Portrait vaccinal : le vaccin contre le paludisme

Le paludisme est en recrudescence sous l’effet du changement climatique, mais le monde dispose désormais non pas d'un, mais de deux vaccins pour le combattre.

  • 14 juin 2024
  • 5 min de lecture
  • par Priya Joi
Illustration 3d du plasmodium, le parasite responsable du paludisme
Illustration 3d du plasmodium, le parasite responsable du paludisme
 

 

Le paludisme est une maladie vieille comme le monde. Il en est fait mention dans certains des textes les plus anciens de la civilisation humaine, dans les tablettes d'argile de Mésopotamie datant de 2000 avant Jésus-Christ et les papyrus égyptiens de 1570 avant notre ère jusque dans les documents chinois de 2700 avant notre ère et les textes hindous du sixième siècle avant notre ère.

Transmis par les moustiques, le paludisme est endémique dans de nombreux pays chauds et humides. C’est l’une des maladies les plus meurtrières : on a enregistré environ 247 millions de cas et 619 000 décès en 2021 au niveau mondial. La majorité de ces cas surviennent sur le continent africain, où le paludisme est l'une des principales causes de décès chez les enfants de moins de cinq ans : il tue un enfant toutes les minutes.

La mise au point d'un vaccin contre le paludisme a pris beaucoup de temps – environ 30 ans – et ça a été compliqué : il est en effet difficile de cibler un parasite dont le cycle de vie comporte plusieurs phases. Mais après des dizaines d'années de recherche, on dispose aujourd'hui de deux vaccins.

Les premiers symptômes du paludisme – maux de tête, fièvre et frissons – sont parfois discrets et peuvent le faire confondre avec d'autres maladies, de sorte que le diagnostic est souvent trop tardif. Certains patients se rétablissent spontanément, mais la maladie peut être mortelle. En l'absence de traitement, le paludisme peut être très grave et entraîner la mort en moins de 24 heures.

Un meurtrier à l’échelle planétaire

Selon les estimations, le paludisme est responsable de près de 5 % de l’ensemble des décès survenus chez les humains au cours du XXe siècle. D’après le dernier rapport mondial sur le paludisme de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), 249 millions de cas ont été recensés en 2022, contre 244 millions en 2021. Le nombre estimé de décès dus au paludisme était de 608 000 en 2022 contre 610 000 en 2021.

Après plusieurs décennies de succès dans la lutte contre le paludisme, les progrès se sont ralentis au cours des dix dernières années. Au niveau mondial, le nombre de décès dus à cette maladie a chuté de près de 40 % entre 2000 et 2015, passant de 896 000 en 2000 à 562 000 en 2015. Mais il a commencé à augmenter par la suite. En 2020, le nombre de décès causés par le paludisme a grimpé de 10 % par rapport à l’année précédente pour atteindre 625 000 ; il a de nouveau baissé, mais il reste plus élevé qu'en 2015.

C’est l’Afrique qui paie le plus lourd tribut au paludisme, avec 94 % des cas et 95 % des décès en 2022. La maladie frappe essentiellement les jeunes enfants : 78 % des décès dus au paludisme en Afrique concernent des enfants de moins de cinq ans.

La concentration de la maladie en Afrique est pourtant relativement récente. Jusqu'au milieu du 20e siècle, sa répartition était beaucoup plus vaste à travers le monde : le paludisme a été éliminé seulement en 1964 en Espagne, en 1970 en Italie et en 1973 en Corse.

Le changement climatique pourrait toutefois inverser cette tendance. Le réchauffement de la planète a déjà entraîné des changements significatifs dans la manière dont le paludisme se propage, ce qui pourrait augmenter considérablement le nombre de personnes exposées au risque. Avec les inondations, l'augmentation des précipitations et le réchauffement de régions autrefois tempérées, les moustiques vecteurs du paludisme sont capables de coloniser de nouvelles parties du monde.

La mise au point du vaccin

La mise au point du vaccin contre le paludisme a pris beaucoup de temps – environ 30 ans – et ça a été compliqué : il est en effet difficile de cibler un parasite dont le cycle de vie comporte plusieurs phases. Mais après des dizaines d'années de recherche, nous disposons aujourd'hui de deux vaccins. L’OMS a approuvé (ou "préqualifié") le vaccin RTS,S en 2021 et le vaccin R21 deux ans plus tard ; tous deux ciblent la forme sporozoïte du parasite responsable du paludisme.

Le vaccin RTS,S a fait l'objet d'essais cliniques rigoureux et s'est révélé efficace même chez les enfants atteints du VIH et de malnutrition, ce qui constitue un élément important pour son utilisation chez les jeunes enfants en Afrique.

En 2019, le programme de mise en œuvre de la vaccination contre le paludisme (MVIP) coordonné par l'OMS et financé par Gavi, par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et par Unitaid a démarré de vastes essais pilotes pour évaluer l'utilisation du vaccin RTS,S à des fins de santé publique au Ghana, au Kenya et au Malawi.

À la fin du mois de septembre 2023, plus de quatre ans après le début des vaccinations, 5,8 millions de doses de vaccin RTS,S avaient été administrées, et près de deux millions d'enfants à risque avaient été vaccinés contre le paludisme dans les trois pays pilotes.

L’administration du vaccin antipaludique RTS,S a entraîné une baisse substantielle des hospitalisations pour paludisme grave et une diminution significative des décès chez les enfants – on a enregistré une baisse de 13 % de la mortalité toutes causes confondues (c'est-à-dire pas seulement dues au paludisme) dans les zones où le vaccin a été testé.

Déploiement du vaccin

Gavi soutient l'introduction des vaccins antipaludiques dans les pays éligibles. En juillet 2023, les 18 millions de doses de RTS,S disponibles pour la période 2023–2025 ont été allouées à 12 pays, en accordant la priorité aux zones dont les besoins sont les plus importants et où le risque de maladie et de décès dus au paludisme est élevé chez les enfants, en attendant que l'offre de vaccins augmente et puisse répondre pleinement à la demande.

Lire le FAQ

En janvier 2024, le Cameroun a été le premier pays à recevoir la première livraison de de vaccin RTS,S (331 200 doses). La demande de vaccin antipaludique est importante : 20 pays d'Afrique prévoient de l'introduire en 2024 dans leur programme de vaccination systématique des enfants. Il va falloir atteindre au moins 40 à 60 millions de doses annuelles de vaccin antipaludique en 2026, et 80 à 100 millions de doses annuelles à l’horizon 2030.

Le vaccin R21 n'a pas encore été déployé à grande échelle, mais dans les régions où il a été testé, où la transmission du paludisme est fortement saisonnière (limitée à quatre ou cinq mois par an), il a déjà permis de réduire de 75 % le nombre de cas de paludisme. Selon l'OMS, « cette efficacité élevée est comparable à celle qui a été démontrée avec le RTS,S administré de manière saisonnière ».

Le fait qu'il existe aujourd'hui deux vaccins efficaces, que l’on peut utiliser parallèlement aux autres interventions qui ont déjà fait leurs preuves (par exemple les moustiquaires imprégnées d'insecticide) devrait permettre de réaliser des progrès importants en ce qui concerne l'élimination du paludisme.