Ma vie sous le signe du paludisme : une vie d’espoir

Au Ghana où le paludisme est endémique, Ernest a dû se battre pendant toute son enfance pour survivre à l'infection, ce qui lui a laissé des souvenirs traumatisants qu'il a encore du mal à évoquer. Ernest travaille aujourd'hui chez Gavi ; il explique comment le lancement du premier vaccin antipaludique au Ghana lui a redonné espoir quant à la santé et la prospérité de la nouvelle génération, à condition que les financements suivent.

  • 10 octobre 2023
  • 5 min de lecture
  • par Ernest Aboagye
Lancement de la vaccination pilote contre le paludisme au Ghana. Crédit : OMS/Fanjan Combrink
Lancement de la vaccination pilote contre le paludisme au Ghana. Crédit : OMS/Fanjan Combrink
 

 

Avant mes 16 ans, j'avais déjà eu au moins 30 crises de paludisme.

Chaque fois que mon frère et moi tombions malades, c'était un problème - à la fois psychologique et financier - pour mes parents, d’autant plus que nous avions souvent des crises de paludisme. Je me souviens de la campagne nationale de promotion des spirales anti-moustiques pour tenter de lutter contre ce fléau national.

La maladie était tellement répandue au sein de ma communauté que le fait d’avoir un accès de paludisme n'était pas une excuse pour manquer l’école. Mes professeurs affirmaient : « Ça arrive à tout le monde, c'est normal », et tant qu’on pouvait encore marcher et manger, on était censé aller à l'école.

La maladie était tellement répandue au sein de ma communauté que le fait d’avoir un accès de paludisme n'était pas une excuse pour manquer l’école. Mes professeurs affirmaient : « Ça arrive à tout le monde, c'est normal », et tant qu’on pouvait encore marcher et manger, on était censé aller à l'école, quels que soient les autres symptômes.

À la maison, c'était une véritable lutte contre la mort chaque fois que j'étais malade mais, avec mes amis, nous avions assez d'humour pour en rire ; chacun comptait combien de crises il avait eu et combien de temps il lui avait fallu pour se rétablir – et on se moquait de ceux qui mettaient plus de temps.

Ce ne sont pas les meilleurs souvenirs de mon enfance, ni des moments que j'aime évoquer, mais ils ont été ravivés par la découverte révolutionnaire d’un vaccin contre le paludisme. En octobre de l'année dernière, j'ai lu le communiqué de presse de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommandant l'utilisation à grande échelle du vaccin antipaludique RTS,S/AS01 (RTS,S) pour les enfants d'Afrique subsaharienne, et j'ai immédiatement transmis la nouvelle à mes amis et à ma famille.

J'espère que cette avancée historique pourra effacer certains des traumatismes de mon enfance dus au paludisme. Je suis heureux de voir qu'il existe désormais un vaccin susceptible de réduire la prévalence de cette maladie qui frappe tout spécialement les ménages et les communautés les moins riches.

La pauvreté et les conditions climatiques constituent les principaux facteurs de propagation du paludisme en Afrique subsaharienne (ASS). La pauvreté est à la fois source et conséquence de la maladie. Le paludisme se développe dans les zones où les conditions de vie précaires favorisent la reproduction des moustiques, ainsi que chez les sujets à faible niveau socio-économique qui ont difficilement accès à des soins de santé de qualité.1

Cette avancée historique pourra effacer certains des traumatismes de mon enfance dus au paludisme. Je suis heureux qu'il existe maintenant un vaccin susceptible d’aider à réduire la prévalence de cette maladie.

De nombreuses maladies à transmission vectorielle ont été surnommées "maladies de la pauvreté" en raison de leur forte association avec les communautés socialement vulnérables. Les recherches montrent en outre que le statut socio-économique des familles a un impact important sur le nombre d'enfants hospitalisés pour paludisme : la probabilité de développer le paludisme est significativement plus élevée chez les enfants issus de foyers défavorisé que chez les enfants issus de foyers d’un niveau économique élevé.

Le climat de l'Afrique subsaharienne (températures élevées et précipitations abondantes) est propice à la reproduction et à la propagation de la femelle du moustique anophèle, et à la transmission saisonnière et endémique du paludisme. Les moustiques sont immunisés contre les pyréthrinoïdes utilisés dans les moustiquaires imprégnées d'insecticide et résistants aux médicaments antipaludiques, ce qui complique la lutte contre la maladie dans la région de l'Afrique subsaharienne.

Résultat ? Plus de 260 000 enfants africains de moins de cinq ans meurent chaque année du paludisme. Le rapport 2021 sur le paludisme dans le monde indique que, dans les pays où la maladie est la plus répandue, les efforts de lutte ont ralenti ou stagné ces dernières années.

Mais on progresse néanmoins : les résultats obtenus avec le vaccin Mosquirix de GSK, dans le cadre du programme de vaccination pilote mené au Ghana, au Malawi et au Kenya, ont incité l’OMS à préconiser son utilisation à grande échelle chez les enfants d'Afrique subsaharienne et dans d'autres régions. Ma génération n'a pas eu accès au vaccin, mais le programme pilote qui se poursuit a déjà touché plus d'un million d'enfants.

Mais l'introduction du vaccin ne signifie pas forcément qu’il est accessible. C'est pourquoi Gavi a consenti un investissement initial de 155,7 millions de dollars pour le lancement du programme de vaccination sur la période 2022-2025. Comme l'a souligné le Dr Seth Berkley, Directeur exécutif de Gavi, l'Alliance du Vaccin (jusqu'en août 2023), « Le vaccin est un nouvel outil de lutte contre le paludisme en Afrique, qui vient s’ajouter aux autres interventions telles que l'utilisation systématique de moustiquaires imprégnées d'insecticide, la pulvérisation d'insecticides à l'intérieur des habitations, la chimioprévention, ainsi que le dépistage et le traitement ».

Il convient de continuer à financer l'innovation et ses applications dans le domaine de la recherche sur le paludisme, et à investir dans les stratégies de lutte contre la maladie. Ainsi, le montant des investissements en R&D sur le paludisme devrait s’élever à 851 millions de dollars US par an pour la période 2021-2030. Par ailleurs, l'OMS et ses partenaires accueillent favorablement les nouvelles méthodes et techniques applicables à lutte antivectorielle contre le paludisme, au développement de nouveaux médicaments antipaludiques et de remèdes à la résistance aux médicaments.

Je suis heureux d’avoir pu résister à tous ces accès de paludisme, et je tiens à exprimer ma gratitude pour la mise au point du vaccin. Le paludisme est une maladie meurtrière mais curable, dont l’éradication nécessite la coopération de nombreux secteurs. Il convient de saluer la collaboration de l'OMS avec Gavi, l'Alliance du Vaccin et divers autres partenaires pour fournir le vaccin antipaludique dans le but de réduire la morbidité et la mortalité dues à cette maladie. Cette initiative va permettre d’éviter des dizaines de milliers d’accès palustres et de décès et de rendre le sourire aux populations.

Alors que la pandémie et les conflits en cours ont eu un impact considérable sur la couverture vaccinale mondiale, il faut absolument continuer à soutenir les programmes pour regagner le terrain perdu et préserver des vies.


1. Gallup JL, Sachs JD. The economic burden of malaria. In: The intolerable burden of malaria: a new look at the numbers: Supplement to Volume 64(1) of the American Journal of Tropical Medicine and Hygiene. 2001. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK2624/