Yaoundé sous l'emprise du choléra : Une course contre la montre pour endiguer l'épidémie

Face à la recrudescence des cas de choléra dans la capitale politique du Cameroun, le ministère de la Santé publique, avec l’appui de ses partenaires, organise la réponse autour du système de gestion de l’incident des régions.

  • 5 juin 2023
  • 6 min de lecture
  • par Nalova Akua
Les travailleurs de la commune de Yaoundé VI se sont lancés dans une campagne massive de désinfection des différents marchés locaux pour lutter contre le choléra. Crédit : Sandrine Moma
Les travailleurs de la commune de Yaoundé VI se sont lancés dans une campagne massive de désinfection des différents marchés locaux pour lutter contre le choléra. Crédit : Sandrine Moma
 

 

Pénurie d'eau potable : un défi quotidien pour les habitants de Yaoundé

Se lever tous les jours à 6 heures du matin ou avant était impensable pour le footballeur local Verdzekai Huseni, jusqu'à il y a trois ans, lorsqu'il a quitté la région du Nord-Ouest du Cameroun pour la capitale régionale du Centre, Yaoundé, située à environ 400 km de là. C'est à ce moment-là qu'il a commencé ses premières corvées quotidiennes : se bousculer avec d'autres habitants aux de son quartier d'Etoug-Ebe pour puiser de l'eau à un forage voisin. La demande pour ce précieux liquide n'a jamais été aussi élevée dans une ville aux prises avec une recrudescence du choléra.

« Parfois, on est obligé d'attendre plus d'une heure dans la file d'attente avant de puiser de l'eau. Aujourd'hui, je suis arrivé tôt », a déclaré Huseni, 21 ans. « C'est la seule source d'eau que nous ayons ici. J'utilise l'eau pour laver mes vêtements, pour boire et pour cuisiner ». Huseni fait généralement trois allers-retours par jour.

Choléra Cameroun
Les habitants du quartier Etoug-Ebe à Yaoundé font la queue pour puiser de l'eau gratuite d'un forage.
Crédit : Nalova Akua

Alors qu'il s'en va, une autre visiteuse, Bridget Kongso, 23 ans, s'approche rapidement pour puiser la sienne - heureuse de faire partie des premières lève-tôt ce matin de mai. « Parfois, on doit attendre longtemps dans la file d'attente et au moment où c'est notre tour, le robinet cesse de couler. Ensuite, on est obligé de repartir sans emporter d'eau. Dans de telles situations, nous avons souvent recours à l'eau de pluie pour faire la lessive, par exemple », explique la mère qui allaite. « Nous ne traitons pas l'eau du forage avant de la boire. Nous en buvons depuis si longtemps maintenant ».

Le Cameroun ne dispose que des "reliquats" de doses de vaccin contre le choléra en raison de la pénurie mondiale. Le pays est en train d'élaborer une nouvelle demande pour pouvoir répondre efficacement à cette flambée qui doit être rapidement maîtrisée.

La région du Centre, siège des institutions politiques du Cameroun, détient actuellement un triste record en tant que région avec le plus grand nombre de cas et de décès liés au choléra, selon le dernier rapport sur le choléra publié début mai. Mesures d'urgence : mobilisation du ministère de la Santé pour contrôler l'épidémie Sur les 512 nouveaux cas et 17 décès enregistrés au 15 mai 2023, la région comptait à elle seule 501 cas et 14 décès. Plus inquiétant encore, des cas ont été détectés à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé. Trois autres régions - l'Est, le Littoral et l'Ouest - ont également signalé des cas actifs lors de cette dernière épidémie de choléra. Plus de 17 000 cas ont été notifiés au Cameroun depuis le début de l'épidémie en octobre 2021. À ce jour, près de 400 personnes en sont décédées, soit un taux de létalité de 2,25 %.

Face à cette recrudescence des cas de choléra, le ministère de la Santé Publique du Cameroun, avec l'aide de ses partenaires au développement, a activé le système de gestion de l'incident pour l'épidémie de choléra au niveau central ainsi que dans les régions en accalmie. Les équipes de la délégation régionale de la santé publique du Centre sont à pied d'œuvre pour endiguer cette épidémie et, surtout, pour éviter sa propagation vers d'autres régions, a déclaré le Dr Malachie Manaouda, ministre de la Santé Publique.

