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Rattraper les retards vaccinaux, une opportunité à chaque visite

La vérification du statut vaccinal lors de la visite des enfants dans les établissements de santé peut être un moyen très efficace de "rattraper" ceux qui ont manqué des vaccinations.

  • 28 octobre 2024
  • 7 min de lecture
  • par Ian Jones
Mère avec son enfant devant leur maison au Niger. Crédit : Gavi/2022/Isaac Griberg
Mère avec son enfant devant leur maison au Niger. Crédit : Gavi/2022/Isaac Griberg
 

 

Quelle que soit la qualité des programmes de vaccination, certains enfants passent entre les mailles du filet et ne reçoivent pas les vaccins dont ils ont besoin au moment optimal suivant les recommandations. Mais en matière de vaccination, mieux vaut tard que jamais.

Suite à la baisse de la couverture vaccinale observée lors de la pandémie de COVID-19, Gavi s’est associée à différents partenaires pour lancer l'initiative "Grand Rattrapage" (Big Catch-up en anglais). Mais plus généralement, la responsabilité du ‘rattrapage’ des enfants qui ont échappé à certaines vaccinations incombe aux systèmes intégrés de soins de santé primaires, que ce soit dans le cadre des centres de santé ou des interventions de proximité. L’organisation de tournées de soins dans les communautés demande du temps et des effectifs. Il est donc logique de proposer tout un ensemble de services intégrés, dont la vaccination. De même, toute visite au centre de santé d’un enfant accompagné d’un de ses parents ou tuteur, quel qu’en soit le motif, doit être l’occasion de s’enquérir de son statut vaccinal et de lui administrer les doses de vaccin nécessaires.

Pour la session Vaccination [en anglais] de Teach to Reach 10 (événement de partage d'expériences qui a eu lieu le 20 juin 2024 et auquel ont participé plus de 21 000 agents de santé des pays du Sud), la Fondation Apprendre Genève (Geneva Learning Foundation - TGLF) a invité les participants à partager leur expérience en matière d'intégration des services de santé. Leurs réponses donnent un aperçu du pragmatisme et de l’agilité qui caractérisent les soins de santé primaires bien conçus.

Dans certains cas, la vaccination de rattrapage se greffe sur d'autres services de proximité :

« La vaccination de routine a été intégrée aux activités ue planning familial. Cela a permis de vacciner plusieurs enfants qui avaient manqué leur première dose de vaccin contre la rougeole... Cette activité a permis de réduire l'incidence des cas de rougeole dans la communauté. Cette stratégie a également permis de réduire les coûts de mise en œuvre du PEV en routine car les agents avaient la possibilité de programmer plusieurs activités dans la même tournée. »

- Anon, Ingénieur en génie sanitaire, ministère de la Santé, District sanitaire de Yamoussoukro, Côte d'Ivoire

D'autres participants ont décrit comment les activités avaient été planifiées autour d'événements communautaires, et s’adressaient à plusieurs groupes d'âge :

« Les journées de vaccination ont été placées sous le signe de l'intensification des activités liées à la nutrition. Tous les mois, nous choisissons un jour de foire pour organiser une journée sanitaire dans certaines des installations sanitaires dont je m’occupe. Les enfants peuvent y recevoir les soins dont ils ont besoin : dépistage et prise en charge de la malnutrition, vaccination de routine ou de rattrapage, traitement contre les parasites, conseils nutritionnels. Quant aux adultes, ils peuvent bénéficier d'un dépistage du diabète ou de son traitement, et d'un contrôle de la tension artérielle. Tout le monde apprécie le gain de temps et d'argent que représente l'intégration des soins de santé primaires ».

- Fousseyni Dembele, médecin de santé publique (MPH), Mali

Inversement, les activités de vaccination de routine au sein de la communauté peuvent être l'occasion de fournir des services supplémentaires :

« En ce qui concerne la vaccination des enfants, je me souviens surtout de la fois où nous avions mené une campagne mobile de vaccination. On nous avait amené une petite fille à vacciner, et elle avait besoin d'un supplément de vitamine A. On a demandé à la mère de lui donner les vitamines, mais la petite fille a refusé de les prendre, et s’est mise à pleurer en silence. Alors, on lui a donné des bonbons pour la calmer. Après, elle s’est mise à sourire, elle nous a fait confiance, et elle a accepté facilement de prendre les vitamines. »

- Esther Yusuf Yakubu, spécialiste en santé publique (MPH) travaillant pour une ONG, État du Plateau, Nigéria

Une stratégie de vaccination de rattrapage très efficace consiste à éviter les "occasions manquées de vaccination" (OMV), c'est-à-dire les contacts avec les services de santé qui n'aboutissent pas à l'identification et à la vaccination des nourrissons insuffisamment vaccinés. Dans de nombreux pays, il s'agit d'une politique nationale et d'un élément constitutif de la pratique quotidienne :

« Cette pratique de vaccination est courante ici, en Côte d'Ivoire. Dans le cadre de nos consultations quotidiennes, si un enfant se présente dans nos services, quelle que soit la cause pour laquelle il est venu et si son état de santé le permet, nous le vaccinons. Cette pratique permet de ‘rattraper’ ceux qui ne sont pas à jour dans leurs vaccinations et aussi d'améliorer la couverture vaccinale ».

