Profil vaccinal : Tuberculose

Les efforts déployés pour lutter contre la maladie infectieuse mondialement la plus meurtrière sont sur le point de s'intensifier, avec de nouveaux vaccins à l'horizon.

  • 18 juin 2024
  • 7 min de lecture
  • par Linda Geddes
Illustration 3D de la bactérie Mycobacterium tuberculosis, agent causal de la tuberculose.
Illustration 3D de la bactérie Mycobacterium tuberculosis, agent causal de la tuberculose.
 

 

Avec trois victimes par minute, la tuberculose est la maladie infectieuse la plus meurtrière qui soit. La résistance croissante aux antibiotiques la rend également plus difficile à traiter. Sans parler du spectre de la mort auquel il est associé, le diagnostic de tuberculose peut représenter, dans de nombreuses communautés, une condamnation à des mois ou des années d'isolement social, ce qui peut retarder le recours aux soins ou l'adhésion au traitement. La tuberculose ne se contente pas de tuer près de 1,5 million de personnes chaque année, elle détruit également des familles et les prive de leurs moyens de subsistance.

Plus de 100 ans après la première administration du BCG, l’espoir de pouvoir disposer d’un nouveau vaccin capable de protéger tous les groupes d'âge contre tous les types de tuberculose se fait jour.

Malgré les efforts déployés pour contrôler la maladie au cours des dernières décennies, la tuberculose reste la treizième cause de décès dans le monde et c’est toujours la maladie infectieuse la plus meurtrière. Avec la résistance croissante aux médicaments, elle est de plus en plus difficile à traiter, et donc plus souvent mortelle. Le vaccin bilié de Calmette et Guérin, (le plus souvent dénommé vaccin BCG ou tout simplement BCG) offre une protection appréciable contre la tuberculose chez les nourrissons et les jeunes enfants, mais il est urgent de mettre au point de nouveaux vaccins capables de bloquer l'infection et de prévenir la tuberculose chez les adolescents et les adultes, chez qui la charge de morbidité est la plus importante. Heureusement, plusieurs vaccins candidats sont actuellement en phase finale d'essais cliniques, ce qui permet d'espérer qu'un vaccin efficace et d’un coût abordable sera bientôt disponible.

Un fléau ancestral

Il semble que la tuberculose soit aussi ancienne que l'humanité, et qu’elle ait infecté les premiers ancêtres de l’homme avant même qu'ils n'aient quitté l'Afrique il y a 70 000 ans. Cette maladie est causée par une bactérie appelée Mycobacterium tuberculosis, qui s'attaque généralement aux poumons, mais aussi à d'autres tissus, notamment aux reins, au cerveau, aux os ou à la peau. On estime qu'environ un quart de la population mondiale a été infectée par la bactérie, mais cette dernière peut rester dormante pendant de nombreuses années (infection latente, au cours de laquelle elle n’est pas contagieuse) et seulement 5 à 10 % des individus infectés vont développer la maladie.

Les symptômes de la tuberculose comprennent une toux prolongée (parfois avec du sang), des douleurs thoraciques, de la fièvre, des sueurs nocturnes, une grande fatigue et une perte de poids. Les personnes infectées deviennent contagieuses au moment où elles développent les premiers symptômes de la tuberculose, mais comme ces derniers peuvent être légers pendant de nombreux mois, elles peuvent facilement transmettre l’infection sans le savoir.

Selon les estimations, 10,6 millions de personnes ont contracté la tuberculose en 2021 et 1,6 million en sont mortes, dont 187 000 étaient séropositives pour le VIH. La tuberculose et le VIH constituent une combinaison particulièrement funeste car le VIH, qui affaiblit le système immunitaire, facilite la propagation de la maladie. Le diabète, le tabagisme et la malnutrition augmentent également le risque de développer la tuberculose.

Premières découvertes

M. tuberculosis a été identifié en 1882 par le microbiologiste allemand Robert Koch. En l'espace de 20 ans, le médecin danois du nom de Niels Finsen a mis au point un traitement efficace de la forme cutanée mutilante de la tuberculose, qui consistait à exposer les malades à la lumière ultraviolette. La luminothérapie a été un pilier du traitement jusqu'à la découverte des antibiotiques actifs contre la tuberculose dans les années 1940. Les malades étaient envoyés dans des sanatoriums à la fois pour prévenir la transmission de la maladie et pour favoriser leur guérison grâce à une combinaison de soleil, d'air frais et d'exercice.

Aujourd'hui, l'infection et la tuberculose sont traitées par les antibiotiques, mais il faut les prendre pendant quatre à six mois pour qu’ils soient efficaces. L'arrêt prématuré de ces médicaments peut être dangereux car il augmente le risque d'infections résistantes au traitement. La tuberculose multirésistante (TB-MR) est une tuberculose qui ne répond pas aux deux antibiotiques de première intention les plus efficaces. Il existe des médicaments de deuxième intention, mais ils sont plus chers et plus toxiques. La tuberculose multirésistante représente un problème grave dont l’ampleur est croissante. Si elle continue à s’étendre, les patients n'auront que peu d'options thérapeutiques.

