En RDC, vacciner les enfants de l’île d’Idjwi contre vents et marées

Située en plein milieu du lac Kivu, face aux villes de Goma et Bukavu dans la province du Sud-Kivu, l’île d’Idjwi, avec ses 310 km2 de superficie et huit îlots dont six habités et deux déserts, est un archipel habité par plus de 330 000 habitants. Les équipes de vaccinations s'y rendent, parfois au péril de leur vie.

  • 16 mars 2023
  • 5 min de lecture
  • par Rosie Pioth
Des agents vaccinateurs se rendent en pirogue vers les îlots du lac Kivu. Crédit : Daniel Michombero
Des agents vaccinateurs se rendent en pirogue vers les îlots du lac Kivu. Crédit : Daniel Michombero
 

 

La couverture vaccinale dans cette île demeure la principale préoccupation du Programme élargi de vaccination du pays car la mobilité demeure le principal obstacle pour les équipes de vaccination. Malgré ces difficultés, les équipes de vaccination de l’aire de santé de Mafula, zone de santé d’Idjwi, sont plus que déterminées à atteindre leur objectif principal : atteindre les enfants dans tous les coins dans cette zone difficile d’accès.

A la veille de chaque voyage, les relais communautaires habitant les îlots ciblés sont mis à contribution pour sensibiliser et informer la population de l’arrivée de l’équipe de vaccination.

Difficulté d’accès au centre de santé

Aujourd’hui, une équipe doit se rendre sur l’îlot de Birhende pour assurer la vaccination des enfants. Au bord du lac, une pirogue est apprêtée pour ce trajet sur le lac Kivu. Accompagné du piroguier et d’un autre collègue, Uwezo Matezi, infirmier titulaire du centre de santé de Mafula, se rend sur l’îlot pour une série de vaccinations destinées aux enfants, mais aussi aux femmes enceintes.

En attendant d’avoir un moyen de transport plus sûr, les équipes de vaccination ont désormais opté pour des voyages très tôt dans la matinée ou à la tombée de la nuit, car les vagues mortelles surviennent le plus souvent dans la journée sur le lac.

L’infirmier explique qu’il arrive de reporter des séances de vaccination pour cause de mauvais temps : en effet, les équipes ne se déplacent qu’en pirogue.

« Lors d’une séance de vaccination prévue, le personnel soignant a dû retourner vers le centre de santé parce qu’il y avait beaucoup de vagues sur le lac et la traversée n’a pas pu se faire », ajoute-t-il. « Si le gouvernement pouvait nous doter de pirogues motorisées et aussi construire un poste de santé au niveau de chaque îlot, cela aiderait à promouvoir la santé pour tous ».

Les mères veulent faire vacciner leurs enfants

Anastasie Muhemeri, mère de sept enfants, est une habitante de l'îlot de Birhende. Pour cette mère de famille, les équipes de vaccination effectuent un travail remarquable car c’est grâce à la vaccination qu’elle a pu, à l’époque, s’en sortir face à la rougeole après avoir été exposée au virus.

« Je connais l'importance du vaccin car je suis née ici et j'ai été vaccinée. Ces vaccins m'ont protégé contre certaines maladies jusqu’à ce jour. Je me souviens qu’enfant, j’ai souffert de la rougeole, mais je m'en suis sortie car j'ai été vaccinée. Aujourd’hui, je déplore le fait que tous mes enfants ne sont pas vaccinés par manque de moyen de transport pour accéder aux lieux de vaccination », regrette-t-elle.

Les agents de santé doivent se déplacer d'îlot en îlot pour permettre à tous les enfants d'être vaccinés.
Les agents de santé doivent se déplacer d'îlot en îlot pour permettre à tous les enfants d'être vaccinés.
Crédit : Daniel Michombero

C’est donc pour les familles comme celle d’Anastasie que les équipes de vaccination, contre vents et marées, continuent à parcourir le lac Kivu dans des pirogues sommaires pour atteindre tous les enfants des îlots aux alentours.

Une traversée périlleuse

Mapendo Bugogo Aimé supervise la zone de santé de l’ile d’Idjwi, et est en charge des questions vaccinales et toutes les maladies évitables par la vaccination. Les conditions de transport peuvent parfois s’avérer néfastes pour les équipes, mais l’abnégation et la volonté de sauver des vies priment.

« Chaque début du mois avec l’équipe de santé, nous nous organisons pour aller à la rencontre des enfants en pirogue parce que ces enfants ont des difficultés à accéder au centre de santé de Mafula », affirme-t-il.

« Mon prédécesseur a perdu son épouse qui était également infirmière dans ces conditions : ils partaient pour une séance de vaccination sur l’îlot de Birhende où nous nous rendons aujourd’hui. Tout s’est bien passé à l’aller et lors du retour, une forte vague a secoué la pirogue, la femme n’a pas pu y faire face, est tombée dans le lac et a ainsi perdu la vie », ajoute Aimé.

Depuis cet incident tragique, et en attendant d’avoir un moyen de transport plus sûr, les équipes de vaccination ont désormais opté pour des voyages très tôt dans la matinée ou à la tombée de la nuit, car les vagues mortelles surviennent le plus souvent dans la journée sur le lac.

Des parents reconnaissants

Junior Wemba, un trentenaire, a pris l’habitude d’accompagner son épouse lors des séances de vaccination à chaque fois que l’équipe débarque sur l’îlot.

« J’ai pris l’habitude d’accompagner ma femme depuis les premiers mois de la grossesse jusqu’à la naissance de notre enfant. Aujourd’hui, je continue à l’accompagner pour suivre l’évolution de l’enfant et respecter son schéma vaccinal, car les vaccins sont très importants pour le bébé. Ils lui permettent de renforcer son immunité et le protègent contre certaines maladies. Ca lui permet de bien grandir », témoigne ce jeune père, qui salue le dévouement des équipe de vaccination.

Il n’a pas manqué de lancer un appel aux autres jeunes parents : « il est important d’envoyer les enfants se faire vacciner. Si vous aimez vos enfants, faites-les donc vacciner », plaide-t-il.

Au total, plus de 71 enfants ont été vaccinés lors de cette descente à Birhende par l’équipe de Mapendo Aimé, qui se prépare à nouveau à affronter les vagues du lac Kivu le mois prochain.


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