Le Soudan du Sud déploie un vaccin oral contre le choléra

« On ne veut plus jamais attraper le choléra » affirment les habitants des zones les plus à risque, alors que l'utilisation du vaccin oral contre le choléra monte en flèche.

  • 14 juin 2024
  • 5 min de lecture
  • par Winnie Cirino
Awerial : Vaccination d’une petite fille contre le choléra. Crédit : Winnie Cirino
Awerial : Vaccination d’une petite fille contre le choléra. Crédit : Winnie Cirino
 

 

Le Soudan du Sud, qui a souffert d'épidémies de choléra à répétition, a pris des mesures proactives pour lutter contre cette maladie mortelle. Au lieu d’attendre que les épidémies éclatent pour essayer de les contenir par des campagnes de vaccination réactives, le pays se concentre sur la vaccination préventive dans les zones vulnérables.

« Nombreux sont ceux qui, au sein de la communauté, savent que le choléra est une maladie très dangereuse. Nos mobilisateurs communautaires ont pu sensibiliser la population, ce qui a entraîné une forte demande de vaccin ».

– Christian Bester, Samaritan’s Purse Soudan du Sud

En avril 2022, Samaritan's Purse, une des organisations qui s’occupent de la distribution des vaccins dans le pays, a lancé une campagne de vaccination orale contre le choléra (VOC) dans les comtés de Yirol East et d'Awerial (État des Lacs), à la suite de l’épidémie de cette maladie bactérienne à propagation rapide qui avait éclaté l’année précédente à Bentiu, capitale de l'État d'Unité.

Christian Bester, directeur national de Samaritan's Purse, explique que Yirol East et Awerial Two figuraient parmi les 20 ‘‘comtés à risque’’ identifiés par le ministère de la Santé. « La décision d'agir de manière proactive pour prévenir les épidémies dans ces deux comtés a été prise conjointement avec le groupe sectoriel Santé, le ministère national de la Santé et l'Organisation mondiale de la Santé ».

« Yirol et Awerial étant situés sur les bords du Nil, il y a beaucoup de marécages, surtout dans le comté d'Awerial. Et comme choléra se transmet par l'eau, ces étendues d'eau à ciel ouvert favorisent l’émergence d’épidémies », explique Christian Bester.

A vaccinator displays doses of OCV. Credit: Winnie Cirino
Un vaccinateur montre des doses de vaccin oral contre le choléra. 
Crédit : Winnie Cirino

Les épidémies de choléra sont de plus en plus fréquentes dans le monde. En 2021 et 2022, dix millions de vaccins de plus que sur l'ensemble de la décennie précédente ont été administrés pour lutter contre les épidémies. Pour répondre à cette demande croissante, Gavi a récemment publié un plan durable d’approvisionnement renforcé pour les vaccins anticholériques. Ces dernières années, le nombre de doses disponibles a permis d’assurer les interventions d'urgence, mais l'objectif est de créer des stocks suffisants pour mener, d'ici 2026, des campagnes de vaccination préventive à grande échelle dans les pays vulnérables, du type de celle qui est déjà en cours au Soudan du Sud.

A vaccinator giving Mawun Aboi the cholera vaccine. Credit: Winnie Cirino
Vaccinateur administrant le vaccin contre le choléra à Mawun Aboi.
Crédit : Winnie Cirino

« Je sais comment on se sent quand on a le choléra. Je ne veux plus jamais l’attraper. J'ai également vacciné toute ma famille et je demande à tout le monde de se faire vacciner avant que la bactérie ne se propage ».

– Mawun Aboi, vacciné dans le comté d'Awerial

Au cours de la campagne de l'année dernière, Samaritan's Purse a vacciné 104 161 adultes dans le comté d'Awerial, soit 89 % de l'objectif fixé pour cette région. L'ONG a constaté une forte demande. Selon Christian Bester, la population était très consciente de l’intérêt du vaccin, en raison des épidémies survenues précédemment dans la région. « Nombreux sont ceux qui, au sein de la communauté, savent que le choléra est une maladie très dangereuse. Nos mobilisateurs communautaires ont pu sensibiliser la population, ce qui a entraîné une forte demande de vaccin ».

J’ai rencontré Mawun Aboi (45 ans) dans le comté d'Awerial à la fin de l'année 2022, au moment où il recevait le vaccin. Il avait déjà eu le choléra en 2017.

« Je sais comment on se sent quand on a le choléra. Je ne veux plus jamais l’attraper. J'ai également vacciné toute ma famille et je demande à tout le monde de se faire vacciner avant que la bactérie ne se propage ».

Une jeune femme de 25 ans, Ngong Kur, a reçu son vaccin au même endroit. Elle a trouvé que le vaccin avait mauvais goût, mais ça ne l’a pas rebutée.

Ngong Kur takes the cholera vaccine. Credit: Winnie Cirino
Ngong Kur reçoit le vaccin contre le choléra.
Crédit : Winnie Cirino

« Le médicament a un goût bizarre, mais je le prends pour rester en bonne santé et vivre plus longtemps » confie-t-elle.

Les vaccinateurs comme Ngong Tabany vont de porte en porte pour vacciner les habitants. Au quatrième jour de cette campagne, il avait déjà administré, avec ses collègues, près de 1 500 vaccins dans le comté d'Awerial.

« Comme nos concitoyens ont vu l’hécatombe causée par le choléra, le taux de participation à la vaccination est élevé » précise-t-il. « Il n'y a pas de cas de choléra ici [pur l’instant], mais on se vaccine pour prévenir les épidémies ».

Il y en a qui refusent de se faire vacciner à cause du goût et de l'odeur, mais Tabany explique que les vaccinateurs travaillent dur pour les convaincre.

« Le médicament a un goût bizarre, mais je le prends pour rester en bonne santé et vivre plus longtemps ».

– Ngong Kur, vaccinée dans le comté d’Awerial

« Il y en a qui ne veulent pas le vaccin parce qu’il ne sent pas bon. Mais on continue à leur dire de se vacciner parce qu’on est dans une zone très vulnérable, car entourée d’eau stagnante. »

La vaccination préventive permet de réduire les risques. Mais il arrive que des épidémies surgissent encore et alors il faut mener des campagnes de vaccination réactives pour éviter qu'elles ne se transforment en larges épidémies. En mars 2023, le ministère de la Santé et l'Organisation mondiale de la Santé ont signalé une nouvelle épidémie de choléra à Malakal, capitale de l'État du Nil Supérieur, et sur le site de protection des civils de la ville.

« Comme nos concitoyens ont vu l’hécatombe causée par le choléra, le taux de participation à la vaccination est élevé » précise-t-il. « Il n'y a pas de cas de choléra ici [pour l’instant], mais on se vaccine pour prévenir les épidémies ».

– Ngong Tabany, vaccinateur

« Il y a actuellement 1 053 cas recensés et nous déplorons deux décès. Mais depuis trois jours, il n’y a pas eu de nouveaux cas. C'est grâce au vaccin » a déclaré Monsieur Buyini Ernest, ministre de la Santé de l'État du Haut-Nil, en précisant que 65 000 personnes ont déjà été vaccinées sur 70 000 prévues par son ministère.

Monsieur Buyini Ernest confirme que l’on peut encore se faire vacciner dans les centres de santé de la ville de Malakal et conseille à ceux qui ne l’ont pas encore fait de s’y rendre sans tarder.