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Plus de 3 millions d’enfants sont morts d’infections résistantes aux antimicrobiens en 2022

De nouvelles données soulignent l’urgence de s’attaquer à la résistance aux antimicrobiens (RAM) chez les enfants, alors que les médicaments de dernier recours sont de plus en plus utilisés pour les soigner.

  • 22 avril 2025
  • 4 min de lecture
  • par Linda Geddes
Par Dr Graham Beards sur en.wikipedia, licence CC BY-SA 4.0.
Par Dr Graham Beards sur en.wikipedia, licence CC BY-SA 4.0.
 

 

Plus de 3 millions d’enfants sont morts d’infections liées à la résistance aux antimicrobiens (RAM) en 2022 – et les données récentes montrent que des médicaments de dernier recours sont de plus en plus utilisés pour lutter contre ces infections.

L’étude souligne l’urgence de mettre en place des stratégies mondiales et régionales pour contrôler la RAM chez les enfants – en particulier en Asie du Sud-Est et en Afrique, où de nombreuses infections ont été recensées.

Bien que la RAM constitue une menace pour toutes les tranches d’âge, les enfants et les nourrissons sont particulièrement vulnérables : leur système immunitaire est encore immature, et l’accès à de nouvelles formulations d’antibiotiques reste souvent limité, en raison de retards dans le développement des produits destinés à la pédiatrie.

Une menace émergente

Pour évaluer l’ampleur actuelle de cette menace, le professeur Joseph Harwell de la Warren Alpert Medical School de l’université Brown, aux États-Unis, et ses collègues ont analysé les données de la base ATLAS (Antimicrobial Testing Leadership and Surveillance) de Pfizer – qui surveille en temps réel l’évolution des profils de résistance bactérienne dans 83 pays – ainsi que les résultats de l’étude « Global Burden of Disease » de l’Institute for Health Metrics and Evaluation.

Ils ont ainsi estimé le nombre de décès associés à la RAM et la prévalence de la résistance aux antibiotiques, selon les syndromes cliniques et les régions géographiques.

Selon leurs résultats, rien qu’en 2022, plus de 752 000 enfants en Asie du Sud-Est et 659 000 enfants en Afrique sont morts de complications liées à la RAM.

Deux tiers de ces enfants étaient traités avec des antibiotiques dits « de veille » (Watch) ou « de réserve » (Reserve) : des médicaments à fort potentiel de développement de résistances, ou des traitements de dernier recours pour des infections graves et multirésistantes.

Ces antibiotiques ne sont pas destinés à être utilisés en première intention. L’Organisation mondiale de la santé recommande d’en restreindre l’usage aux cas strictement nécessaires, afin de préserver leur efficacité et de ralentir le développement de nouvelles résistances.

Bien que la RAM constitue une menace pour toutes les tranches d’âge, les enfants et les nourrissons sont particulièrement vulnérables : leur système immunitaire est encore immature, et l’accès à de nouvelles formulations d’antibiotiques reste souvent limité, en raison de retards dans le développement des produits destinés à la pédiatrie.

Des options de plus en plus limitées

Pourtant, entre 2019 et 2021, l’utilisation des antibiotiques de la catégorie Watch a augmenté de 160 % en Asie du Sud-Est et de 126 % en Afrique. Dans le même temps, l’usage des antibiotiques Reserve a progressé de 45 % et de 125 % respectivement dans ces deux régions.

« Bien que cette hausse de l’utilisation des antibiotiques Watch et Reserve puisse être justifiée par l’augmentation parallèle des infections résistantes aux traitements, cette croissance rapide présente plusieurs risques majeurs à long terme », a déclaré le professeur Harwell.

« Leur usage accru, en particulier sans surveillance rigoureuse, accroît le risque de résistance et réduit les options de traitement pour l’avenir. Si les bactéries deviennent résistantes à ces antibiotiques, il ne restera que peu – voire aucun – recours thérapeutique pour traiter les infections multirésistantes. »

La RAM représente une menace particulière dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, où plusieurs facteurs se conjuguent : hôpitaux surpeuplés, mauvaises conditions sanitaires, mesures de prévention des infections insuffisantes, et manque de tests diagnostiques – autant d’éléments qui favorisent une utilisation inappropriée des antibiotiques.

De nombreux pays ne disposent pas non plus de systèmes nationaux de surveillance efficaces ni de programmes de gestion raisonnée des antimicrobiens (antimicrobial stewardship), ce qui complique le suivi des tendances de résistance et l’élaboration de protocoles de traitement adaptés.

Selon Harwell, la résistance croissante aux antibiotiques Watch et Reserve entraînera inévitablement un taux plus élevé d’échecs thérapeutiques.

« Les taux de mortalité, déjà alarmants, continueront d’augmenter de manière significative, en particulier dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, où l’accès à des traitements alternatifs et à des interventions médicales avancées peut être limité », a-t-il déclaré.

« Pour faire face à cette crise, une action urgente et coordonnée est nécessaire, à la fois au niveau régional et mondial. La surveillance de la RAM, tant à l’échelle mondiale que nationale, doit adopter une approche “Une seule santé” (One Health), avec des systèmes rentables capables d’éclairer les recommandations thérapeutiques et d’évaluer l’impact des mesures de contrôle. »

Au niveau régional, Harwell a appelé les décideurs politiques à rendre obligatoires les programmes de gestion des antimicrobiens (antimicrobial stewardship) dans tous les établissements de santé pédiatriques.

« Une amélioration des classifications par âge dans les données de surveillance permettrait également de mieux comprendre les différences importantes dans les taux de résistance selon les tranches d’âge, ainsi que les mécanismes de résistance propres à la pédiatrie. Nous recommandons également la mise en place de lignes directrices nationales pour que la surveillance de routine guide effectivement l’usage des antibiotiques », a-t-il déclaré.

Cette recherche a été présentée lors de la réunion mondiale de la Société européenne de microbiologie clinique et des maladies infectieuses (ESCMID), à Vienne, en Autriche.