Pour la première fois depuis des décennies, une épidémie de poliomyélite émerge au Burundi

Un enfant non vacciné de la province de Bujumbura a été le premier diagnostiqué. Depuis lors, 16 cas de paralysie flasque aiguë ont été découverts – mais des vaccins sont déployés.

  • 10 avril 2023
  • 4 min de lecture
  • par Diane Ndonse
Enfant recevant un vaccin oral contre la polio.
Enfant recevant un vaccin oral contre la polio.
 

 

Le ministère burundais de la Santé a déclaré une épidémie de poliomyélite le 17 mars – la première en 30 ans – après que des cas de poliovirus de type 2 (PVDVc2) ont été confirmés dans les districts sanitaires d'Isale et de Bujumbura Mairie.

« Le 13 mars 2023, le Réseau mondial des laboratoires de la poliomyélite a confirmé trois cas de poliovirus au Burundi. Un cas chez un enfant de quatre ans de la zone Gatumba dans le district sanitaire d’Isale en province Bujumbura qui n’avait reçu aucune dose de vaccination contre la poliomyélite, et deux contacts dans le même cas », a précisé Dr Sylvie Nzeyimana, ministre de la Santé Publique et de la Lutte contre le Sida dans un communiqué de presse. Depuis, 16 cas de paralysie flasque aiguë ont été retrouvés.

Et d’ajouter : « L'analyse des échantillons issus de la collecte des eaux usées de la surveillance environnementale a montré la présence de poliovirus dans cinq échantillons, dont trois provenant des sites de Bujumbura Mairie Nord et deux provenant de Bujumbura Mairie Centre. »

Des habitants inquiets

Nous nous sommes rendus dans la zone Gatumba dans la localité où le virus a été confirmé. Belyse, la mère de l’enfant malade de la polio, habite sur la colline Gaharawe. Elle affirme que le bras gauche de son enfant est paralysé. Son enfant n’a bénéficié d’aucune dose de vaccin contre cette maladie grave. « Suite aux préoccupations de la vie, je n’ai pas trouvé le temps pour aller faire vacciner mon enfant », confie-t-elle. Elle précise que son enfant souffre d’autres soucis de santé, notamment d’anémie. « On lui fait parfois des transfusions sanguines », fait savoir la jeune maman. L’enfant bénéficiera d’une rééducation des membres à l’aide d’un kinésithérapeute.

Ses voisins vivent la peur au ventre, craignant la propagation de cette épidémie. L’enfant continue à circuler librement dans les ménages. « Les autorités sanitaires sont venues faire des prélèvements pour nos enfants, mais on n’a pas encore eu les résultats », fait savoir Ornella Dusabe, mère de deux enfants. « Nous respectons les programmes de vaccination de nos enfants, mais nous avons peur des contaminations », explique Anitha Nziyimana, une autre mère, qui demande, comme de nombreux autres parents, des mesures drastiques pour éviter que d’autres enfants ne tombent malades.

Une gestion épidémique plus difficile en zone frontalière

Enock Ngendakumana, secrétaire général du Groupement des Agents de Santé Communautaire (GASC) de Gatumba, informe que les opérations de sensibilisation ont été renforcées après l’annonce de cette épidémie. Il explique que la pandémie de la COVID-19 n’a pas eu d’impacts négatifs dans la lutte contre la polio car la vaccination a continué normalement. La lutte de la COVID-19 a plutôt permis de renforcer la lutte contre les maladies, notamment celles liées au manque d’hygiène.

M. Ngendakumana admet que cette zone est à risque étant donné qu’elle est une zone d’échanges : elle est située à la frontière avec la République démocratique du Congo. « Les Burundais se rendent en RDC pour gagner leur vie en travaillant là-bas, et des Congolais viennent également, tout cela en l’absence de contrôles sanitaires. C’est difficile à gérer », explique-t-il.

Pour renforcer la surveillance dans la communauté, Hussen Ntahetwa, chef de zone Gatumba, fait savoir que dans toutes les réunions faites, on insiste sur la sensibilisation sur le respect du calendrier vaccinal. Des visites dans les ménages sont aussi organisées pour expliquer les comportements à adopter.

Bientôt une campagne de vaccination contre la poliomyélite

La ministre de la Santé explique que le gouvernement et ses partenaires de l'Initiative mondiale pour l'éradication de la poliomyélite (IMEP) ont pris des mesures à adopter. Le 27 avril, le Burundi a reçu 3,8 millions de doses de vaccin nVPO2. Le ministère cible les enfants âgés de zéro à sept ans dans sa campagne réactive.

La clé pour arrêter les épidémies de PVDVc2 est d'atteindre tous les enfants avec des vaccins antipoliomyélitiques sûrs et efficaces.

Dans le but d’arrêter la circulation du virus, il y aura également des mesures d'investigation épidémiologique et sociale, l'évaluation du risque d’expansion de l’épidémie et le renforcement de la surveillance épidémiologique de la poliomyélite.

Le poliovirus circulant dérivé d'un vaccin de type 2 (cVDPV2) est la forme la plus courante de poliomyélite en Afrique. Plus de 400 cas de paralysie flasque aiguë ont été signalés dans 14 pays en 2022. L'infection par le poliovirus dérivé d'un vaccin peut survenir dans les très rares cas où la souche affaiblie du virus contenue dans le vaccin antipoliomyélitique oral circule parmi les populations sous-vaccinées pendant de longues périodes de temps, se transformant progressivement en un virus pathogène. La clé pour arrêter les épidémies de PVDVc2 est d'atteindre tous les enfants avec des vaccins antipoliomyélitiques sûrs et efficaces.