Les communautés royales et traditionnelles de Madagascar s’engagent pour la vaccination de routine et anti-COVID

Le 27 mars dernier, l’OMS Madagascar et la Fédération des communautés royales, traditionnelles, coutumières et culturelles de Madagascar (FCRTM) ont signé une convention pour la sensibilisation et la promotion de la vaccination de routine et anti-COVID sur une période de six mois. La coopération prévoit d’atteindre environ 1 136 700 enfants et adultes dans 32 districts répartis dans 18 des 23 régions de l’île.

  • 16 mai 2023
  • 5 min de lecture
  • par Rivonala Razafison
Deux membres de la communauté royale montrant leurs cartes de vaccination après avoir reçu leur dose de vaccin contre la COVID-19. Crédit : FCRTM
Deux membres de la communauté royale montrant leurs cartes de vaccination après avoir reçu leur dose de vaccin contre la COVID-19. Crédit : FCRTM
 

 

Les coutumes ancestrales, leviers de développement

Les districts ciblés ont des points communs : pauvrement équipés en infrastructures, accès difficile, insécurité… et faible taux de vaccination. « L’OMS mobilise les leaders traditionnels, culturels et coutumiers afin de sensibiliser les communautés à se faire vacciner. Ils sont incontournables et sont des acteurs crédibles pour le changement de comportement », soulignait Dr Laurent Musango, le représentant résident, lors de la cérémonie de signature.

Officiellement fondée le 27 novembre 2009, l’organisation rassemble en un seul endroit les réseaux de dignitaires royaux, de chefs coutumiers et de prêtres traditionnels du pays. Les tradipraticiens aussi y sont associés. Les coutumes ancestrales sont un levier du développement et non un obstacle à celui-ci. De ce fait, les communautés royales et traditionnelles doivent y contribuer.

« Nous avions des royaumes avant la colonisation. Ils sont tombés dans l’oubli après l’avènement de la République. Cependant, le pouvoir des dignitaires royaux et autres chefs coutumiers reste toujours inébranlable dans plusieurs régions », observe la princesse Elakovelo Etsiosa Zoendreniny, fondatrice et présidente nationale de la FCRTM.

« Nous avons nos manières d’agir. Nous détenons les secrets de la communication avec la communauté. »

Princesse Elakovelo Etsiosa Zoendreniny, fondatrice et présidente nationale de la FCRTM

L’entité a séduit dès les premières années de son existence. Les membres eux-mêmes, à l’issue du premier congrès national organisé à Nosy Be Hell-Ville en 2012, ont pris des engagements solennels vis-à-vis de la vie de la nation. Dès lors, le PNUD pour la gestion des conflits autour des élections, l’ONUSIDA pour la lutte contre le VIH, le FNUAP pour le planning familial, l’UNICEF pour la vaccination et la promotion des droits de l’enfant et aujourd’hui l’OMS pour la vaccination de routine et anti-COVID sont devenus des partenaires. Le ministère de la Santé publique et d’autres départements le sont également.

Pour la vaccination en particulier, une coopération de six mois avec l’UNICEF visant les trois régions du Sud, à savoir Atsimo Andrefana, Androy et Anôsy, a permis à la fédération de prouver sa réelle influence sur les communautés. L’UNICEF a de plus désigné son leader supportrice des droits de l’enfant pour ces régions. « Nous avons pu constater que beaucoup d’enfants n’y sont pas vaccinés pour des raisons fallacieuses la plupart du temps », souligne la princesse.

Atteindre les enfants zéro dose

La convention avec l’OMS fait suite aux échanges ayant eu lieu lors du passage à Madagascar du coordonnateur principal du Partenariat mondial pour l’administration des vaccins contre la COVID-19, Ted Chaiban, en septembre. La Grande île ambitionne de vacciner 51 % de sa population en 2023. Parallèlement, elle reste l’un des pays avec le plus grand nombre d’enfants « zéro dose » et plus de 300 000 enfants de moins d’un an n’ont reçu aucun vaccin, soit le tiers des enfants de cette tranche d’âge.

OMS Madagascar
La cérémonie de signature de la convention pour la sensibilisation et la promotion de la vaccination entre l'OMS et la Fédération des communautés royales, traditionnelles, coutumières et culturelles de Madagascar.
Crédit : OMS Madagascar

Quelques familles à Morarano Gara (MLA), Moramanga, l’un des districts cibles, refusent carrément les vaccins à cause des croyances. « Informée de la situation, l’OMS a dépêché une équipe pour tenter de la débloquer. En vain. La stratégie avancée pour la polio n’a pas marché non plus », révèle Dr Narisoa Rakotomalala, médecin-chef du CSB II local.

La FCRTM se heurte à la même réaction sur le terrain. « Les cérémonies et rassemblements traditionnels sont de bons moments pour nous pour mener des séances de vaccination avec le personnel de la santé. Lors des obsèques de mon oncle dans la brousse d’Ampanihy Andrefana, le chef du quartier et le maire eux-mêmes ont interdit la vaccination en présence du médecin-inspecteur. J’ai dû intervenir pour faire changer la donne », raconte Elakovelo Etsiosa Zoendreniny.

Des socles de l’identité malgache

Son organisation compte 95 bureaux régionaux travaillant avec des agents traditionnels coutumiers. Le moment venu, les princesses et princes non vaccinés passent en premier. La simple présence de l’antenne locale de la fédération rassure. Les indécis préfèrent recevoir leurs doses dans les locaux des représentations de la FCRTM plutôt que dans les structures sanitaires au niveau local. « Nous avons nos manières d’agir. Nous détenons les secrets de la communication avec la communauté », affirme la princesse.

Selon Dr Guy Razamany, anthropologue, les institutions chrétiennes, républicaines et traditionnelles cohabitent à Madagascar. « On néglige souvent les dernières, pourtant socle de notre identité. On ne les considère qu’en cas de difficulté », précise l’enseignant-chercheur à l’Institut des langues et civilisations à l’université de Mahajanga. « Les chefs coutumiers et traditionnels sont les gestionnaires des descendances et ont le devoir de protéger ces dernières », poursuit-il.

« Des vaccins [importés par les Blancs] étaient déjà administrés sous l’ère coloniale. Les communautés étaient contraintes de les admettre. On se rendait compte à l’époque de l’efficacité des vaccins. Il est donc judicieux de persister dans ce sens », reconnaît-il.

« Mais le hic est que, à l’heure actuelle, certains groupes [religieux] font propager des idées contraires. Les traditionnalistes, quant à eux, ne s’opposent ni aux vaccins ni à la médecine conventionnelle d’autant plus que les vaccins sont scientifiquement testés. La politique de la santé publique serait réussie si tous les groupes religieux à Madagascar font comme les traditionnalistes », conclut-il.


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