- Sopi Sess Michel, Ingénieur en génie Sanitaire, Ministère de la Santé, San Pedro, Côte d'Ivoire

Même si cette stratégie est inscrite dans les politiques institutionnelles ou nationales, ce qui est important, c’est qu'elle soit adoptée dans la pratique. Plusieurs des intervenants ont décrit comment, après s’est occupés d'un enfant malade, ils ont pris le temps de s'enquérir de son statut vaccinal :

« Un jour, une femme qui avait de la fièvre et qui toussait s'est présentée à notre centre de santé. Elle avait aussi un bébé de cinq mois. Nous nous sommes occupés de son cas et lui avons donné les médicaments dont elle avait besoin. Nous l'avons ensuite interrogée sur l'état vaccinal de son bébé, mais, à notre grande surprise, elle nous a répondu qu'il n'était pas vacciné. Elle a ajouté qu'il n'y avait pas de centre de vaccination près de chez elle. Entendant cela, l'agent de santé chargé de la vaccination lui a expliqué pourquoi elle devait faire vacciner son bébé et lui a donné rendez-vous au centre de santé pour compléter le programme de vaccination de son bébé. Nous sommes arrivés à la cçnvaincre, et c’est ainsi que son enfant a reçu tous les vaccins préconisés pour son âge. La femme était ravie et nous a manifesté sa gratitude ».

- Abdulrahman Umar Pella, praticien de santé communautaire, zone de gouvernement local de Gombi, Nigéria

Cette approche personnalisée permet d'aborder les causes des vaccinations manquées. Certaines personnes peuvent être plus réceptives aux conseils de vaccination reçus dans un contexte de prestation de soins :

« L'année dernière, aux alentours de Noël, un bébé est arrivé en urgence dans mon établissement. Il souffrait de convulsions et sa mère n’arrêtait pas de pleurer. Elle pensait qu'il n’allait pas survivre, et c’était son seul enfant en vie. L'hôpital et moi-même avons essayé de stabiliser l'enfant et, quand la mère a fini par se calmer en voyant qu’il était revenu à lui, je lui ai demandé de venir me rejoindre dans mon bureau, en toute confidentialité. Je lui ai posé quelques questions capitales sur la vaccination. Elle m’a alors révélé que son enfant n'avait jamais été vacciné. Je lui ai demandé pourquoi. Elle m'a confié que, suite à la perte d’un enfant mort-né, un herboriste lui avait recommandé de ne pas le faire. Je lui ai demandé de revenir me voir avec son mari, pour leur donner des informations et les convaincre tous les deux de l'importance de la vaccination. Après moult discussions qui nous ont permis de gagner sa confiance, elle a fait vacciner son enfant. À ce jour, ce dernier se porte bien. »

- Eegunjobi Anifat Omowumi, spécialiste de santé publique (MPH), ministère de la Santé, hôpital universitaire de l'université technologique Ladoke Akintola, Ogbomoso, État d'Oyo, Nigéria

Le fait de ne pas faire vacciner un enfant n'est pas toujours signe de réticence à l'égard de la vaccination. Il arrive parfois que d'autres priorités interfèrent et, pour ceux qui ont la charge d’enfants, il peut être plus pratique de les faire vacciner à l’occasion d'un autre contact avec le service de santé :

« J'ai vécu une expérience mémorable avec une mère qui avait amené sa petite fille dans notre établissement pour un examen de routine suite à une légère infection respiratoire. Lors du bilan, j'ai engagé la conversation avec la mère sur l'état général de son enfant et sur son statut vaccinal. Au cours de notre discussion, j'ai découvert que la fillette avait manqué plusieurs vaccinations importantes en raison du récent déménagement de la famille et des perturbations que cela avait entraîné. La mère n’avait pas conscience de l'importance du respect du calendrier vaccinal et des risques potentiels liés à l'absence de vaccinations. Saisissant l'occasion, je lui ai expliqué l’intérêt de la vaccination et j'ai répondu à ses préoccupations concernant la sécurité des vaccins. Je l'ai informée des politiques en place dans notre centre de soins, qui permettent d'intégrer les services de vaccination aux autres visites médicales. Notre établissement applique une politique qui favorise une approche holistique des soins de santé, en veillant à ce que chaque rencontre avec un patient serve le plus possible à promouvoir la santé dans sa globalité. Avec le consentement de la mère, j'ai pu administrer à la fillette les vaccins nécessaires au cours de la même visite, ce qui leur a non seulement évité un déplacement supplémentaire, mais a également permis de s'assurer que le calendrier vaccinal de l’enfant était à jour ».

- Fatima Ado Garba, infirmière à Gashua, Nigéria

Plusieurs intervenants ont fait remarquer que ces activités, si utiles qu’elles soient, ne sont pas toujours faciles à mettre en pratique ; mais les bénéfices potentiels sont considérables :

« Ce n’est pas toujours facile d’intégrer la vaccination aux autres services de soin. Pour ma part, j'ai dû surmonter de nombreuses difficultés : contraintes de temps aux heures d'ouverture du centre de soin, stocks de vaccins limités et résistance occasionnelle de la part de parents méfiants à l'égard des vaccins. Je pense que l’on pourrait réduire considérablement les occasions de vaccination manquées et améliorer les résultats globaux en matière de santé publique en dispensant au personnel de santé une formation continue sur l'intégration de la vaccination au sein des autres services de soins, et en l’associant à des programmes de sensibilisation de la population visant à renforcer la confiance dans les vaccins ».

- Claudius Mbuya, travailleur social dans une ONG, Kisumu, Kenya


Note : Les opinions exprimées dans cet article sont celles de ses auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de l’organisme auquel ils appartiennent

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