Un siècle après le premier vaccin contre la tuberculose, l'espoir renaît grâce à l'arrivée d'un nouveau vaccin

Imaginez un monde où la tuberculose ne faucherait pas des millions de vies chaque année. Ce rêve pourrait devenir réalité, si l’essai vaccinal qui démarre en Afrique du Sud vient confirmer les premiers résultats de ce nouveau vaccin révolutionnaire.

  • 18 juillet 2024
  • 5 min de lecture
  • par Mandy Collins
Université du Montana 2024
Université du Montana 2024
 

 

Vers la fin du mois de mars 2024, les premières doses de ce qui pourrait être le premier nouveau vaccin contre la tuberculose depuis plus d’un siècle ont été administrées à Johannesburg, en Afrique du Sud, dans le cadre d’un essai clinique de phase 3. Une étape cruciale vient d'être franchie dans la lutte contre cette maladie meurtrière.

« S’il marche, ce vaccin pourrait complètement changer la donne en matière de prévention de la tuberculose », déclare la professeure Lee Fairlie, de l’institut de recherche Wits RHI, co-investigatrice principale (avec le professeur Willem Hanekom de l'Africa Health Research Institute) de l'étude clinique menée en Afrique du Sud. L'étude permettra de vérifier si l’administration du vaccin candidat M72/AS01E à des adolescents et des adultes de moins de 45 ans les protège contre la tuberculose pulmonaire.

« Le BCG protège les jeunes enfants. Nous savons que ce sont eux, en particulier ceux qui ont moins de cinq ans, qui sont les plus exposés au risque de tuberculose. Mais le BCG ne protège pas beaucoup au-delà de la petite enfance - en tout cas pas autant qu’on le voudrait ».

– Professeure Lee Fairlie, Wits RHI

Cet essai de phase 3 inclura 20 000 participants volontaires de sept pays ; 50 à 60 % seront recrutés en Afrique du Sud, les autres en Zambie, au Malawi, au Mozambique, au Kenya, en Indonésie et au Viet Nam.

Le poids de la tuberculose sur la santé mondiale est considérable : en 2022, la tuberculose était, selon l'Organisation mondiale de la santé, la deuxième cause de mortalité infectieuse après la COVID-19, et elle a fait plus de morts que le VIH/sida. « La tuberculose frappe chaque année environ 280 000 personnes en Afrique du Sud, et 10,6 millions dans le monde, avec 1,3 million de décès », expose la professeure Lee Fairlie. « Il s'agit d'un problème majeur, en particulier pour les pays à revenu faible ou intermédiaire. »

Actuellement, le seul vaccin disponible pour la prévention de la tuberculose est le BCG (bacille de Calmette et Guérin, du nom de ses inventeurs), qui est administré à la naissance dans certains pays. Inoculé pour la première fois à un nourrisson en 1921, il offre une bonne protection contre la tuberculose chez les jeunes enfants et contre les formes graves de la maladie mais, selon la Prof. Lee Fairlie, il a ses limites.

« Le BCG protège les jeunes enfants. Ce sont eux, et en particulier ceux qui ont moins de cinq ans, qui sont les plus exposés au risque de tuberculose », explique-t-elle. « Mais le BCG ne protège pas beaucoup au-delà de la petite enfance, et certainement pas autant qu’on le voudrait. »

Il existe aujourd’hui un traitement préventif contre la tuberculose (TPT) qui permet de protéger ceux qui ont été en contact avec la bactérie (Mycobacterium tuberculosis, ou bacille de Koch) responsable de la maladie. Mais il faut prendre des médicaments pendant au moins six mois, et bien souvent les patients abandonnent leur traitement. En Afrique du Sud, les programmes de traitement préventif se sont également révélés suboptimaux pour différentes raisons : insuffisance de suivi, scepticisme des professionnels de santé, inefficacité du suivi des personnes contacts et situation socio-économique des patients. Il semble donc préférable et plus pratique de prévenir la tuberculose par un vaccin.

