A Madagascar, vacciner les animaux pour protéger les humains contre la rage

L’Organisation mondiale de la santé animale a doté Madagascar de plus de 62 500 doses de vaccin antirabique pour cette année. Avec l’appui technique et financier de la Commission de l’océan Indien, le pays engage depuis fin septembre une campagne de vaccination contre la rage, une maladie contagieuse, suite au décès d’un enfant de 9 ans mordu par un chien errant à Antananarivo un mois plus tôt. Le pays recense quelque 20 000 cas de morsures par an.

  • 13 octobre 2022
  • 5 min de lecture
  • par Rivonala Razafison
Une campagne de vaccination des chiens et des chats contre la rage, à Lapahambana Ambohibary Sambaina Manjakandriana. Crédit : Rivonala Razafison
Une campagne de vaccination des chiens et des chats contre la rage, à Lapahambana Ambohibary Sambaina Manjakandriana. Crédit : Rivonala Razafison

 

 

Immuniser tous les chiens et les chats

« Si un chien a la rage, il ne reconnaît même pas son maître. Il vous mord et vous avez aussi la rage ». Ainsi Julien Rakotomalala, l’auxiliaire vétérinaire du district de Manjakandriana, s’adresse aux résidents de la bourgade de Lampahamba à Ambohibary Sambaina, une commune située à moins de 40 km à l’est d’Antananarivo, en cette matinée d’octobre.

« Lorsque vous avez la rage, tout ce que le médecin peut faire pour vous est d’administrer des calmants en attendant votre transfert à l’hôpital. Cette maladie ne se soigne pas. Si votre chien est vacciné, il ne contracte pas la maladie que ses congénères peuvent lui transmettre. Voilà pourquoi le gouvernement a organisé cette campagne de vaccination », poursuit-il.

Chien vacciné contre la rage
Vacciné ! Ce chien est désormais protégé contre la rage.
Crédit : Rivonala Razafison

Vers 8 heures du matin, une petite foule s’attroupant sur la piste desservant la localité a attendu la venue de Rakotomalala et son assistante. Suivant le calendrier établi, les deux agents y ont passé trois heures avant de rejoindre un autre village dans l’après-midi. A 9 heures, une vingtaine de chiens et de chats ont reçu les doses prévues pour eux.

La veille, l’agent a vacciné plus de 300 chiens et chats à Ambanitsena, une autre commune dans la circonscription de Manjakandriana qui a droit à 17 500 doses pour la campagne en cours. Des cas de rage animale y ont été confirmés l’an passé. « L’ensemble du district est ciblé dès lors qu’il existe un cas avéré », souligne l’auxiliaire vétérinaire.

« Si vous tenez beaucoup à vos animaux, il faut bien les traiter. [...] Les vacciner réduit le risque pour les humains de contracter la rage. »

« Je fais vacciner notre chien pour la quatrième fois successive. Il est vacciné tous les ans. Beaucoup d’enfants passent tout près de chez nous chaque jour. J’ai peur qu’ils se fassent mordre par notre animal », témoigne Marie Eliane Rasoambolanoro, une mère de cinq enfants à Lampahamba.

La dose administrée est valable pour une seule année. « Vous êtes sûrement protégés contre la rage si vos chiens sont vaccinés et ils ne seront pas non plus infectés », rassure Rakotomalala. En milieu rural, les gens tiennent tant à leurs chiens pour des raisons de sécurité et aux chats pour lutter contre les rongeurs.

Une dizaine de victimes par an

Les animaux à sang chaud sont susceptibles de développer la rage et de la transmettre aux humains par la morsure, la griffure et le léchage des plaies. Sa recrudescence a principalement lieu durant la saison sèche, d’août à décembre. La direction des services vétérinaires (DSV) du pays a recensé 110 cas suspects de rage animale, 14 cas probables et 78 cas confirmés en 2020-2021.

Chaque année, la rage humaine tue sur l’île une dizaine de personnes et près de 59 000 autres dans le monde. Le ministère malgache de la Santé publique enregistre une moyenne annuelle de 20 000 morsures de chiens, responsables de 99 % de la rage humaine sur le territoire. « Les morsures n’évoluent pas toutes en rage humaine grâce à la prise en main et au traitement post-exposition », explique Dr Manuela Christophère Vololoniaina, directeur de la veille sanitaire, de la surveillance épidémiologique et riposte.

La période d’incubation va de 6 mois à 7 ans chez les animaux et de 15 jours à 1 an chez les humains, selon les précisions du Dr Nalitiana Rakotondrabe, chef de service de surveillance et lutte contre les maladies animales auprès de la DSV. Le délai dépend de la partie du corps touchée. Plus le point d’entrée du virus est proche de la tête, plus courte sera l’incubation. « Les signes cliniques se manifestent une fois le système nerveux atteint. Il est alors trop tard pour le malade », dit l’experte.

Quand la santé humaine dépend de la santé animale

La lutte contre la rage à Madagascar relève d’une lutte intégrée à laquelle contribuent les départements en charge de la santé animale et de la santé humaine. Un « Groupe Rage » est en place. Le pays dispose d’une stratégie nationale de la lutte. Le territoire est classé en zone à forte notification (14 districts), zone à faible notification (33 districts) et zone silencieuse (67 districts).

Chat vacciné contre la rage
Ce chat sera également protégé contre la rage et ne pourra pas la transmettre après avoir reçu son vaccin.
Crédit : Rivonala Razafison

Antananarivo, Manjakandriana, Arivonimamo et Analalava appartiennent à la zone à forte notification où sont concentrées l’action de lutte, l’abattage systématique des chiens errants et la sensibilisation. La présente campagne est aussi une riposte à la détection du cas récent de rage humaine dans la capitale.

« Nous priorisons la sensibilisation et l’animation des acteurs de surveillance dans la zone à faible notification et la zone silencieuse », insiste Dr Rakotondrabe. Madagascar s’aligne sur l’objectif mondial de zéro mortalité humaine due à la rage d’ici 2030.

Selon Dr Vololoniaina, la meilleure façon de ne pas contracter la maladie est d’éviter tout risque d’exposition à la morsure, à la griffure et au léchage des plaies par les vecteurs. « Si vous tenez beaucoup à vos animaux, il faut bien les traiter. Un chien bien nourri a un système immunitaire le protégeant contre la rage. Dans tous les cas, le vacciner réduit le risque pour les humains de contracter la maladie », affirme la responsable ministérielle.

A Madagascar, la lutte contre cette maladie doit rejoindre la liste des attributions de la direction du programme élargi de vaccination (PEV). Ce sera chose faite après la validation nationale de la stratégie qui aura lieu bientôt.

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