Quel accueil pour le vaccin contre le paludisme au Bénin ?

Le Bénin, qui a reçu 215 900 doses de vaccin antipaludique, l’a intégré à son Programme Élargi de Vaccination (PEV). Depuis le 25 avril 2024, le vaccin RTS,S est administré aux enfants en quatre doses, à partir de l’âge de 5 mois. Contrairement aux réticences rencontrées avec les vaccins contre la COVID-19, celui contre le paludisme suscite une adhésion quasi unanime au sein de la population.

  • 12 septembre 2024
  • 6 min de lecture
  • par Edna Fleure
Une mère tenant ses deux enfants lors de l'introduction du vaccin contre le paludisme au Bénin. Crédit : Ministère de la Santé
Une mère tenant ses deux enfants lors de l'introduction du vaccin contre le paludisme au Bénin. Crédit : Ministère de la Santé
 

 

Ce jour-là, les rues du Bénin résonnaient du message des crieurs publics, annonçant le début de la campagne de vaccination contre le paludisme destinée aux enfants de moins de cinq ans. L’appel du ministère de la Santé était clair : il fallait se rendre dans les centres de santé pour vacciner les tout-petits contre cette maladie qui continue de faire des ravages. Aissi Caroline, maman de jumelles de 9 mois, n’a pas hésité une seconde : « Lorsque j'ai entendu le message les crieurs publics, j'ai décidé de me rendre au centre de santé pour vacciner mes filles. Je savais que mon mari n'aime pas la vaccination, mais il a accepté après que le curé ait parlé de l'importance de ce vaccin à la messe », raconte-t-elle.

En 2023, les statistiques étaient alarmantes : 17 % des adultes et 39 % des enfants de moins de cinq ans étaient touchés par le paludisme, avec un taux de mortalité d'environ 106 décès pour 100 000 enfants.

Cet engouement est observé dans tout le pays, contrastant avec les réticences que d'autres vaccins, comme celui contre la COVID-19, ont tenter de susciter. Le Bénin, qui a reçu 215 900 doses, a intégré le vaccin RTS,S dans son Programme Élargi de Vaccination (PEV), espérant ainsi protéger les jeunes enfants contre les formes graves du paludisme, une maladie qui reste un problème majeur de santé publique.

Une urgence palpable

En 2023, les statistiques étaient alarmantes : 17 % des adultes et 39 % des enfants de moins de cinq ans étaient touchés par le paludisme, avec un taux de mortalité d'environ 106 décès pour 100 000 enfants. Face à ce fléau, le Bénin, aux côtés du Liberia et de la Sierra Leone, a adopté ce nouveau vaccin, emboîtant le pas au Burkina Faso et au Cameroun. Le pays espère ainsi contribuer à l’objectif de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui vise une réduction de 90 % de la charge mondiale du paludisme d’ici 2030.

« Ce vaccin est sûr et protège contre les formes graves de paludisme. Son introduction n’exclut pas les autres mesures préventives », avait déclaré le ministre de la Santé, Benjamin Hounkpatin, lors du lancement de la campagne. En effet, si le vaccin est un outil essentiel, il vient renforcer les dispositifs déjà en place : moustiquaires imprégnées d’insecticides, traitement préventif chez les femmes enceintes, et assainissement du cadre de vie.

Trois mois après le lancement de la campagne, les centres de santé dans les zones pilotes enregistrent des résultats encourageants. Farid Mama, médecin dans un centre de santé d’Allada, se réjouit de la baisse des cas de paludisme chez les enfants. « Pendant les vacances, je reçois généralement de nombreux nourrissons atteints de paludisme. Cette année, ma joie a été grande de constater que ce sont surtout des adultes qui ont été touchés. Je ne leur souhaite pas de mal, mais il est difficile de voir des enfants mourir de cette maladie », confie-t-il.