Développement des vaccins

Le BCG a été mis au point par Albert Calmette et Camille Guérin à l'Institut Pasteur de Lille, en France, au début du XXe siècle, à partir d'une souche bovine de la bactérie, appelée Mycobacterium bovis. En 1908, Calmette et Guérin ont commencé à cultiver ces bactéries dans leur laboratoire, en les transférant toutes les trois semaines dans un nouveau milieu de croissance pour les maintenir en vie. Au fil du temps, les chercheurs ont découvert que la capacité de ces bactéries à provoquer des maladies évoluait. Treize ans et 230 sous-cultures plus tard, ils disposaient d'une souche qui ne rendait plus les bovins malades (ni d’autres animaux), mais qui les immunisait contre la tuberculose.

En 1921, une dose du vaccin a été administrée par voie buccale à un enfant dont la mère était décédée de la tuberculose quelques heures après l'accouchement. Le nourrisson a survécu et, au cours des trois années suivantes, des centaines d'autres nourrissons ont reçu le vaccin. En 1924, le vaccin BCG a commencé à être produit en masse, et des millions de nourrissons ont été vaccinés au cours des années 1920 et 1930.

Les vaccins BCG modernes

Les vaccins BCG actuels sont produits à partir de différentes souches atténuées de M. bovis et sont administrés par injection sous la peau (intradermique), plutôt que par voie orale. Le BCG est recommandé pour les nouveau-nés dans les pays où la charge de la tuberculose est élevée. C’est un des vaccins les plus utilisés dans le monde. Il est administré à plus de 80 % des nourrissons dans les pays où il est inclus dans les programmes de vaccination systématique.

Mais bien qu'il ait sauvé de nombreuses vies, le BCG n'est pas parfait : il apparaît que son efficacité en matière de prévention de la tuberculose et de durée de l'immunité conférée varient d'un pays à l'autre. Une méta-analyse publiée récemment dans The Lancet Global Health montre que la vaccination par le BCG à la naissance offre une protection significative contre la tuberculose jusqu'à l'âge de cinq ans environ, ce qui est important car la tuberculose est une maladie très débilitante et très grave chez l'enfant.

Malheureusement, il a été démontré que cette protection diminue avec l'âge et que le vaccin ne protège ni les adolescents ni les adultes, qui représentent la principale cible de la tuberculose et sont les principaux transmetteurs de l’infection. Le BCG n'empêche pas non plus d'être infecté par M. tuberculosis ; il ne peut donc pas empêcher sa propagation dans la population. Pour mettre fin à l'épidémie de tuberculose, il faut des vaccins qui soient efficaces contre toutes les formes de tuberculose dans tous les groupes d'âge et qui empêchent la transmission de la bactérie.

De nouveaux vaccins arrivent

En 2014 et 2015, les États membres de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et les Nations Unies ont pris l’engagement de combattre la tuberculose en adoptant la stratégie pour mettre fin à la tuberculose définie par l'OMS, qui vise à réduire l'incidence de la tuberculose de 80 % et les décès dus à la tuberculose de 90 % d'ici à 2030. Selon l’OMS il faudra, pour y parvenir, introduire des grandes avancées technologiques d’ici 2025, comme par exemple un vaccin efficace à la fois avant et après l'exposition.

Il existe actuellement au moins 20 vaccins antituberculeux pour adultes et adolescents en cours de développement clinique. Gavi, l'Alliance du vaccin, s'intéresse particulièrement au vaccin candidat M72/AS01E (M72) qui, espère-t-on, pourrait être préqualifié par l'OMS (condition préalable à son achat par les agences des Nations Unies et Gavi) d'ici à 2030, sous réserve des résultats de l'essai de phase 3. Les sujets immunodéprimés vivant avec le VIH sont inclus dans ces essais, ce qui est important car, en cas de succès, cela permettrait de vacciner également ces groupes à haut risque contre la tuberculose.

Le M72 est un vaccin à sous-unités protéiques combinant deux antigènes de M. tuberculosis avec un système d'adjuvant (AS01E) qui renforce la réponse immunitaire au vaccin. Il est conçu pour être administré par injection intramusculaire aux personnes âgées de 15 à 44 ans, avec deux doses espacées d'un mois.

Lors d'un récent essai de phase 2b, il a montré une efficacité d'environ 50 % dans la réduction de la tuberculose pulmonaire chez les adultes atteints d'une infection latente (personnes infectées par les bactéries responsables de la tuberculose en état « dormant »). En juin 2023, la Wellcome et la Fondation Bill & Melinda Gates ont annoncé un financement pour faire progresser le vaccin par le biais d'un essai de phase 3 impliquant environ 26 000 personnes, y compris des personnes vivant avec le VIH et sans infection tuberculeuse, dans plus de 50 sites d'essai en Afrique et en Asie du Sud-Est.

Parmi les autres candidats susceptibles d'intéresser Gavi figurent le vaccin VPM1002, qui utilise une souche vivante atténuée de M. bovis qui a été génétiquement modifiée pour que les cellules immunitaires puissent mieux la reconnaître et y répondre, et le vaccin MTBVAC, qui utilise une souche vivante atténuée de M. tuberculosis génétiquement modifiée. Étant basé sur la bactérie de la tuberculose humaine, plutôt que sur celle du bétail, le MTBVAC pourrait déclencher une réponse immunitaire plus large.

Plus de 100 ans après la première administration du vaccin BCG, les espoirs grandissent de voir enfin un vaccin capable de protéger tous les groupes d'âge contre tous les types de tuberculose. L’issue de la bataille millénaire contre cet agent pathogène ancestral pourrait enfin tourner en notre faveur.