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Au Cameroun, la crise climatique aggrave l’épidémie de choléra

Le ministère de la Santé camerounais s'associe à l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour arrêter la propagation du choléra, qui a déjà fait plus de 100 morts et infecté près de 5.000 autres depuis la fin de l’année dernière.

  • 29 avril 2022
  • 7 min de lecture
  • par Nalova Akua
Des enfants du quartier de Bomaka à Buea, dans le sud-ouest du Cameroun, puisent de l'eau à une source. Crédit photo: Njodzeka Danhatu
Des enfants du quartier de Bomaka à Buea, dans le sud-ouest du Cameroun, puisent de l'eau à une source. Crédit photo: Njodzeka Danhatu
 

 

Impact de la crise climatique sur la santé

Luis Nkem Chapjong, 39 ans, vivant à Bomaka, un quartier de Buea, chef-lieu de la région du sud-ouest du Cameroun, ne s'était jamais imaginé propriétaire d’un forage. Mais lorsque la pénurie d'eau induite par le changement climatique a frappé sa communauté, il a changé d'avis. Dans un premier temps, il s’est fait construire un forage pour élever à la fois ses poulets et ses porcs. Puis la donne a changé avec la nouvelle épidémie de choléra dans son village. De nombreux villageois ont commencé à se presser à son domicile pour obtenir ce précieux liquide.

« J'ai deux robinets : l’un pour moi-même et l’autre pour répondre aux besoins de la communauté », a déclaré Nkem, par ailleurs vétérinaire. « La somme d’argent (500 FCFA par mois) que je demande aux villageois est symbolique. Elle me permet de payer la facture d'électricité », a-t-il précisé. « Les gens sont contents de l’existence de ce forage. Nous vivons désormais avec le choléra. Deux de mes voisins sont morts il y a quelques jours seulement à cause de cette maladie. »

« L'épidémie de choléra commence généralement pendant la saison sèche, ce qui implique a priori un problème de manque d’eau. Nous devons fournir de l'eau potable à la communauté. »

Des habitants du quartier de Bomaka à Buea, dans le sud-ouest du Cameroun, alignent des conteneurs pour aller chercher de l'eau au forage de Luis Nkem lorsque l'électricité sera rétablie. Crédit photo: Luis Nkem
Des habitants du quartier de Bomaka à Buea, dans le sud-ouest du Cameroun, alignent des conteneurs pour aller chercher de l'eau au forage de Luis Nkem lorsque l'électricité sera rétablie.
Crédit photo: Luis Nkem

Le Cameroun est aux prises avec l’épidémie de choléra depuis le 21 octobre 2021. Selon les derniers chiffres, plus de 100 personnes en sont mortes, et plus de 5.000 cas ont été recensés. Parmi les dix régions que compte le pays, cinq d’entre elles (Centre, Littoral, Nord, Sud et Sud-Ouest) ont signalé au moins un cas. La région du Sud-Ouest représente à elle seule près de la moitié du nombre total de décès et de cas de personnes malades.

« Le taux d'incidence augmente jour après jour », déclare le Dr Filbert Eko Eko, délégué à la Santé publique de la région du Sud-Ouest du Cameroun. « En plus d'être une région meurtrie par la crise anglophone, la région du Sud-Ouest est une région frontalière avec le Nigeria », a-t-il déclaré. Par conséquent, « il est difficile de contrôler les personnes qui sillonnent la frontière maritime. Cette zone enclavée rend difficile l'accès des populations aux kits sanitaires », explique-t-il.

« L'épidémie de choléra commence généralement pendant la saison sèche, ce qui implique a priori un problème de manque d’eau. Nous devons fournir de l'eau potable à la communauté. Nous devons également vérifier leurs conditions sanitaires, en particulier l'élimination des matières fécales ».

L'eau potable, toujours un luxe

Le forage de Nkem est un soulagement pour de nombreux villageois, qui jusque-là, dépendaient uniquement d'une petite source. Sous l’effet de la chaleur, liée aux changements climatiques, cette source a tari au point de s’assécher. Mais tous les habitants du quartier de monsieur Nkem n'ont pas les moyens de s’acquitter de la somme de 500 FCFA.

Des habitants de Buea, dans le sud-ouest du Cameroun, font la queue pour recevoir des vaccins contre le choléra. Crédit photo: Hope Nda
Des habitants de Buea, dans le sud-ouest du Cameroun, font la queue pour recevoir des vaccins contre le choléra.
Crédit photo: Hope Nda

« Le principal moyen d’approvisionnement reste la principale source d'eau, pour ceux qui n'ont pas les moyens de s’acheter de l'eau minérale ou l'eau en provenance du forage », dit-il.

Il révèle avoir dépensé la somme d’environ deux millions de FCFA pour construire son forage. Ce montant représente une fortune pour un village constitué d’une population majoritairement pauvre.

« Il n'y a pas de robinet public, encore moins un bassin versant », a déclaré Nkem. « La construction des maisons ne respecte pas le plan d’urbanisme – des toilettes et des cimetières sont érigés près de la seule source dont dépend la majeure partie de la population. La plupart de ceux qui disposent des moyens financiers suffisants ont eu recours à la construction de forages ».