Pour de nombreux parents, l’enjeu est clair. Alicia Gnavo, habituellement sceptique face aux vaccins, a elle aussi insisté pour que son enfant soit vacciné. « J’étais au marché quand ma vendeuse de tomates m’a informée du début de la vaccination. Sans même rentrer chez moi, j’ai couru au centre de santé pour faire vacciner mon enfant. Je suis heureuse d’avoir accompli ce devoir », témoigne-t-elle.

Les parents sont ainsi devenus des relais d’information auprès de leurs pairs, partageant tous le même objectif : éliminer le paludisme du Bénin. Mathilde Ganlonon, par exemple, profite des réunions de travailleurs dans sa localité pour diffuser le message. « Tous les moyens sont bons pour combattre une maladie aussi dangereuse que le paludisme », affirme-t-elle avec conviction.

Un effort national et international

Landry Kaucley, directeur de la vaccination et de la logistique à l'Agence des soins de santé primaire au Bénin, se félicite de l’enthousiasme général : « Nous sommes ravis de constater que l’appel du ministère et de ses partenaires a été entendu. Le nombre d’enfants vaccinés dépasse même nos prévisions. »

Des mères attendent leur tour pour faire vacciner leurs enfants contre le paludisme.
Crédit : Edna Fleure

Le Dr Cyriaque Affoukou, du Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP), souligne également l’engagement des familles : « Nous avons participé à toutes les réunions techniques ayant conduit à l’implémentation de ce vaccin, et nous sommes heureux de voir que les parents emmènent leurs enfants dans les centres de santé avec sérieux et assiduité. »

Le Bénin espère suivre l’exemple du Ghana, du Kenya et du Malawi, qui ont réussi à protéger environ 2 millions d’enfants contre les formes graves du paludisme, réduisant ainsi les hospitalisations pédiatriques et la mortalité infantile.

Si le Bénin peut aujourd’hui protéger efficacement les enfants contre le paludisme, c’est grâce aux efforts conjugués du gouvernement et de ses partenaires, dont Gavi, l’Alliance mondiale pour les vaccins. Le Dr Alain Komi Ahawo, responsable pays de Gavi au Bénin, explique : « Le Bénin fait partie des pays bénéficiaires du soutien de Gavi. Nous finançons non seulement le vaccin, mais aussi toute la logistique nécessaire, du stockage à froid jusqu’au transport des doses dans les régions du nord. »

En intégrant le vaccin antipaludique dans son PEV, le Bénin espère suivre l’exemple du Ghana, du Kenya et du Malawi, qui ont réussi à protéger environ 2 millions d’enfants contre les formes graves du paludisme, réduisant ainsi les hospitalisations pédiatriques et la mortalité infantile.

Des attentes pour l’avenir

Les Béninois, enthousiastes face à cette avancée, appellent désormais le gouvernement à plaider pour que le vaccin soit accessible à tous, y compris aux adultes. « Le paludisme tue plus vite que beaucoup d’autres maladies. Ce serait bien que ce vaccin soit à la portée de tout le monde », demande un citoyen.

Cependant, les autorités insistent sur le fait que le vaccin ne doit pas remplacer les autres méthodes de prévention. Le professeur Benjamin Hounkpatin, ministre de la Santé, rappelle que « le paludisme, maladie évitable et guérissable, reste un problème majeur de santé publique en raison de sa morbidité et de sa mortalité ».

Pour atteindre l'objectif de l'OMS d’éliminer le paludisme d’ici 2030, le Bénin s’appuie sur une stratégie globale qui combine l’utilisation de moustiquaires imprégnées, la chimioprévention saisonnière chez les enfants de moins de cinq ans, et le traitement préventif chez les femmes enceintes. En parallèle, des actions comme l'assainissement des cadres de vie, notamment par l’asphaltage, contribuent à la réduction des gîtes larvaires.

Ainsi, l’engagement du Bénin dans la lutte contre le paludisme repose sur une combinaison de prévention, de traitement et maintenant de vaccination, avec l’espoir de voir cette maladie disparaître du pays d’ici 2030.