Calculer l’avenir : comment Gavi estime le nombre de vies sauvées par les vaccins
Gavi a permis de prévenir 18,8 millions de décès depuis 2000 – voici comment l’Alliance arrive à ce chiffre.
- 24 mars 2025
- 3 min de lecture
- par Priya Joi

Au Nigeria, un père inquiet, Fortunate Okoro, a réussi à faire vacciner son fils contre la rougeole grâce à une vaste campagne de rattrapage. Au Malawi, Beatrice Chirwa a pu faire vacciner sa fille contre le choléra. Au Cameroun, Patrick Koulagna s’est empressé de protéger son enfant contre la fièvre jaune dès qu’il a appris le lancement d’une campagne de vaccination.
Ce ne sont là que trois exemples parmi le milliard d’enfants protégés par les vaccins fournis par Gavi depuis l’an 2000. Cet impact colossal aurait permis de prévenir pas moins de 18,8 millions de décès dus à des maladies évitables. Mais qui produit ces estimations, et comment sont-elles calculées ?
Modéliser l’impact
L’estimation des 18,8 millions de décès évités, explique Tewodaj Mengistu, responsable principale de programme au sein de l’équipe « Mesure, évaluation et apprentissage » de Gavi, est réalisée avec rigueur par le Vaccine Impact Modelling Consortium (VIMC).
« En termes généraux, l’impact des vaccins est calculé en projetant ce à quoi ressemblerait un monde sans vaccination – en matière de maladies –, puis en le comparant avec la charge réelle de morbidité. La différence observée représente l’impact sanitaire de la vaccination », précise Katy Gaythorpe, chercheuse à l’École de santé publique de l’Imperial College de Londres et responsable scientifique du VIMC.
Les chiffres de Gavi se concentrent sur 12 antigènes administrés dans 78 pays à revenu faible : choléra, hépatite B, Haemophilus influenzae de type b (Hib), papillomavirus humain (HPV), encéphalite japonaise, rougeole, méningite à méningocoque A (MenA), pneumocoque (PCV), rotavirus, rubéole, typhoïde et fièvre jaune.
Pour chaque maladie, deux à trois modèles au minimum sont utilisés pour mesurer l’impact de la vaccination, puis les résultats sont moyennés. Ces modèles sont mis à jour tous les 2 à 5 ans pour intégrer les dernières connaissances épidémiologiques.
Le VIMC utilise une méthodologie rigoureuse, basée sur des données standardisées – telles que les estimations démographiques de l’ONU, ou les taux de couverture vaccinale de l’OMS et de l’UNICEF – pour construire trois types de projections sur l’impact des vaccins.
Il existe trois façons d’analyser les données, explique Mengistu. La première est la « vue calendaire », qui regarde combien de décès sont survenus au cours d’une année donnée. La deuxième est la « vue par cohorte », qui examine combien de décès sont évités grâce à la vaccination d’une même cohorte de naissance tout au long de sa vie. La troisième est la « vue par année de vaccination », qui attribue le nombre de décès évités à l’année où les vaccins ont été administrés.
Chacune de ces approches a sa valeur propre, souligne Mengistu. Par exemple, la vue par cohorte permet de mesurer l’effet à long terme de la vaccination contre le papillomavirus humain (HPV) chez une cohorte spécifique de jeunes filles, puisque le vaccin prévient les cancers du col de l’utérus qui ne se manifestent que des années plus tard.
Pour Gavi, c’est la vue par année de vaccination qui est utilisée afin de rendre compte du nombre de décès évités durant l’année où les vaccinations ont été effectuées, précise Mengistu.
Pour aller plus loin
Des estimations prudentes
Il est important de souligner que les estimations de Gavi sont prudentes.
Même si Gavi finance un vaccin, l’impact de ce vaccin ne lui est attribué que si le pays concerné l’a introduit initialement grâce au soutien de Gavi.
Cela signifie qu’en réalité, beaucoup plus de vies sont sauvées par la vaccination lorsqu’on prend en compte l’ensemble des efforts mondiaux. Une étude du VIMC publiée en 2021 a ainsi estimé que 97 millions de décès seraient évités grâce à la vaccination entre 2000 et 2030. Parmi ceux-ci, 50 millions auraient été prévenus entre 2000 et 2019.
Davantage de Priya Joi
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