Portrait vaccinal : le vaccin contre le rotavirus

Avant l'arrivée du vaccin, presque tous les enfants étaient infectés par le rotavirus avant leur cinquième anniversaire, et ce virus faisait un demi-million de victimes chaque année.

  • 12 février 2024
  • 7 min de lecture
  • par Linda Geddes
Modélisation moléculaire du rotavirus
Modélisation moléculaire du rotavirus
 

 

Dans les années 1970, plusieurs groupes de recherche ont entrepris de déterminer le nombre annuel de décès dus aux maladies diarrhéiques chez les enfants. Même si les premières estimations étaient imprécises (entre trois et 12 millions de décès par an), leur ampleur a permis aux médecins et aux responsables de la santé publique de prendre conscience de l'impact mortel de la diarrhée chez les enfants.

À l'époque, moins de 15 % des épisodes diarrhéiques pouvaient être attribués à un agent causal. Parmi les causes identifiées figuraient le bacille responsable du choléra (Vibrio cholerae), les salmonelles, plusieurs parasites et diverses toxines présentes dans l'environnement.

Au niveau mondial, les rotavirus sont la principale cause de diarrhée sévère chez les jeunes enfants. Avant l'arrivée du vaccin, presque tous les enfants étaient infectés avant leur cinquième anniversaire et les rotavirus étaient responsables d'environ 500 000 décès chaque année.

Mais les progrès de la microscopie électronique ont permis d’identifier une pléthore d'autres agents pathogènes présents dans l’intestin des enfants. Parmi ceux qui ont été isolés dans l'intestin grêle d'enfants souffrant de gastro-entérite figure un virus très beau mais potentiellement mortel, en forme de roue. D’où son nom de rotavirus.

Nous savons aujourd'hui que le rotavirus est, au niveau mondial, la principale cause de diarrhée sévère chez les jeunes enfants. Avant l'arrivée du vaccin, presque tous les enfants étaient infectés avant leur cinquième anniversaire. On estime que le rotavirus est responsable de 500 000 décès et de deux millions d'hospitalisations chaque année dans le monde.

La vaccination systématique a considérablement réduit ce tribut dans les pays qui l’ont introduite, mais les vaccins actuels n’offrent pas une protection complète contre l’infection. Des travaux sont toutefois déjà en cours pour mettre au point une nouvelle génération de vaccins, qui devrait permettre de réduire encore la mortalité liée aux diarrhées à rotavirus.

Les maladies diarrhéiques

Le rotavirus est un virus à ARN qui est excrété dans les selles des sujets infectés. Il se transmet principalement par contact avec des mains sales, des surfaces ou des objets contaminés, ou par la consommation d’aliments préparés par une personne qui ne s'est pas correctement lavé les mains.

Les symptômes commencent généralement un à trois jours après l'infection, avec de la fièvre et des vomissements suivis d'une diarrhée aqueuse. Ces symptômes disparaissent généralement en l'espace d'une semaine, mais peuvent durer jusqu'à trois semaines.

Il n'existe pas de traitement spécifique, à part la réhydratation orale (qui consiste à boire une préparation contenant de l'eau, du sucre et des électrolytes), le repos et la prise de médicaments pour réduire la fièvre. Dans un cas sur 50 environ, l’enfant malade souffre de déshydratation sévère, ce qui nécessite généralement son hospitalisation et l'administration de liquides par sonde nasale ou perfusion intraveineuse. Le retard dans la mise en place de ce traitement peut être fatal.

L’infection a tendance à présenter un profil saisonnier dans les pays à climat tempéré, avec un pic en hiver et au printemps.

Le rotavirus a été découvert en 1973 par l’équipe australienne dirigée par Ruth Bishop, bactériologiste à l'université de Melbourne. Cherchant à identifier la cause de la gastro-entérite infantile, les chercheurs ont examiné au microscope électronique les biopsies intestinales d'enfants infectés. Cet examen a révélé que les cellules étaient infectées par un virus d’aspect singulier, en forme de roue.

Des études ultérieures ont confirmé que ce virus était à l'origine des formes graves de maladie diarrhéique qui emportaient tant d'enfants. Mais il est également apparu qu'une fois infectés, les enfants étaient protégés contre toute nouvelle forme grave de gastro-entérite à rotavirus. Cette découverte a fait entrevoir la possibilité de prévenir les diarrhées à rotavirus par la vaccination.

