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Les réfugiés de l’Extrême-Nord du Cameroun frappés par le choléra

De graves inondations dans la région de l'Extrême-Nord du Cameroun rendent les populations vulnérables à la propagation du choléra. Parmi les zones touchées, se trouve un camp de réfugiés qui a déjà enregistré au moins trois décès et 39 cas.

  • 4 novembre 2022
  • 6 min de lecture
  • par Nalova Akua
Des familles font la queue pour puiser de l'eau au camp de réfugiés de Minawao, dans le nord du Cameroun (Crédit : HCR/ Helen Ngoh)
Des familles font la queue pour puiser de l'eau au camp de réfugiés de Minawao, dans le nord du Cameroun (Crédit : HCR/ Helen Ngoh)

 

 

Une conséquence des crises climatique et sécuritaire

Lorsque Luka Isaac, 44 ans, a fui son village natal de Barawa, dans l'État de Borno au Nigeria en 2013 à la suite des atrocités de Boko Haram, il s'est installé dans le camp de réfugiés de Minawao dans l'Extrême-Nord du Cameroun. Dans l’optique de subvenir aux besoins de sa famille, ce père de quatre enfants a décidé de se lancer dans l'enseignement. Mais une épidémie de choléra a frappé le camp en octobre 2022, obligeant Luka à abandonner l'enseignement, pour désormais consacrer son temps à la sensibilisation de ses pairs.

« J'étais dans un état de panique quand j'ai appris la triste nouvelle - et j'ai commencé à me déplacer partout, pour sensibiliser d'autres personnes présentes dans le camp aux dangers du choléra », dit celui qui est porte-parole des réfugiés nigérians dans le camp.

« Mais (la contamination) devient inévitable lorsque vous avez trop de monde et que vous manquez d'outils de base. Nous manquons d'eau. Il n'y a pas assez d'agents de santé. Nous avons besoin de savon et de toilettes. De nombreux ménages n'ont même pas de toilettes », regrette Luka.

Déclenchées par des pluies torrentielles, les inondations ont submergé de nombreuses maisons et emporté des terres agricoles, du bétail et d'autres biens personnels dans une région encore sous le choc des attaques incessantes de Boko Haram.

« Lorsque je me déplace chaque jour, je dis aux gens dans le camp qu'il faut éviter de déféquer à l'air libre ; qu'ils doivent se laver les mains avant de manger et après être allés aux toilettes ; qu'ils devraient traiter l'eau avant de la boire », détaille Luka.

Plus de 75 000 réfugiés vivent dans ce camp.

Cinq à six personnes déplacées vivent dans chaque ménage dans les différentes zones d'installation. Luka souligne que le camp ne compte que deux centres de santé. De plus, des centres d'isolement ont été mis en place pour prendre en charge les cas de choléra. « De nombreuses personnes ont perdu la vie dans le camp en 2014, lors d'une épidémie de choléra », se souvient-il.

Pour l'instant, Luka a la chance d’avoir été épargné. Ce qui n’est pas le cas pour cinq de ses cousins qui ont été hospitalisés la semaine dernière. Heureusement, ils vont tous mieux.

Réfugiés nigérians
Les réfugiés nigérians du camp de Minawao partagent leurs expériences des défis auxquels ils sont confrontés
Crédit: Isaac Luka

Le Cameroun est aux prises avec une épidémie de choléra depuis octobre 2021. Fin octobre 2022, on déplorait presque 13 000 cas et 272 décès. Huit régions du pays (le Centre, l'Est, l'Extrême-Nord, le Littoral, le Nord, le Sud, le Sud-Ouest et l'Ouest) ont été touchées. Les cas actifs se trouvent dans le Centre, l'Extrême-Nord, le Littoral et l'Ouest.

Les travailleurs sanitaires et humanitaires de la région font une course contre la montre pour contenir cette nouvelle vague, survenue à la suite des récentes inondations dans la région. Déclenchées par des pluies torrentielles et des fuites de la digue sur le fleuve Logone, les inondations ont submergé de nombreuses maisons et emporté des terres agricoles, du bétail et d'autres biens personnels dans une région encore sous le choc des attaques incessantes de Boko Haram.

