Avec ses deux avancées historiques en deux mois, le programme de vaccination universelle (PVU) de l’Inde a commencé son périple national visant à protéger des générations d’enfants des plus grands tueurs d’enfants de moins de cinq ans au monde.

Tout d’abord, en mars dernier, l’introduction progressive du vaccin antirotavirus a commencé, offrant une protection contre l’une des principales causes de diarrhée mortelle.  Puis, en mai, un déploiement progressif similaire du vaccin antipneumococcique a également été lancé pour s’attaquer à la principale cause de pneumonie bactérienne.

Ensemble, ces vaccins permettront non seulement de sauver des millions de vies, mais également d’empêcher des millions d’autres hospitalisations.

En dépit des nouvelles autres avancées majeures de ces dernières années, il est révoltant de constater que près de 1,2 million d’enfants meurent encore chaque année en Inde avant leur cinquième anniversaire. Pourquoi a-t-il fallu si longtemps à mon pays pour adopter les nouveaux vaccins d’importance vitale, lesquels sont couramment disponibles, même dans les pays les plus pauvres ? 

Premièrement, les dépenses publiques en matière de santé sont restées faibles. La Mission nationale de la santé rurale a été lancée en 2005 en tant que programme de santé publique phare et même si elle assurait une certaine intégration, elle n’a apporté aucun financement supplémentaire important. Les dépenses globales de santé publique stagnant à seulement 1% du produit intérieur brut (PIB), le PVU en était réduit à ne fournir que sept vaccins essentiels pour les enfants.

La longue et exigeante lutte de l’Inde contre la poliomyélite a également pesé lourdement sur les investissements à long terme dans le PVU.  L’Inde est l’un des rares pays en développement à avoir financé une grande partie de ses efforts d’éradication de la poliomyélite, investissant un total 2 milliards de dollars américains. Cependant, avec un budget plus de trois fois supérieur à celui du PVU, l’éradication de la poliomyélite a consommé d’importantes ressources financières et humaines, entravant considérablement les efforts de vaccination à l’échelle nationale.

Il y avait aussi d’autres obstacles. Un groupe restreint, mais qui sait se faire entendre, d’experts indiens en santé publique s’est toujours opposé à l’introduction de nouveaux vaccins dans le PVU financée par des fonds publics. Ils ont intenté un procès à titre préventif, affirmant que des vaccins tels que celui contre l’hépatite B et le pentavalent cinq-en-un étaient dangereux, inutiles et pesaient lourdement sur les ressources publiques. Le gouvernement à court d’argent manquait de ressources suffisantes pour se doter d’une défense solide.

Cependant, lorsque l’Inde a réussi à éradiquer complètement la poliomyélite avec son dernier cas en janvier 2011, la confiance dans la vaccination est montée en flèche. C’était le début d’un revirement spectaculaire dans la lutte de l’Inde contre les maladies infectieuses. Si des vaccins pouvaient bannir la poliomyélite, tout semblait possible.

Le gouvernement a entamé la bataille juridique pour introduire de nouveaux vaccins indispensables dans le PVU. L’argumentaire était simple : de nouveaux vaccins d’importance vitale étaient couramment recommandés par des médecins privés et déjà disponibles sur le marché privé, mais les prix élevés de ces vaccins ne permettaient pas aux couches les plus pauvres et les plus vulnérables de l’Inde d’y accéder – les personnes qui avaient le plus besoin de leur protection.

Tous les enfants ayant le même droit à la vaccination, gratuitement et sans aucune discrimination, dès qu’un vaccin est introduit dans le PVU, tous peuvent en bénéficier. La portée massive du PVU, qui vise à couvrir les 26 millions d’enfants qui naissent chaque année en Inde, garantit également une demande prévisible de vaccins aux fabricants. Cela a une énorme incidence sur le prix. Par exemple, une série complète de vaccins contre l’hépatite B coûtait autrefois près de 100 dollars. Dès que l’Inde aurait introduit le vaccin dans son PVU en 2010, le gouvernement pourrait acheter une série complète de vaccins contre l’hépatite B à seulement 30 centimes.

Une présentation claire des faits a suffi pour que le pouvoir judiciaire indien écarte ce litige interminable. Cette décision historique a ouvert la porte à une nouvelle ère de protection des enfants indiens contre les maladies potentiellement mortelles en exploitant le pouvoir de la dernière génération de vaccins.

Avec le soutien des partenaires de l’Alliance, l’Inde a lancé avec succès le vaccin pentavalent en 2013, protégeant ainsi les enfants contre la diphtérie, le tétanos, la coqueluche, l’hépatite B et l’Haemophilus influenzae de type b. Le gouvernement a également mis en place son propre Groupe technique consultatif pour la vaccination (GTCV). Ce groupe est composé d’experts qui évaluent systématiquement la charge de morbidité nationale et formulent des recommandations fondées sur des preuves pour l’introduction de nouveaux vaccins.

Grâce au GTCV et à la modernisation massive du PVU, l’Inde a introduit avec succès trois nouveaux vaccins au cours des dernières années : le vaccin antipneumococcique, le vaccin contre le rotavirus et le vaccin combiné contre la rougeole et la rubéole. L’État du Pendjab a également introduit le vaccin contre le virus du papillome humain (VPH). Dans un pays caractérisé par la plus grande cohorte de naissances du monde, ce n’est pas un mince exploit.

Si l’Inde veut continuer à lutter pour protéger chaque enfant contre les maladies évitables par la vaccination, il lui faudra aller plus loin. Notre Alliance a appris directement que la couverture de santé universelle nécessite une forte volonté politique, un financement soutenu et l’engagement inlassable de millions d’agents de santé de première ligne et de mères. En tant que personne fière d’avoir joué un rôle dans la lutte de mon pays contre la poliomyélite et la garantie d’un accès durable à de nouveaux vaccins, les derniers jalons de l’Inde dans son processus de vaccination me remplissent d’une joie incommensurable.