Les vaccins contre le rotavirus

En 1983, le premier candidat vaccin contre le rotavirus a fait l'objet d'essais cliniques chez des nourrissons. Dérivé d'une souche de rotavirus qui infecte le bétail, il s'est avéré sûr et capable de stimuler une réponse immunitaire conférant une protection significative contre les formes graves de la maladie chez un certain nombre de nourrissons, mais pas chez tous.

D'autres candidats vaccins ont suivi, développés à partir de souches humaines et simiennes de rotavirus. Le premier à être homologué, RotaShield, est un vaccin administré par voie orale, qui contient un mélange de rotavirus vivants, d’origine humaine et simienne, atténués de façon à les empêcher de provoquer la maladie. Homologué aux États-Unis en 1998, il a été retiré un an plus tard, le suivi des nourrissons vaccinés ayant révélé une légère augmentation du risque d’invagination intestinale (une forme rare d’occlusion intestinale), durant la semaine suivant l'administration de la première dose.

Les essais, d’une taille considérable, ont porté sur plus de 60 000 nourrissons. Ils ont démontré la sécurité et l’efficacité de ces vaccins, avec un taux de protection de 85 % à 95 % contre les formes graves de la maladie ou les hospitalisations.

En raison de ce problème, les fabricants de deux autres vaccins expérimentaux contre le rotavirus (vaccins vivants administrés par voie orale) ont été contraints de mener de vastes essais cliniques pour déterminer si leurs candidats étaient plus sûrs. Les essais, d’une taille considérable, ont porté sur plus de 60 000 nourrissons. Ils ont démontré la sécurité et l’efficacité de ces vaccins, avec un taux de protection de 85 % à 95 % contre les formes graves de la maladie ou les hospitalisations.

En 2006, ces vaccins, connus sous le nom de Rotarix et RotaTeq, ont été autorisés en Europe, aux États-Unis et au Canada. Il s'agit de vaccins oraux contenant des particules virales vivantes atténuées, capables de déclencher une réponse immunitaire mais incapables de provoquer la maladie. Rotarix (produit par GlaxoSmithKline) contient une seule souche de rotavirus et RotaTeq (produit par Merck) contient cinq souches différentes.

La vaccination systématique

En 2009, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a recommandé d'inclure la vaccination contre le rotavirus dans tous les programmes nationaux de vaccination, suite à la publication des résultats des études sur l'efficacité du vaccin effectuées dans des pays où le taux de mortalité infantile lié au rotavirus est élevé.

Depuis, deux autres vaccins oraux ont reçu la préqualification de l'OMS, ce qui permet à l'UNICEF et à Gavi de les acheter pour les pays à faible revenu : Rotavac (produit par Bharat Biotech) et Rotasil (produit par le Serum Institute of India).

Tous ces vaccins sont recommandés pour les nourrissons à partir de l'âge de six semaines. Rotarix est administré en deux doses, à quatre semaines d'intervalle, tandis que RotaTeq, Rotavac et Rotasil sont administrés en trois doses, à quatre semaines d'intervalle.

L'efficacité de ces vaccins semble varier d'un pays à l'autre. Ils sont plus efficaces dans les pays où les taux de mortalité associés aux rotavirus sont les plus bas, et moins efficaces dans les pays où les taux sont les plus élevés. Les scientifiques tentent encore de comprendre pourquoi, mais la malnutrition et les retards de croissance semblent jouer un rôle dans ces différences d’efficacité. Des études récentes suggèrent que l'inflammation intestinale liée au manque d'assainissement et d'hygiène, ainsi que les différences dans la composition du microbiome intestinal, pourraient également être impliquées.

Une étude Cochrane publiée récemment a montré que les quatre vaccins contre le rotavirus préqualifiés par l'OMS permettent de prévenir plus de 90 % des cas graves de diarrhée à rotavirus dans les pays où le taux de mortalité infantile est faible, plus de 75 % des cas graves dans les pays où le taux de mortalité infantile est intermédiaire et de 35 % à 58 % des cas graves dans les pays où le taux de mortalité infantile est élevé.