Il faut bien faire la distinction : ce vaccin vise à empêcher la tuberculose latente de se transformer en tuberculose maladie, précise Lee Fairlie, mais pas à empêcher l’infection. « Environ un quart de la population mondiale a été infectée par le bacille de Koch, mais a réussi à contrôler l’infection : elle est atteinte de ce que nous appelons la tuberculose latente », explique-t-elle. « En d’autres termes, ces patients ont été infectés, mais ils n’ont pas développé la maladie. »

Mais sous l’effet de différents facteurs (VIH, malnutrition, diabète, tabagie, traitement immunosuppresseur, par exemple), le bacille peut se réveiller, poursuit Lee Fairlie. La tuberculose devient alors active, symptomatique et contagieuse. C’est la tuberculose maladie. « Or une première étude a montré une réduction de 50 % des cas de tuberculose pulmonaire chez les sujets présentant des signes de tuberculose latente qui étaient vaccinés avec le vaccin M72/AS01E. »

Les recherches sur les vaccins antituberculeux se heurtent à une difficulté de taille, reconnaît Lee Fairlie : on ne dispose toujours pas de corrélats de l’immunité, c’est-à-dire de marqueurs mesurables indiquant qu'une personne est protégée contre l'infection et/ou le développement de la maladie.

« On peut mesurer les effets du vaccin en examinant le nombre de personnes qui développent la tuberculose maladie ; c'est d’ailleurs le premier critère d'évaluation de cette étude effectuée chez des personnes atteintes de tuberculose latente », explique-t-elle. « Les recherches sur les marqueurs de l’immunité se poursuivent, et cette étude devrait aider à identifier la réponse immunitaire induite par le vaccin, à vérifier si elle se traduit par une protection contre la tuberculose et à définir comment on peut la mesurer. »

Des prélèvements de sang seront effectués sur les participants au moment de leur recrutement dans l’essai clinique, pour rechercher la présence d’une tuberculose latente par des tests de libération de l'interféron-gamma (IGRA). L’essai inclura 20 000 participants, dont 18 000 IGRA-positifs (c’est-à-dire qui ont une tuberculose latente), 1 000 IGRA-négatifs, et 1 000 patients vivant avec le VIH.

« C’est une perspective formidable que de pouvoir disposer d'un excellent moyen de prévenir la tuberculose, qui n’implique pas l'obligation de prendre un traitement ou de se rendre régulièrement dans un centre de santé.

– Professeure Lee Fairlie, Wits RHI

« Nous essayons de nous focaliser sur les communautés considérées comme les plus touchées par la tuberculose - ce que nous appelons les points chauds de la tuberculose – et ceci dans un souci de santé publique", indique Lee Fairlie. En Afrique du Sud, les essais auront lieu dans 34 sites répartis dans plusieurs provinces.

Les participants recevront soit un placebo, soit le vaccin M72/AS01E, l’attribution se faisant au hasard et en ‘‘double aveugle’’ : les investigateurs aussi bien que les participants eux-mêmes ignoreront le traitement qui aura été attribué. Le vaccin ou le placebo sera administré en deux fois, le premier jour et le 29e jour de l’étude, et les chercheurs surveilleront de près tout événement indésirable. Les participants devront, bien sûr, signaler immédiatement l’apparition éventuelle de symptômes de la tuberculose.

Le critère d'évaluation principal de l'étude sera atteint lorsque 110 personnes auront développé la tuberculose ce qui, selon Lee Fairlie, pourrait demander au moins quatre ans. Les données seront alors analysées et l’on a tout lieu d’espérer que les résultats seront conformes aux attentes.

Lee Fairlie est très enthousiaste envers ce vaccin candidat qui pourrait vraiment faire la différence dans la lutte mondiale contre la tuberculose. « C’est une perspective formidable que de pouvoir disposer d'un excellent moyen de prévenir la tuberculose, qui n’implique pas l'obligation de prendre un traitement ou de se rendre régulièrement dans un centre de santé » , affirme-t-elle.

« Cela n'aura pas seulement un impact sur la santé des populations, mais aussi sur leur environnement socio-économique, familial et scolaire », ajoute-t-elle. « Si nous parvenons à mettre au point un vaccin efficace, c’est tout le domaine de la prévention qui sera profondément modifié. »