Malawi : des enseignants mobilisés pour renforcer la vaccination contre le VPH

La stratégie du gouvernement consistant à former les enseignants pour expliquer la science aux parents inquiets ou mal informés porte ses fruits, comme l’a constaté Ashley Simango.

  • 4 février 2025
  • 5 min de lecture
  • par Ashley Simango
Des enfants jouent au netball sous un baobab, sur les rives du lac Malawi, près d’un centre de vaccination. Crédit : Gavi/2017/Karel Prinsloo
Des enfants jouent au netball sous un baobab, sur les rives du lac Malawi, près d’un centre de vaccination. Crédit : Gavi/2017/Karel Prinsloo
 

 

Lorsque le Malawi a introduit en 2019 le vaccin contre le papillomavirus humain (VPH), qui prévient le cancer du col de l’utérus et cible les jeunes filles âgées de 9 à 14 ans, Chipo Kulomba, habitante de Blantyre, faisait partie des nombreuses personnes initialement hésitantes à faire vacciner leurs filles.

Des guérisseurs traditionnels mal informés avaient mis en garde les mères contre le vaccin, se souvient Kulomba. « [Mais] lorsque nos enseignants ont été formés pour nous expliquer ses bienfaits en chichewa, nous avons rapidement inscrit nos filles », raconte-t-elle.

D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Malawi affichait en 2020 un taux de couverture vaccinale contre le VPH de 81 % parmi les filles éligibles.

Des progrès rapides

Ces avancées impressionnantes sont en grande partie dues à la décision du ministère de la Santé d’introduire le vaccin via les écoles en 2019, explique Silas Phiri, responsable des campagnes de santé au ministère malawien de la Santé.

Non seulement les écoles serviraient de centres de vaccination, mais les enseignants et directeurs ont été identifiés comme des figures de confiance au sein de la communauté, formés pour comprendre la science et devenir des défenseurs du vaccin. « Notre choix de travailler avec eux était intentionnel », précise Phiri.

Dès 2019, le ministère de la Santé a organisé des ateliers avec les enseignants pour leur expliquer les bases scientifiques du vaccin, écouter les craintes des communautés et faire d’eux des porte-paroles bien informés du VPH, capables d’expliquer avec précision les bienfaits du vaccin dans les langues locales, ajoute-t-il.

« Ma fille et ses camarades d’école devaient recevoir le vaccin contre le VPHà l’hôpital du district de Ntcheu. Mais nos maisons ont été emportées par les eaux, et nous avons fini comme réfugiés à 160 km de là, à Lilongwe. »

- Chifundo Molo, mère de trois enfants, Ntcheu

Les catastrophes frappent

L’enjeu est immense. Chaque année, environ 4 145 femmes malawiennes sont diagnostiquées avec un cancer du col de l’utérus, et 2 905 d’entre elles en meurent. Ces chiffres pourraient être largement sous-estimés.

Alors que la couverture vaccinale contre le VPH progressait vers l’objectif gouvernemental de 90 %, plusieurs catastrophes ont tout bouleversé.

Le premier coup dur fut la pandémie de COVID-19. « Les écoles ont fermé, les cliniques publiques ont imposé des restrictions, et je me souviens que la campagne de vaccination contre le VPH n’était plus une priorité pendant un moment », raconte Kulomba.

Les données de suivi de l’OMS montrent une chute brutale du taux de vaccination contre le VPH au Malawi : de 81 % en 2020 à seulement 13 % en 2021 et 2022.

Puis sont survenues des catastrophes naturelles liées au climat, accompagnées des flambées de maladies infectieuses qui en résultent.

Alors que le Malawi tentait de relancer sa campagne de vaccination après la pandémie, le cyclone Freddy a ravagé le pays.

Alimentées par les eaux de l’océan Indien en réchauffement, des inondations et des glissements de terrain ont frappé les régions sud et centrale, tuant 1 200 personnes et déplaçant un demi-million d’habitants en mars 2023.

D’après l’observatoire climatique CMCC de l’Union européenne, Freddy est devenu le plus long cyclone tropical jamais enregistré. En détruisant les infrastructures sanitaires et en réduisant l’accès à l’eau potable, la tempête a déclenché une vague d’épidémies de choléra, qui continue d’affecter le Malawi aujourd’hui.

