A Madagascar, le défi de l'accès aux médicaments dans les régions reculées

Une double initiative financée par les Etats-Unis à travers l’agence de développement international USAID insuffle une dynamique nouvelle au ravitaillement des médicaments et consommables médicaux jusque dans des contrées difficiles d’accès à Madagascar. Les interventions dans ce sens couvrent 14 des 23 régions de l’île.

  • 14 juin 2022
  • 5 min de lecture
  • par Rivonala Razafison
Le centre de santé de base à Brickaville. Crédit : USAID ACCESS Program
Le centre de santé de base à Brickaville. Crédit : USAID ACCESS Program
 

 

La grande majorité des bénéficiaires se concentre sur les régions côtières où la difficulté d’accès est des plus prononcée. L’appui du gouvernement américain au ministère malgache de la Santé publique se fait sur deux programmes : Impact Madagascar et ACCESS (Accessible Continuum of Care and Essential Services Sustained). Les deux, en étroite collaboration avec le ministère et la communauté, se relaient pour rendre les médicaments essentiels et les consommables médicaux comme les seringues, appelés aussi intrants de santé, disponibles jusque dans les zones reculées.

« IMPACT supporte le coût d’acheminement des paquets de la centrale d’achat [nommée SALAMA] aux districts. De là, les activités de prestation de soins de santé du programme ACCESS en assurent la distribution aux centres de santé de base (CSB) et aux agents communautaires (AC). Tel est en gros le schéma de distribution dans le cadre de ces deux programmes », précise Timon Anjaramijoro, conseiller en chaîne d’approvisionnement pour ACCESS. Les programmes démarrés en 2019 prendront fin en 2023.

« La communauté se montre coopérative pour le transport des paquets. Beaucoup de centres de santé de base (CSB) ne sont accessibles que par de petits sentiers »

Trois types de régions bénéficiaires existent : dans tous les cas, la disponibilité sans interruption des médicaments et intrants de santé dans le temps et l’espace reste la finalité des actions entreprises.

« Les médicaments essentiels visés sont notamment ceux pour le planning familial, le paludisme, la tuberculose ainsi que la santé de la mère et de l’enfant », affirme Dr Manitra Rakotoarivony, directeur de la promotion de la santé à Madagascar. En effet, la promotion de la maternité sans risque (MSR) est une antienne pour ACCESS plus particulièrement.

Dans le district de Brickaville (236 419 habitants), dans l’une des régions bénéficiant du pack complet, les paquets sont acheminés à dos d’homme jusqu’à 114 km. Une partie du trajet requiert deux jours de marche à travers forêts, montagnes, vallées, rivières… C’est une œuvre éprouvante à laquelle s’astreignent les gens sous de rudes conditions lors de passages cycloniques et d’inondations, entre autres.

« La communauté se montre coopérative pour le transport des paquets. Beaucoup de centres de santé de base (CSB) ne sont accessibles que par de petits sentiers », reconnaît Dr Jocelin Razafindrakoto, médecin-inspecteur de Brickaville. Le président de l’équipe de management de district (EMAD) a sous sa responsabilité 32 CSB et un centre hospitalier de référence de district.

Selon Dr Rakotoarivony, le système de santé malgache tout seul s’est toujours occupé du ravitaillement des médicaments et consommables médicaux en général pour les CSB. Toutes les commandes sont adressées à la centrale d’achat SALAMA qui a son circuit de distribution et son propre calendrier. Les besoins mensuels de chacun des CSB sont groupés au niveau du district de rattachement. C’est au médecin-inspecteur de les retransmettre au fournisseur.

« Des centres de santé enclavés sont à court de médicaments et de consommables médicaux surtout en cas d’inondations, par exemple. C’est à ce niveau qu’Impact Madagascar, relayé par ACCESS, entre en jeu »

D’après le responsable ministériel, le paiement se fait au moyen de l’argent de la pharmacie à gestion communautaire. Les paquets parviennet au district qui, par la suite, se charge de les distribuer aux CSB. Suivant ce schéma habituel, les chefs de CSB, au retour de la revue mensuelle, s’arrangent eux-mêmes pour ramener chez eux les paquets dont ils ont passé la commande.

Mais le système peine à fonctionner de temps à autre. « Ceux dans les zones accessibles ne peuvent faire passer la commande que tous les trois mois et ceux dans les zones enclavées tous les six mois. Il s’agit d’un problème d’accessibilité géographique en sus de celui d’ordre financier. Par conséquent, des centres de santé enclavés sont à court de médicaments et de consommables médicaux surtout en cas d’inondations, par exemple. C’est à ce niveau qu’Impact Madagascar, relayé par ACCESS, entre en jeu », reconnaît le directeur.

Pour le district de Brickaville, les résultats obtenus sont probants. Le taux de prise en main des personnes atteintes du paludisme y est de 96 % en avril. Quant aux indicateurs pour les consultations prénatales, ils progressent lentement mais sûrement. Le but : atteindre un taux de premières consultations prénatales de 75%, contre 55% avant 2019. « Il est de 61% en avril », s’exclame Toky Ny Aina Andrianomenjanahary, coordonateur de district pour ACCESS.

Selon lui, le taux de consultation prénatale finale reste l’indicateur le plus grand. Celui-ci est de 30 % en mars et de 23 % en avril dans l’ensemble de la circonscription. En cause : la présence de matrones aux villages, l’éloignement géographique des centres de santé et l’hésitation de certaines personnes. « Pour Brickaville, le blocage est dû au retard de la première consultation. Les femmes enceintes se présentent aux centres de santé seulement six mois suivant le début de la grossesse. Puis, elles n’y reviennent plus ni pour la dernière consultation, ni pour l’accouchement », explique le responsable.

La perpétuation des acquis au-delà de 2023 se profile à l’horizon. « Le programme apporte au ministère un appui technique et financier pour qu’il devienne autonome après la fin de notre intervention », observe Anjaramijoro. A Brickaville, un laboratoire des compétences afin de permettre aux agents de santé de mettre en pratique les connaissances théoriques apprises y est créé. Une équipe de l’EMAD les aide à partager leurs compétences. Dr Rakotoarivony, de son côté, fait part de son souhait de voir les deux programmes s’étendre sur toutes les 23 régions de l’île.

 

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