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Comment mieux communiquer sur les vaccins

Une étude internationale suggère que l’on peut améliorer de manière significative l'attitude des patients à l'égard de la vaccination, en corrigeant de manière empathique les informations erronées. L'auteure principale de cette étude, la Dre Dawn Holford, en explique les rouages.

  • 6 août 2024
  • 5 min de lecture
  • par Linda Geddes
L'étude suggère de commencer la conversation par des questions ouvertes afin d'identifier ce qui préoccupe vraiment le patient. Crédit : MART PRODUCTION sur Pexels
L'étude suggère de commencer la conversation par des questions ouvertes afin d'identifier ce qui préoccupe vraiment le patient. Crédit : MART PRODUCTION sur Pexels
 

 

Comment les médecins parlent-ils d’habitude des vaccins aux patients, et pourquoi faut-il de nouvelles approches ?

Les taux de vaccination varient d'un pays à l'autre, mais au Royaume-Uni, ils sont actuellement trop faibles et nous sommes confrontés à des épidémies de rougeole dans différentes régions. C'est une situation alarmante, sachant que ce pays était autrefois considéré comme exempt de rougeole. Les faibles taux de couverture vaccinale constituent également un problème croissant dans les autres pays, y compris les pays européens où travaillent mes collaborateurs.

« Nous nous attendions certes à des réactions généralement positives vis-à-vis de cette approche empathique, mais nous avons été surpris de constater l’engouement pour ce style de communication de la part de ceux qui exprimaient des craintes au sujet de la vaccination. »

– Dre Dawn Holford

Pendant longtemps on a pensé que, si certains ne se faisaient pas vacciner, c'était parce qu'ils n'avaient pas accès aux informations nécessaires pour prendre des décisions éclairées, et qu’il fallait donc leur fournir ces informations. C'est toujours important, mais malheureusement de nombreuses informations erronées côtoient les informations fiables, ce qui rend difficile la prise de décisions en toute connaissance de cause. En fait, ce dont les gens ont besoin, ce n’est pas de plus d’informations, mais de pouvoir discuter de leurs craintes et d’avoir confiance dans les conseils qui leur sont prodigués.

Vous avez développé, avec vos collègues une approche appelée l’Entretien réfutationnel empathique (ERE). De quoi s’agit-il exactement ?

En fait, nous avons intégré et consolidé différentes stratégies qui avaient été déjà étudiées dans différentes disciplines, pour constituer une approche cohérente qui pourrait aider les professionnels de santé de première ligne à construire des relations de confiance avec les patients. Nous essayons de les aider à trouver les moyens d'engager un dialogue productif sur les vaccins.

Nous conseillons d'entamer ces entretiens par des questions ouvertes afin d'identifier ce qui préoccupe vraiment les patients, de façon à pouvoir adapter le reste de l’entretien à leurs préoccupations.

Dawn Holford
Dawn Holford

L'étape suivante consiste à exprimer de l'empathie pour la position des patients, ce qui, nous le savons, est un élément essentiel pour amorcer un dialogue productif.

L’agent de santé peut alors apporter une "réfutation adaptée", c'est-à-dire essayer de corriger les idées fausses d'une manière qui ne soit pas trop agressive. Plutôt que de dire d'emblée « Non, vous avez tort », on peut dire par exemple : « Je comprends votre inquiétude à ce sujet. Et si nous envisagions les vaccins sous un angle différent ? Considérons par exemple la protection qu'ils procurent contre les problèmes de santé que vous redoutez ?

Pour finir, vous pouvez présenter les preuves factuelles qui répondent aux craintes de votre interlocuteur. Ces faits sont importants, et si vous les placez vers la fin de la conversation, vous pourrez mieux cibler ses préoccupations, après avoir peut-être levé le blocage qui l'empêchait d'aborder la question des vaccinations.

Vous avez récemment testé l'efficacité de cette approche sur plus de 2 500 patients qui hésitaient à se faire vacciner, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Qu'avez-vous découvert ?

Nous avons constaté un effet très important en ce qui concerne l'adhésion aux propos de leur médecin. Nous nous attendions certes à des réactions généralement positives vis-à-vis de cette approche empathique, mais nous avons été surpris de constater l’engouement pour ce style de communication de la part de ceux qui exprimaient des craintes au sujet de la vaccination.

Ceux chez qui nous avons testé cette approche étaient plus ouverts et faisaient davantage confiance au médecin que ceux à qui on donnait simplement des informations du type : « Ce vaccin est sûr, il est efficace, et c’est tout ce que vous avez besoin de savoir. »

Que faut-il de plus pour valider ce type d'approche ?

Nous sommes convaincus que cette démarche est la meilleure pour les entretiens en face à face ; mais il faut maintenant vérifier comment les professionnels de santé vont pouvoir l’intégrer dans leur pratique. Si l'on se réfère aux ateliers que nous avons organisés au Royaume-Uni, cette stratégie semble prometteuse.

On nous pose souvent la question suivante : « Combien de temps ce genre de discussion va-t-il prendre ? » En fait, cela prend bien moins de temps qu’on le pense. Il faut habituellement cinq minutes pour parcourir la fiche d'information sur les vaccins avec un patient ; s’il n'est pas en mesure de l’écouter, vous avez perdu cinq minutes de votre temps. Mais si l’on consacre ces cinq minutes à établir une relation avec le patient, à comprendre les raisons de son attitude et à identifier les informations personnalisées à lui fournir, on peut ensuite lui transmettre les informations pertinentes en deux minutes. Cela prendra sept minutes pour une communication efficace, contre cinq minutes qui n’auront servi à rien.

Pensez-vous que cette démarche pourrait également fonctionner dans d'autres parties du monde, par exemple dans les pays du Sud global ?

Nous visons les professionnels de santé, mais je pense que cette série d'outils pourrait également être utilisée lors de discussions de caractère général avec des amis ou des membres de la famille, et que cela pourrait fonctionner partout dans le monde. Par ailleurs, je pense que les pays du Sud ont aussi des leçons à nous donner en matière de sensibilisation et d'engagement des communautés. Nous avons probablement beaucoup à apprendre les uns des autres.


La Dre Dawn Holford est chercheuse en sciences du comportement à l'université de Bristol (Royaume-Uni). Ses recherches portent sur la confiance dans la vaccination et sur le développement d'interventions visant à lutter contre la désinformation. Son étude, intitulée "The Empathetic Refutational Interview to tackle vaccine misconceptions: four randomised experiments" (L'entretien réfutationnel empathique dans la lutte contre la désinformation sur les vaccins : quatre études randomisées) a été publiée dans Health Psychology.