Vers un Madagascar sans typhoïde : une campagne de vaccination historique en cours
Le 21 août dernier, le Madagascar Institute for Vaccine Research de l'université d'Antananarivo, en collaboration avec l'International Vaccine Institute de Séoul, a lancé la toute première campagne de vaccination contre la fièvre typhoïde sur l'île. Cette initiative vise à vacciner environ 60 000 enfants de moins de 16 ans dans les districts d'Atsimondrano et d'Arivonimamo jusqu'en décembre. De plus, le vaccin est en passe de rejoindre la liste des vaccins de routine à Madagascar.
- 13 septembre 2023
- 5 min de lecture
- par Rivonala Razafison
Les habitants de Faliarivo, Ambohitsaratelo et Ambonosy font face à un problème préoccupant : l'éparpillement des matières fécales. Dans ces hameaux situés dans la commune rurale d'Alakamisy Fenoarivo, Atsimondrano, dans la banlieue ouest d'Antananarivo, l'accès aux latrines hygiéniques fait cruellement défaut. Cette situation est principalement due au manque de moyens financiers des ménages et aux problèmes fonciers, selon la maire Irénée Andrianaivo Rakoto.
Bien que le taux d'accès aux latrines hygiéniques dans sa commune avoisine les 98 %, une performance remarquable comparée à la moyenne nationale de 38 %, l'Atsimondrano, dont fait partie Alakamisy Fenoarivo, est l'une des zones prioritaires dans la lutte contre la typhoïde.
L'éradication de la typhoïde fait partie de la lutte contre les maladies liées au péril fécal, d'où la multiplication des campagnes dans ce sens, combinées à la vaccination massive contre la polio sur l'ensemble du territoire.
Le district d'Arivonimamo et celui d'Atsimondrano affichent la prévalence la plus élevée, selon le Pr Raphaël Rakotozandrindrainy, coordonnateur du Madagascar Institute for Vaccine Research. Des études ont été menées sur l'île depuis 2011, avec la contribution de la Fondation Melinda et Bill Gates.
Une maladie grave à l’incidence élevée à Madagascar
Contagieuse, la typhoïde est une maladie transmissible causée par la bactérie Salmonella Typhi, présente dans les matières fécales, les eaux contaminées, les milieux pollués, les aliments sales et les déchets. Bien qu'elle fasse partie des maladies tropicales négligées, elle est également une maladie à déclaration obligatoire, nécessitant des analyses en laboratoire pour confirmation. Il existe des porteurs sains de la maladie.
L’incidence de la fièvre typhoïde sur l'île est élevée, avec un nombre de personnes diagnostiquées de plus de 200 personnes sur 100 000 chez la population de moins de 16 ans par an. Selon l'OMS, une situation est jugée dangereuse dès que cet indice dépasse les 100, et le pic de contamination survient pendant la saison des pluies, entre octobre et fin mars.
Les manifestations possibles sont variables : fièvre, céphalée, douleur abdominale, diarrhée, toux, asthénie, cauchemars, saignement du nez, et la maladie peut même causer la perforation intestinale. Elle entraîne des répercussions socioéconomiques graves pour les victimes et leurs familles, qui doivent supporter les coûts directs et indirects.
"En cas de perforation intestinale, le traitement requiert jusqu'à 2-3 millions d'ariary, soit l'équivalent de 8-10 mois de salaire pour un simple ouvrier (ndlr). La chance de survie serait de 50 % même sous traitement intensif. Pour les rescapés, la convalescence s'étale sur une longue période", souligne le Pr Raphaël Rakotozandrindrainy.
Une lutte multisectorielle
L'éradication de la typhoïde fait partie de la lutte contre les maladies liées au péril fécal, d'où la multiplication des campagnes dans ce sens, combinées à la vaccination massive contre la polio sur l'ensemble du territoire. Le pays en est, durant la semaine du 4 septembre, au troisième tour depuis janvier.
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Il s'agit d'une lutte multisectorielle qui passe notamment par l'accès à l'eau potable. Des normes doivent être suivies depuis la source jusqu'à la consommation, en passant par le transport et le traitement de l'eau, selon Ratsirarisoa, chef du service de santé et environnement. De même, l'usage de latrines hygiéniques, le lavage des mains avec du savon et la gestion des déchets sont essentiels.
Outre les difficultés financières des ménages et les problèmes fonciers, certains aspects sociologiques, liés à la tradition ancestrale, posent des défis en ce qui concerne l'usage des latrines hygiéniques. Dans de nombreuses régions, leur construction est un tabou strictement observé. C'est pourquoi la mobilisation des autorités politiques, administratives, religieuses et traditionnelles (APART) est plus que nécessaire. L'intervention des personnes investies du pouvoir traditionnel est indispensable pour sensibiliser la communauté à ce sujet.
À cette fin, des représentants des familles princières de l'île se sont réunis à Antananarivo en juillet en partenariat avec la Fédération des communautés royales, traditionnelles, coutumières et culturelles de Madagascar. Cette réunion a été une occasion supplémentaire pour le ministère de la Santé publique et ses partenaires d'insister auprès des autorités traditionnelles sur l'importance vitale de la lutte contre le péril fécal.
Cette année, le gouvernement malgache a révisé le code municipal d'hygiène, dont la mise en œuvre a débuté dans certaines communes. Le Pr Raphaël Rakotozandrindrainy appelle tous les maires à construire des toilettes gratuites pour la population. Ces infrastructures devraient également être présentes le long de toutes les routes nationales. Il reconnaît toutefois que cela prendra du temps. La vaccination, avec un coût unitaire de 1,4 dollar par dose, s'impose comme la solution rapide, ne nécessitant pas de rappel. Le Pr Raphaël Rakotozandrindrainy a lui-même reçu sa dose en public le 21 août.
La campagne de vaccination actuelle relève d'un essai clinique visant à évaluer la réponse immunitaire des Malgaches au vaccin. Jusqu'à présent, tout se déroule bien, et un rapport sera établi à l'issue de la phase de faisabilité.
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