Yaoundé, la capitale politique du Cameroun, n'est pas exempte de pénurie d'eau. « Nous peinons à avoir de l'eau. Je préfère encore faire face à l’obscurité qu’à la pénurie d’eau », avoue Prisca Dang, 48 ans. « On cherche des forages où l’on peut avoir de l’eau. Ensuite, il faut traiter cette eau avant de boire, parce qu’elle n’est pas potable. Il nous arrive aussi d’acheter de l'eau pour prendre un bain, ou faire chasse d’eau », ajoute cette habitante du quartier ‘Columbia’ à Yaoundé.

Face à l'épidémie de choléra qui fait des ravages, Prisca Dang se dit obligée de « respecter autant que possible des mesures d'hygiène » pour se prémunir de la maladie.

« La prévention du choléra passe d'abord et surtout par nos actions individuelles et collectives, dont la principale est l'observance de mesures d'hygiène que nous connaissons bien. »

Les spécialistes du climat insistent sur le fait que la situation n'est pas sans lien avec la crise climatique. « Le changement climatique a modifié le cycle hydrologique, ce qui a entraîné une modification des modèles de précipitations », selon Pascal Njah Sah, professeur de géographie dans un lycée au Cameroun. « La plupart des régions du Cameroun connaissent des phénomènes météorologiques extrêmes tels que de fortes pluies ou des sécheresses prolongées », explique-t-il.

« Une modification du bilan énergétique des systèmes terre/océan/atmosphère/biosphère peut entraîner un changement des conditions climatiques. Le changement peut entraîner des conditions plus humides ou plus sèches. Les conditions humides augmentent le risque d'inondation, tandis que les conditions sèches provoquent des sécheresses et une désertification entraînant une pénurie d'eau », dit le professeur.

Réponse ciblée et synchronisée

Suite à l'épidémie de choléra, le ministère de la Santé publique du Cameroun a immédiatement mis en place une équipe multidisciplinaire pour contenir l'épidémie. Entre autres, l'équipe a effectué la prise en charge gratuite des cas, la sensibilisation, la désinfection des ménages et des communautés, la purification de l'eau. De plus, le système de surveillance a été mis en alerte.

« Nous avons pris un train d'actions, pour prévenir et combattre le choléra, faire baisser la mortalité et protéger les populations ainsi que le personnel de santé, contre cette maladie », a déclaré le ministre de la Santé publique, le Dr Malachie Manaouda. « Les efforts consentis ont permis jusqu'ici de contenir la progression de l'épidémie, en dépit des contraintes en amont, liées à la qualité de l'hygiène de vie et à l'accès limité à l'eau potable et à l’assainissement », a-t-il déclaré.

Le Dr Manaouda note également que « la tendance générale montre une augmentation annuelle du nombre de cas avec un taux de létalité qui dépasse largement le taux cible recommandé par l’OMS fixé à moins d’1% ».

Gavi a commencé à financer le stock mondial de vaccins contre le choléra en 2013. Depuis le lancement du stock, des millions de doses chaque année ont aidé à lutter contre les épidémies à travers le monde.

« La prévention du choléra passe d'abord et surtout par nos actions individuelles et collectives, dont la principale est l'observance de mesures d'hygiène que nous connaissons bien, notamment : le lavage des mains avec de l'eau courante propre et du savon ; la consommation d'une eau potable ; la prescription d’aliments à l'aide de solutions stérilisées, et leur bonne cuisson bien entendu ».

Deux campagnes de vaccination réactives ont déjà été organisées en 2022 au Cameroun : la première s’est tenue du 18 au 22 février, et la seconde, du 8 au 12 avril. Parmi les partenaires soutenant les efforts du gouvernement pour lutter contre le choléra, figurent l’OMS. Elle a déployé une équipe d'experts en charge de la coordination et de la gestion des incidents en épidémiologie, en contrôle des infections, en communication des risques et en engagement communautaire. « Cela a permis de réduire le taux de létalité de plus de 5% à moins de 3% », selon le Dr Jean de Dieu Iragena, responsable des incidents de choléra, Bureau de l'OMS au Cameroun.

« L'OMS a fait don de 3 bateaux à grande vitesse, y compris le package nécessaire et opérationnel (pour environ 80.000 USD) pour faciliter le transport de l'équipe médicale, des fournitures médicales et des patients vers des zones éloignées inaccessibles de la région du Sud-Ouest», a-t-il déclaré. « L'OMS a aidé le Cameroun à obtenir 2 millions de doses de vaccin oral contre le choléra (VCO). L'OMS continue d'aider le pays à mettre fin à cette épidémie et à élaborer un plan d'élimination du choléra d'ici 2030 ».

Gavi a commencé à financer le stock mondial de vaccins contre le choléra en 2013. Depuis le lancement du stock, des millions de doses chaque année ont aidé à lutter contre les épidémies à travers le monde. Rien qu'en 2021, le stock a fourni 29 millions de doses pour une utilisation d'urgence et préventive dans le monde entier.