A Madagascar, les cyclones ralentissent les campagnes de vaccination

Sur les trois dernières décennies, l’année 2022 a été pour Madagascar la saison la plus active en termes d’activités cycloniques. Quatre tempêtes ont touché l’île depuis janvier. Le secteur de la santé publique est parmi les plus durement éprouvés.

  • 21 mars 2022
  • 5 min de lecture
  • par Rivonala Razafison
Naissance d'un bébé en plein passage du cyclone Emnati à Mahanoro. Crédit: Région Atsinanana
Naissance d'un bébé en plein passage du cyclone Emnati à Mahanoro. Crédit: Région Atsinanana

 

Objectif survie

C’est la même chose tous les ans : chaque passage cyclonique est source de difficultés supplémentaires. Cette année, l’immensité des dégâts cycloniques est telle que pour le grand nombre de résidents locaux, ceux des contrées lointaines notamment, l’important est de survivre. « Ils n’ont pas d’argent. Ils n’ont pas de quoi manger. En cas de maladie, ils préfèrent rester chez eux. Ils n’ont pas le courage de se rendre aux centres de santé. Le taux de consultations médicales baisse significativement », rapporte Léonie Florence, sage-femme travaillant au centre de santé de base de Vohimasina Sud dans la région Fitovinany. Cette dernière est l’une des plus durement malmenées par le cyclone tropical Emnati qui a touché terre à Madagascar du 22 au 23 février.

Ce constat est observé presque partout, deux semaines après le passage cyclonique. « Je suis pour le moment en mission de lutte contre la malnutrition en dehors de ma zone d’administration habituelle. Nous nous occupons des enfants de bas âge. Ceux-ci ne sont pas vaccinés », poursuit la paramédicale. « Lorsque nous en demandons aux parents les raisons, ceux-ci répondent que la montée des eaux et le très mauvais état des pistes aggravé par les pluies intenses les ont empêchés de se déplacer », ajoute-t-elle.

Des gens en fuite lors du passage du cyclone Emnati
Des gens en fuite lors du passage du cyclone Emnati.
Crédit: Région Atsinanana

L'entièreté du pays touché

Du 4 au 6 février, le cyclone tropical intense Batsirai a traversé le sol malgache, d’est à l’ouest. Son œil a été localisé tout près du territoire de Fitovinany. Du 22 au 24 janvier, la tempête Anna a provoqué de graves inondations dans les régions de l’Est, du centre et de l’Ouest du pays. La tempête Gombé, de passage dans les régions du Nord du 8 au 9 mars, a produit à peu près le même scénario.

Toutes les parties de l’île sont affectées. Pourtant, le Bureau national de gestion des risques et des catastrophes n’a pas encore eu le temps de dresser le bilan complet des dégâts. « Ceci est le dernier point de la situation journalière sur le cyclone Emnati. Toutefois, un autre format sur Batsirai et Emnati est envisagé dans les jours ou les semaines à venir », mentionne un document intitulé « Point de situation : cyclone tropical Emnati » établi le 1er mars.

A cette date, 15 décès, 169 583 sinistrés (44 046 ménages), 17 265 déplacés (4 166 ménages) ont été déclarés dans onze régions, dont Fitovinany. La partie réservée aux infrastructures sanitaires mentionne : « 34 bâtiments et une chaine du froid endommagés auprès de neuf districts sanitaires ». La source rend aussi compte de 17 points de coupure au niveau des routes nationales et de quatre ponts coupés.

« Une cinquantaine de frigos hors d’usage représentent un nombre élevé d’enfants privés de vaccins »

« La zone de passage du cyclone est assez vaste. Les rapports que j’ai reçus jusque-là sont partiels. Les routes sont coupées. Les téléphones ne marchent pas. Les réseaux sont mauvais. Nos collaborateurs ont ainsi du mal à faire remonter les rapports », a reconnu Ranaivo Soloherilala Andrianaina, chef de division chaine du froid auprès de la direction du programme élargi de la vaccination au ministère malgache de la Santé publique, au cours d’un entretien téléphonique le soir du 4 mars.

De nombreux enfants privés de vaccins

Le responsable ministériel s’est alors apprêté à rejoindre pour plusieurs jours des localités d’où il sera difficilement joignable par téléphone. Sa mission consiste en la gestion du post-cyclone sur le terrain. Beaucoup de frigos pour stocker les vaccins et de panneaux solaires pour les alimenter en électricité ont été endommagés. « La vaccination est touchée de plein fouet. Une cinquantaine de frigos hors d’usage représentent un nombre élevé d’enfants privés de vaccins. Certains de ces équipements sont encore réparables. D’autres ont besoin d’être remplacés », souligne-t-il.

La coopération trouve son sens en pareille circonstance. « Dans la ville de Mananjary (détruite à plus de 90%, ndlr), les matériels récupérés ont été redéployés dans des centres de santé en périphéries ou dans des centres privés susceptibles de les accueillir pour y sécuriser temporairement les stocks de vaccins », dit Andrianaina.

Trouver des solutions d'urgence

L’inventaire des installations détériorées continue. Il y a des cas où les panneaux solaires sont restés intacts. Mais les vents violents ont emporté les toits sur lesquels ils ont été fixés :les installer à même le sol les exposerait au risque de vol. « Nous devons trouver des solutions. L’on utilisait du pétrole lampant auparavant. Les panneaux solaires sont aujourd’hui agréés par l’OMS. Ils sont sous garantie durant 10 ans à partir de 2018, 2019 et 2020, années de leur déploiement », fait savoir le responsable. « Le frigo de chez nous a un petit problème. Le vent a enlevé le toit de la maison en pleine pluie. Par la suite, une explosion a été entendue à l’intérieur du frigo en raison certainement d’un court-circuit provoqué par l’infiltration d’eau », renchérit Florence.

Des réunions avec les partenaires ont eu lieu. L’idée en tête est de parvenir à sélectionner des sociétés privées pour aider le ministère à réparer les frigos en partie détériorés dans les plus brefs délais si des fonds d’appui sont disponibles. En attendant, la « caravane de la santé » rend des services de soins aux populations riveraines des grands axes routiers.

Il s’agit d’une formule dont les origines sont attribuées à la première dame Mialy Rajoelina. Elle a fait ses preuves dans le cadre de la célébration de la Journée internationale de la femme du 8 mars. Quant aux zones enclavées, la poursuite de la stratégie avancée amenant les agents communautaires à approcher les gens directement chez eux reste une option d’actualité.