Au Togo, des dialogues entre parents et enseignants pour lutter contre l’« intox vaccinale »

Dans les écoles togolaises, des campagnes de déparasitage, avec distribution de l'Albendazole et du Praziquantel, ont lieu tout au long de l’année. Mais certains parents interdisent formellement à leurs enfants d’y prendre part en raison des fausses informations reçues par le passé. Ainsi, pour lutter contre cette désinformation et rassurer parents et élèves, des établissements scolaires prennent plusieurs initiatives dont des rencontres entre enseignants et parents d’élèves, voire des tête-à-tête, pour les éduquer sur le déparasitage et la vaccination.

  • 13 avril 2023
  • 5 min de lecture
  • par Nephthali Messanh Ledy
Un enfant recevant un traitement antiparasitaire. Crédit : Nephthali Ledy
Un enfant recevant un traitement antiparasitaire. Crédit : Nephthali Ledy
 

 

Au Togo, la lutte contre les parasites intestinaux, qui peuvent provoquer des affections graves comme la diarrhée et l’anémie chez les enfants en âge scolaire, est une priorité pour les autorités sanitaires et les partenaires. Pour lutter contre ce problème de santé publique, les autorités togolaises initient régulièrement des campagnes de distribution d’Albendazole et de Praziquantel dans les écoles. Ces campagnes permettent d’administrer gratuitement ces médicaments à tous les enfants pour prévenir et traiter les infections parasitaires.

Cependant, force est constater que certains parents refusent que leurs enfants prennent ces médicaments. Et pour cause, des craintes liées aux effets secondaires indésirables. Ces craintes sont souvent alimentées par des rumeurs ou des informations erronées diffusées sur les réseaux sociaux ou par des sources peu fiables.

Dialogues

Ainsi donc, dans les écoles qui participent à ces campagnes de déparasitage, des enseignants prennent eux-mêmes l’initiative de lutter contre ce fléau. « Dès lors qu’on nous informe qu'il y aura une campagne à l’école, nous sommes inquiets. Nous avons vu tellement d’informations circuler depuis l’arrivée de la COVID-19 qu’on ne sait plus à qui faire confiance », déclare Mme Solim Tchaa, rencontrée à l’entrée de l’école de son enfant, le Jardin d’enfants public de Wonyomé, au nord-ouest de Lomé. Elle venait, en effet, de rencontrer un collège d’enseignants qui ont échangé avec elle sur la nécessité que son enfant de trois ans participe à la campagne et se fasse vacciner dans le cadre du calendrier de vaccination systématique.

« Nous expliquons [aux parents] l'importance de la vaccination, que nos propres enfants sont aussi vaccinés, et qu’ils n'ont rien à craindre. A défaut de les avoir tous au même moment, nous les invitons en groupes de cinq à dix, et nous rencontrons même certains parents individuellement. Et la majorité finit par accepter »

« Avec les explications des enseignants, j’ai finalement accepté que mon enfant soit vacciné à l’école parce que j’ai confiance en ces gens qui sont en charge de l’instruction de mon enfant, et surtout la dame », ajoute notre interlocutrice. La dame citée, c’est Mme Essivi – nom d’emprunt –, la directrice de l’école. Dans son établissement, nous confie-t-elle, la santé des enfants passe avant tout.

Mme Solim Tchaa et son fils à l’entrée du Jardin d’enfants public de Wonyomé. Crédit : Nephthali Ledy
Mme Solim Tchaa et son fils à l’entrée du Jardin d’enfants public de Wonyomé.
Crédit : Nephthali Ledy

« A notre niveau, la sensibilisation des parents débute même dès la rentrée. Lorsqu’ils viennent pour inscrire leurs enfants, nous les informons qu’il y aura, au cours de l’année, des campagnes de vaccination. Nous disposons à cet effet d’un cahier dans lequel nous notons toutes les informations sur les enfants. Nous demandons alors l’avis des parents, s’ils acceptent que leurs enfants soient vaccinés au moment venu. Certains parents donnent en même temps leur accord et d'autres refusent. Toutes ces informations sont rapportées dans le cahier que chaque parent signe avant de partir », poursuit la directrice.

Ainsi donc, Mme Essivi a le contact de chaque parent d'élève. Et n'hésite pas à les joindre au téléphone pour les informations liées à ces campagnes, à faire venir les parents et leur expliquer la nécessité de l’opération.

« Étant donné que c'est la santé des enfants qui est en jeu, nous poursuivons le dialogue avec eux. Nous leur expliquons l'importance de la vaccination, que nos propres enfants sont aussi vaccinés, et qu’ils n'ont rien à craindre. A défaut de les avoir tous au même moment, nous les invitons en groupes de cinq à dix, et nous rencontrons même certains parents individuellement. Et la majorité finit par accepter », se réjouit-elle, tout en précisant que l’exercice n’est pas toujours facile.

Dans plusieurs écoles privées du quartier, le processus est le même. « Lorsqu'une campagne est en vue, c'est l'inspection qui nous envoie une note de service pour préciser la date et les tranches d’âge concernées », explique Ekoh Dzedu Kokou, directeur du Complexe privé laïc St Sébastian.

Ekoh Dzedu Kokou, directeur du complexe privé laïc St Sébastian. Crédit : Nephthali Ledy
Ekoh Dzedu Kokou, directeur du complexe privé laïc St Sébastian.
Crédit : Nephthali Ledy

« À notre niveau, nous adressons des avis aux parents pour les informer qu'il y aura une campagne de vaccination pour les enfants à telle date. Ceux qui sont pour donnent leur accord. Le jour J, nous invitons les parents qui n'ont pas donné leur accord. Arrivés et lorsqu'ils constatent que la majorité des enfants sont en train d'être vaccinés, ils finissent par aussi autoriser les leurs », poursuit-il.

« Un enfant non vacciné est plus exposé aux maladies évitables »

En refusant de faire vacciner leurs enfants, et en empêchant leur participation aux campagnes de déparasitage, prévient Gnadjiele Kokoutse Casimir, président des Agences de santé communautaire (ASC), un enfant est plus exposé aux maladies et affections évitables.

« L'Albendazole est un médicament utilisé pour traiter les infections parasitaires intestinales, tandis que le Praziquantel est utilisé pour traiter les infections parasitaires causées par des vers plats, tels que le ténia et le schistosome. Les deux médicaments sont efficaces et sûrs. Ce que nous faisons comprendre à la population est que cela, en plus de la vaccination, est l'un des moyens les plus efficaces pour prévenir les maladies », indique cet agent de santé communautaire très sollicité lors des campagnes de vaccination.

En 2020, près de 4 millions de comprimés de Praziquantel ont été mis à la disposition du Togo par l’OMS. Grâce à cet appui, et selon les autorités sanitaires, plus de 90 % des enfants en âge scolaire ont reçu l'Albendazole et le Praziquantel tous les six mois. Les taux d'infection parasitaire ont également considérablement diminué.


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