En RDC, le plan Mashako, une approche originale pour améliorer la couverture vaccinale des enfants congolais

Le système de vaccination de la République démocratique du Congo doit faire face à d’immenses défis, dont celui du grand nombre d'enfants non vaccinés pour tous les antigènes et des problématiques liés au financement des vaccins. Pour y répondre, le Programme élargi de vaccination et ses partenaires ont mis en place le Plan Mashako, lancé en 2018. Objectif : renforcer la vaccination de routine dans le pays.

  • 28 avril 2023
  • 5 min de lecture
  • par Patrick Kahondwa
Dans le cadre du plan Mashako, les jeunes membres du Club urbain des enfants sensibilisent les parents à la vaccination de routine, sur un petit marché de la ville de Mbandaka. Crédit : Vanessa Mimisanga
Dans le cadre du plan Mashako, les jeunes membres du Club urbain des enfants sensibilisent les parents à la vaccination de routine, sur un petit marché de la ville de Mbandaka. Crédit : Vanessa Mimisanga
 

 

Le Plan d'urgence pour la relance de la vaccination systématique en RDC, plus connu sous le nom de Plan Mashako, est dirigé et mis en œuvre par le gouvernement de la RDC avec le soutien de Gavi, l'OMS, l'UNICEF, PATH, Village Reach, Acasus et la Fondation Bill & Melinda Gates. Avant le lancement du plan, 20% des enfants du pays n'avaient reçu aucun vaccin prévu dans le calendrier de vaccination : ce sont ceux que l'on appelle les enfants zéro dose. Dans les neuf provinces concernées par la première phase, qui étaient les plus touchées par les épidémies de rougeole et de polio et où vivaient la moitié des enfants zéro dose, le nombre de séances de vaccination est passé en 2020 à 24 000, soit une augmentation de 50 % par rapport à l’année 2018. La couverture vaccinale complète est passée de 30 à 56%.

Une multitude de stratégies…

« Pour prétendre prévenir toutes les épidémies, il faut avoir des couvertures vaccinales de l’ordre de 90 à 95% et maintenir ces couvertures pendant plusieurs années », affirme Dr Paul Lame, coordinateur du plan Mashako. « Le plan a été mis en place avec les principaux axes, notamment la coordination et le financement. On a défini un certain nombre d’indicateurs pour voir les tendances mois par mois. Il fallait également augmenter le nombre des séances de vaccination et améliorer la disponibilité. On a vraiment défini les activités prioritaires et on les a mises en place », explique-t-il.

« Nous avons fait des bons en avant entre 2019 et 2020. Mais en 2021, avec la peur que la pandémie de COVID-19 a créé, on a assisté à une réduction de l’utilisation des services de santé, y compris les services de vaccination. Il y a même certains endroits où, pendant plusieurs mois, on n’a pas pu vacciner les enfants ».

Pour améliorer l'accessibilité aux services de vaccination, le plan a été élargi sur l’ensemble des provinces et des séances supplémentaires ont été organisées à proximité des résidences des familles.

« Actuellement il y a des indicateurs en termes de couverture vaccinale qui se sont améliorés. On a utilisé différentes stratégies, notamment en stratégies fixes et en stratégies avancées, et même on a introduit des stratégies innovantes pour récupérer les enfants qui ont raté certaines doses », explique pour sa part Joseph Assumani, coordinateur du PEV dans le Sud-Kivu.

…et une multitude de partenaires

« Aujourd’hui le gouvernement central participe au financement des activités de vaccination. En dehors du gouvernement central, nous avons également les exécutifs provinciaux qui ont commencé à financer les activités de vaccination. Il y a également les partenaires qui apportent leur appui important à la mise en œuvre de ce plan », note le Dr Paul Lame.

Par ailleurs, il reconnait la détermination des acteurs de terrain et l’engagement de la communauté qui a permis l’atteinte de ces résultats.

« L’accent a été mis sur la dynamique communautaire. Donc il fallait responsabiliser les communautés dans l’organisation de la vaccination, et la communauté s’est engagée dans la sensibilisation de la population, l’identification des enfants à vacciner et même dans la récupération des enfants qui ont raté leurs doses ».

Vanessa Mimimisanga est l’une de ces agents communautaires. Chaque semaine, elle et son équipe passent d’une avenue à l’autre dans la ville de Mbandaka, dans le nord-ouest du pays, pour parler aux parents de la vaccination des enfants.

« Nous faisons la sensibilisation dans les médias, la sensibilisation de masse, les focus groupes et autres. Nous faisons également des plaidoyers auprès des différentes personnalités pour que chaque enfant jouisse de son droit à la vaccination. Nous avons mis en place un comité urbain des enfants qui sensibilise les parents à travers leurs différentes structures. Nous allons également dans les hôpitaux pour parler aux parents », explique-t-elle.

Lea Babone est quant à lui président de la société civile santé du Sud-Kivu. La vaccination des enfants est son cheval de bataille. « Nous travaillons avec les zones de santé où nous avons des cellules d’animation communautaire. Nous demandons à nos membres, s’ils constatent un enfant qui n’a pas reçu ses vaccins, de le conduire au centre de santé pour la vaccination. Nous avons déjà récupéré près de 400 enfants que nos membres ont amené vers la vaccination ».

Les difficultés posées par la pandémie

Malgré tous ces efforts, le Dr Paul Lame affirme que la pandémie de COVID-19 n’a pas rendu le travail facile.

« Nous avons fait des bons en avant entre 2019 et 2020. Mais en 2021, avec la peur que la pandémie de COVID-19 a créé, on a assisté à une réduction de l’utilisation des services de santé, y compris les services de vaccination. Il y a même certains endroits où, pendant plusieurs mois, on n’a pas pu vacciner les enfants ».

L’Unicef est un des principaux acteurs du Plan Mashako, qu’il appuie avec un focus sur douze provinces. Grant Leaity, son représentant en RDC, fait savoir que les résultats des premières années ont été encourageants malgré les obstacles.

« La survenue de la pandémie de COVID-19 combinée aux problèmes structurels du système de santé comme la chaine d’approvisionnement et la gestion des ressources humaines ont mis à mal ces résultats si chers et diminué la résilience de la population aux épidémies, notamment chez les enfants. L’Unicef travaille aux côtés des autres partenaires en RDC pour rattraper le lot des enfants non ou insuffisamment vaccinés depuis 2019 afin de réduire le nombre d’enfants zéro dose de 35% d’ici fin 2025. »


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