« Ma fille et ses camarades d’école devaient recevoir le vaccin contre le VPHà l’hôpital du district de Ntcheu. Mais nos maisons ont été emportées par les eaux, et nous avons fini comme réfugiés à 160 km de là, à Lilongwe », témoigne Chifundo Molo, une mère de trois enfants originaire du district central de Ntcheu.

« Je suis enseignante, et j’ai été la première à faire vacciner ma fille dans notre communauté. »

- Eliza Dube, directrice adjointe du lycée de Ntcheu

Reconstruire

Cependant, lorsque les écoles ont retrouvé une certaine stabilité après la pandémie et que les tempêtes climatiques se sont atténuées, la campagne de vaccination contre le VPH a pu reprendre de l’ampleur.

La reprise a été « rapide et encourageante », affirme Silas Phiri. À travers tout le pays, le Ministère de la Santé du Malawi a repris sa collaboration avec les enseignants et les directeurs d’école afin d’impliquer les parents à travers des réunions de concertation avec les professeurs.

« Je suis enseignante, et j’ai été la première à faire vacciner ma fille dans notre communauté », témoigne Eliza Dube, directrice adjointe du lycée de Ntcheu et responsable de l’église Apostolic Faith Mission dans le district de Ntcheu.

Après avoir été formée par le ministère de la Santé, elle a choisi, avec sa fille, de montrer l’exemple aux autres habitants de sa communauté.

« Sept mères de mon église, qui hésitaient encore à faire vacciner leurs filles, ont rapidement changé d’avis en me voyant inscrire la mienne en premier. »

En plus de l’aspect social, les écoles offrent aussi des avantages logistiques majeurs pour la vaccination contre le VPH, comme c’est le cas dans de nombreux pays.

« À l’école, on peut vacciner 300 enfants en une journée », souligne Dube. « Les enfants viennent à l’école tous les jours. Mais ils ne vont pas à l’hôpital tous les jours. »

La relance de la vaccination porte déjà ses fruits. Selon l’OMS, la couverture vaccinale au Malawi est remontée à 68 % en 2023. Une progression spectaculaire par rapport aux 13 % enregistrés l’année précédente.

« C’est tellement beau à voir », se réjouit Phiri. Selon lui, sans le cyclone et l’épidémie de choléra, le taux de couverture aurait déjà atteint 83 % ou plus.

« Sept mères de mon église, qui hésitaient encore à faire vacciner leurs filles, ont rapidement changé d’avis en me voyant inscrire la mienne en premier. »

- Eliza Dube, directrice adjointe du lycée de Ntcheu

De nouveaux alliés

Mais comme dans de nombreux autres pays, le Malawi reste vulnérable à la désinformation. Lorsqu’ils sont confrontés à des décisions de santé, de nombreux Malawites se tournent d’abord vers les guérisseurs traditionnels, explique Silas Phiri. Ces guérisseurs, qui exercent une influence considérable sur la vie quotidienne au Malawi, s’appuient souvent sur des informations non scientifiques, voire fausses.

Une étude transversale menée en 2021 sur l’hésitation vaccinale au Malawi a révélé que, pour le vaccin contre le VPH, les rumeurs, le manque de confiance dans le gouvernement, le niveau d’éducation et l’approbation des maris pour vacciner leurs filles jouaient un rôle majeur.

Afin de contrer une source majeure de rumeurs, le ministère de la Santé a décidé d’impliquer de nouveaux alliés dans sa campagne pour atteindre 90 % de couverture vaccinale. Désormais, les guérisseurs traditionnels et les pasteurs sont invités aux ateliers de sensibilisation sur le VPH, aux côtés des enseignants. L’objectif est de réunir ces figures influentes de la société malawite afin qu’ils relaient un message cohérent et fiable, explique Phiri.

« Nous sommes ravis de cette initiative. En tant que parents, nous entendons désormais un message unique sur le VPH et le cancer du col de l’utérus, transmis par nos enseignants, prophètes et guérisseurs, dans notre langue locale, le chichewa. Ce n’est plus seulement les professionnels de santé qui nous donnent des leçons d’en haut », dis Chipo Kulomba.