Malgré une moindre efficacité dans les pays où le taux de mortalité infantile est élevé, c’est dans ces pays que les vaccins contre le rotavirus permettent d'éviter le plus de souffrances, du fait du nombre beaucoup plus élevé de cas graves en l’absence de vaccination.

Un impact substantiel

À ce jour, plus de 100 pays ont introduit le vaccin contre le rotavirus dans leurs programmes de vaccination systématique. L'impact de cette mesure a été considérable. Une analyse des données de 69 pays participant au Réseau mondial de surveillance des rotavirus (GRSN, pour Global Rotavirus Surveillance Network) de l'OMS a révélé une réduction de 40 % de la prévalence du rotavirus chez les enfants admis à l'hôpital pour une forme grave de gastro-entérite, suite à l'introduction du vaccin.

L’analyse des données de 49 de ces pays où la vaccination contre le rotavirus est systématique fait état d'une réduction d'environ 59 % des hospitalisations pour gastro-entérite et d'une diminution de 36 % des décès dus à la gastro-entérite chez les enfants âgés de moins de cinq ans.

Il semble également que, dans certains pays, la vaccination contre le rotavirus retarde le début et réduit l'ampleur des épidémies saisonnières de gastro-entérites à rotavirus.

Les vaccins du futur

Les vaccins vivants contre le rotavirus administrés par voie orale ont permis de réduire l’incidence des formes graves de diarrhée partout où ils ont été introduits. Mais un nombre de décès beaucoup plus important pourrait être évité s'ils étaient plus efficaces, en particulier dans les pays où les taux de mortalité infantile sont les plus élevés.

Le coût de ces vaccins a également entravé leur adoption par certains pays, en particulier ceux où le taux de mortalité infantile est faible ; si bien que, Gavi ayant soutenu leur déploiement dans 52 pays à revenu faible ou intermédiaire, les vaccins contre le rotavirus sont actuellement plus utilisés en Afrique qu’en Europe.

En s’avérant meilleurs que les vaccins actuels, les vaccins antirotavirus injectables de nouvelle génération, actuellement en cours de développement, pourraient lever les principaux obstacles à leur adoption et à leur déploiement.

Le vaccin contre le rotavirus et l'amélioration des conditions sanitaires ont permis de réduire considérablement le nombre de cas de maladies diarrhéiques au cours des dernières décennies, mais trop d'enfants meurent encore de la déshydratation qu'elles provoquent. La prochaine génération de vaccins contre le rotavirus pourrait permettre de lever les principaux obstacles à leur adoption et de réduire encore davantage le nombre de victimes.

Les vaccins injectables, tels que le candidat vaccin trivalent P2-VP8 actuellement en cours d’évaluation au Ghana, au Malawi et en Zambie, devraient être plus efficaces que les vaccins oraux dans les pays fortement touchés par les maladies à rotavirus, car ils court-circuitent la voie digestive, sachant que les différences d'efficacité observées pourraient être dues, selon les scientifiques, au fait qu’ils sont administrés par voie orale.

Ces vaccins seraient relativement faciles à introduire dans les calendriers de vaccination systématique des enfants, car ils pourraient être administrés en même temps que d'autres vaccins injectables. Ils pourraient également être combinés à des vaccins existants, tels que le vaccin DTC-pentavalent (qui permet de prévenir cinq maladies : diphtérie, tétanos, coqueluche, Haemophilus influenzae de type B et hépatite B). Cela pourrait faciliter le déploiement de la protection contre le rotavirus, tout en en réduisant le coût.

Des vaccins oraux de nouvelle génération, conçus pour être administrés en trois doses, dont la première à la naissance, font également l’objet d’essais cliniques. Les résultats préliminaires suggèrent que l'un de ces candidats pourrait être plus efficace que les vaccins existants.

Les vaccins antirotavirus et l'amélioration des conditions sanitaires ont permis de réduire considérablement le nombre de cas de maladies diarrhéiques au cours des dernières décennies, mais trop d'enfants meurent encore de la déshydratation qui en résulte. Les vaccins contre le rotavirus de nouvelle génération devraient permettre de lever les principaux obstacles à leur adoption et de réduire encore davantage le nombre de victimes.