des hommes.

« Il s'agit d'une réduction de risque que nous jugeons importante », a déclaré à CNN Ziyad Al-Aly, co-auteur de l'étude et responsable de la recherche et du développement au sein du système de santé des vétérans américains (VA St. Louis Health Care System). « Lorsqu'il s'agit de décider d'utiliser ou non du Paxlovid, il faut bien sur tenir compte de son efficacité au cours de la phase aiguë, mais aussi de son efficacité dans la réduction des complications à long terme de l'infection par la COVID ».