« La prise en charge gratuite des cas, la sensibilisation, la désinfection des ménages et des communautés sont en cours ; des kits de potabilisation de l'eau ont été mis à disposition des communautés touchées, et le système de surveillance a été mis en alerte », a-t-il révélé.

« Compte tenu de la situation à risque actuelle, le ministre de la Santé Publique assure que des mesures préventives et curatives nécessaires continueront d'être prises dans le but de protéger les populations, ainsi que le personnel médical qui est davantage exposé, étant donné que nous sommes toujours en contexte de COVID-19 ».

Protéger la population : des mesures préventives et curatives indispensables face à la menace du choléra

Le choléra est une infection intestinale aiguë causée par l'ingestion d'eau ou d'aliments contaminés par le bacille Vibrio cholerae, qui est hautement contagieux et mortel. Les experts de la santé au Cameroun attribuent la résurgence actuelle à trois principaux facteurs : le faible approvisionnement en eau potable dans certaines communautés, l'insalubrité dans les métropoles camerounaises et enfin l'arrivée de la saison des pluies qui favorise la propagation du virus du choléra à travers les communes et les régions.

« Pour réduire les risques de contracter le choléra, il est essentiel de respecter les mesures d'hygiène : se laver les mains avant les repas et après être allé aux toilettes, consommer de l'eau potable, consommer des aliments chauds, bien laver les fruits avant de les consommer, et en cas de suspicion de choléra, il faut se rendre à l'établissement de santé le plus proche tout en s'assurant d'être réhydraté », recommande la Dr Linda Esso, sous-directrice de la lutte contre les épidémies et gestionnaire de l'incident pour le choléra au Ministère de la Santé.

Dr Linda Esso
La Dr Linda Esso, sous-directrice de la lutte contre les épidémies et gestionnaire de l’incident pour le choléra au ministère de la Santé.
Crédit : Linda Esso

La Dr Esso déclare également que plusieurs interventions sont en cours dans la région du Centre, notamment des investigations autour des cas, un renforcement de la surveillance, des actions de sensibilisation, des désinfections des communautés et des ménages touchés par la maladie, la mise en place d'unités et centres de traitement du choléra, et la prise en charge gratuite des cas. « Un système de régulation médicale a également été mis en place pour limiter les déplacements des malades à la recherche d'établissements de santé pouvant les prendre en charge, afin de réduire le taux de mortalité lié à la maladie et à une prise en charge tardive », ajoute-t-elle.

Une désinfection des marchés a été réalisée pour limiter la propagation de l'épidémie. Le 19 mai, les travailleurs de la commune de Yaoundé VI, dirigés par leur maire, Yoki Onana Jacques, ont lancé une vaste campagne de désinfection des différents marchés de la commune. Cette campagne vise principalement à rappeler aux commerçants de respecter un certain nombre de règles d'hygiène.

« Étant donné que c'est un environnement de vie avec des restaurants établis un peu partout, nous conseillons aux gens de se laver régulièrement les mains, de bien laver les aliments avant de les consommer, mais surtout de nettoyer les toilettes des marchés », a déclaré le maire Yoki Onana.

Vaccination limitée : le Cameroun face à la pénurie mondiale de vaccins contre le choléra

Depuis le début de l'épidémie en 2021, plusieurs campagnes réactives ont été menées dans les districts de santé les plus touchés du pays. « Cela va se poursuivre dans le cadre de cette nouvelle flambée », annonce le Dr Esso.

« Nous avons déjà vacciné l'ensemble des détenus et du personnel pénitentiaire de la Prison Centrale de Kondengui qui a connu une flambée la semaine dernière ».

Cependant, elle déplore le fait que le Cameroun ne dispose que des "reliquats" de doses de vaccin contre le choléra en raison de la pénurie mondiale. Le pays est en train d'élaborer une nouvelle demande pour pouvoir répondre efficacement à cette flambée qui doit être rapidement maîtrisée compte tenu du nombre croissant de cas et du potentiel de propagation, explique le Dr Esso.

« Cette épidémie est en train de se réveiller dans la région du Centre et se propage rapidement dans les régions de l'Ouest, de l'Est et du Sud. Les régions qui étaient en accalmie risquent de connaître une résurgence des cas », prévient-elle.


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