Réponse synchronisée

Le Cameroun travaille main dans la main avec des organisations internationales telles que l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Unicef et le Haut-Commissariat pour les Réfugiés pour maîtriser l'épidémie de choléra, en particulier dans la région de l'Extrême-Nord.

Plusieurs mesures sont mises en œuvre pour contenir la dernière vague, comme la mise en place de comités de surveillance dans les aires de santé touchées du district sanitaire. Mais la riposte connait des difficultés, comme l’insuffisance des ressources logistiques et financières.

Face à cette épidémie, le gouverneur de la région de l’Extrême-Nord, Midjiyawa Bakari, en sa qualité de président du comité régional de lutte contre le choléra, a convoqué une réunion de crise le 17 octobre dernier.

« Il était urgent de rassembler toutes les forces vives : les autorités administratives, municipales, religieuses, traditionnelles, et autres, pour réfléchir sur les mesures urgentes à prendre, pour stopper l'avancée de cette épidémie », élabore le gouverneur.

Le gouverneur de la région de l'Extrême-Nord du Cameroun, Midjiyawa Bakari
Crédit : Abakar Ali

« Nous avons également eu l'appui des ONG en logistique et en matériel. Chacun doit jouer sa partition pour pouvoir arrêter très rapidement cette épidémie. Nous avons sensibilisé pendant de nombreuses années et cela se poursuit », a-t-il ajouté.

La délégation régionale de la Santé publique de l'Extrême-Nord est entre autres, chargée de la mise en œuvre de la surveillance épidémiologique et de l’organisation de la recherche opérationnelle, tandis que des autorités administratives, les préfets et les sous-préfets, sont chargés de la redynamisation de la campagne d’hygiène et de salubrité.

« Nous sensibilisons les populations sur les mesures de prévention du choléra dans les écoles et autres milieux à forte concentration humaine », se réjouit Dr Hamadou Bava Boubakary, délégué régional de la Santé publique.

« Le choléra, étant une maladie de la saleté, nous attirons l’attention des populations sur l’importance du lavage des mains avant et après les repas, le lavage des fruits avant de les consommer », a-t-il expliqué.

« Nous invitons les populations à se rendre dans un centre de santé, lorsqu’il y a un cas de diarrhée ou de selles pâteuses. Bref, chaque fois qu’elles constatent qu’il y a un cas suspect de choléra. L’accent est mis sur les règles élémentaires d’hygiène ».

Renforcement de la surveillance épidémiologique

Lors d'une conférence de presse tenue à Yaoundé, la capitale du Cameroun, le mercredi 26 octobre 2022, le ministre camerounais de la santé publique, le Dr Manaouda Malachie, a assuré que la surveillance épidémiologique est renforcée dans les dix régions du pays. Ceci, poursuivit-il, est pour la détection précoce et la prise en charge rapide des cas dans les unités de traitement de choléra mises en place dans les différents districts de santé affectés.

« Les interventions menées au sein des communautés permettent de procéder à la désinfection des ménages et communautés, de sensibiliser les populations au respect des mesures d'hygiène de base et surtout, de susciter l'engagement des communautés dans la lutte contre la propagation de cette épidémie », il a déclaré.

Trois tours de campagne de vaccination réactive ont été mis en œuvre au cours de ces trois derniers mois au Cameroun – mais aucune n'a été organisée dans la région de l'Extrême-Nord du pays.

« Comme pour la Covid-19, le contrôle de cette épidémie passera par l'engagement de tous les secteurs et de tout un chacun, pour assurer l'assainissement des milieux de vie et le respect des mesures d'hygiène prescrites », a prescrit le Dr Manaouda.

Car, pense-t-il, le Cameroun étant engagé pour l'élimination du choléra d'ici 2030, « l'engagement de toutes les administrations sectorielles, des partenaires techniques et financiers, des collectivités territoriales décentralisées, des leaders communautaires, de chaque citoyen, est important et déterminant pour atteindre cet objectif ».

Suivez l'auteur sur Twitter : @AkuaNalova