Comment l'Inde a vaincu la variole

L'éradication de la variole par l'Inde, grâce à une vaste campagne de vaccination, constitue un parfait exemple pour le déploiement actuel du vaccin contre la COVID-19.

  • 2 décembre 2022
  • 4 min de lecture
  • par Aarushi Verma
Affiche largement diffusée en Inde pour faire connaître l’attribution de récompenses pour la notification des cas de variole ; elle représente un héros tuant le démon de la variole avec une aiguille | OMS (1979)
Affiche largement diffusée en Inde pour faire connaître l’attribution de récompenses pour la notification des cas de variole ; elle représente un héros tuant le démon de la variole avec une aiguille | OMS (1979)
 

 

Alors qu’elle déferlait encore sur le monde au XXe siècle, la variole était une des maladies les plus meurtrières que l’humanité ait jamais connues, tuant des millions de personnes, avant d’être officiellement éradiquée en 1980.

Avec un taux de létalité de 30 %, la variole a été un fléau pour l’humanité pendant au moins 3 000 ans, avant d’être anéantie grâce à un programme mondial de vaccination massive. L'Inde est l’un des pays où la campagne mondiale d'éradication a été la plus difficile. Il faut dire que la variole y était particulièrement virulente : le pays comptait 60 % des cas mondiaux et la maladie tuait une personne infectée sur quatre.

Nous apprenons de nos erreurs passées et la pandémie de COVID-19, qui a déferlé sur le monde ces deux dernières années, a pu bénéficier des leçons tirées des épidémies de variole. Comme pour la variole, la surveillance, la recherche des cas, le dépistage, le suivi des contacts, la mise en quarantaine et les campagnes de communication pour couper court à la désinformation se sont avérés d’une importance capitale pour endiguer la pandémie de COVID-19.

Une infirmière administre le vaccin contre la COVID-19 à un homme de 68 ans dans un hôpital de Meerut, en Inde.
Une infirmière administre le vaccin contre la COVID-19 à un homme de 68 ans dans un hôpital de Meerut, en Inde.

Le programme indien d'éradication de la variole (NSEP) a été instauré en 1962 avec pour objectif de vacciner l'ensemble du pays en trois ans. L'initiative a toutefois échoué, faute d’avoir atteint le taux de couverture vaccinale nécessaire, certains segments de la population n’ayant pu être atteints. Le gouvernement a modifié sa politique en 1964, et ciblé certaines régions du pays où les épidémies étaient plus fréquentes, comme le Bihar, l'Uttar Pradesh, le Madhya Pradesh et le Bengale occidental.

En 1974, les nuages s’accumulaient, laissant présager une catastrophe pour l'Inde, qui a alors connu la pire épidémie de variole du siècle. La vaccination des 609 millions d'Indiens que comptait alors le pays représentait une tâche épuisante. La variole pouvait être contenue par des campagnes de vaccination de masse dans les pays industrialisés, mais ces initiatives étaient moins efficaces dans les pays pauvres où les infrastructures de santé étaient peu développées. Des épidémies de variole localisées ont continué à se produire malgré les vastes programmes de vaccination.

Le nombre de défis était trop important pour que l'Inde puisse tous les relever - la forte densité de population dans de nombreuses régions, sa grande mobilité et les grands rassemblements sporadiques, ainsi que les festivals ou les foires de moindre envergure, offraient des circonstances optimales pour la propagation de la maladie. Aux problèmes épidémiologiques se sont ajoutés des problèmes opérationnels. Longtemps après leur abandon progressif par les autres nations, l'Inde a continué à utiliser les vaccins sous forme liquide.

Le manque d'installations frigorifiques a entravé les premières étapes du programme jusqu'à ce que les vaccins lyophilisés soient largement disponibles dans tout le pays. Par ailleurs, les aiguilles bifurquées ont mis longtemps à s'imposer en Inde. Avec plus de 80 % de la population vivant dans des communautés isolées et ne bénéficiant que par intermittence des soins de santé, les problèmes logistiques de distribution des vaccins dans les zones périphériques se sont surajoutés aux problèmes techniques.

Dans la plupart des pays, on pensait qu'il suffisait de vacciner 80 % de la population sur cinq ans pour stopper la propagation de la variole. Toutefois, le nombre énorme de naissances annuelles dans des pays à forte densité de population comme l'Inde rendait cet objectif irréalisable.

Mais l'Inde a vaincu l'épidémie, malgré les nombreux obstacles rencontrés par la campagne de vaccination contre la variole. À l'instar de la politique de confinement adoptée par le pays pour lutter contre la COVID-19, une technique de "surveillance et confinement" avait été mise en œuvre.

Un homme de 95 ans montre son certificat de vaccination contre la COVID-19, juste après s’être fait vacciner à l'hôpital Anand, à Meerut, en Inde.
Un homme de 95 ans montre son certificat de vaccination contre la COVID-19, juste après s’être fait vacciner à l'hôpital Anand, à Meerut, en Inde.

Des équipes de professionnels de santé ont traqué méthodiquement tous les cas suspects de variole. Les personnes infectées ainsi que leurs voisins et leurs proches étaient immédiatement mis en quarantaine et vaccinés. Chaque mois, le personnel de santé visitait chacun des 100 millions de foyers du pays.

La majorité des programmes étaient dirigés par des médecins très qualifiés sur le plan technique, mais qui manquaient d'expérience et de compétences en matière de gestion. Il a donc fallu former le personnel de santé. Au moment de l’embauche, le nouveau personnel a reçu un dossier d’information (Briefing Packet en anglais) comprenant notamment un résumé de la situation de la variole en Inde et différents documents relatifs au travail de terrain. Des affiches rédigées dans les différentes langues locales ont été diffusées pour inciter la population à se faire vacciner, et surtout à faire vacciner les jeunes enfants.

Le gouvernement indien a apporté un fort soutien au programme national d'éradication de la variole. Pour s’assurer que tous les habitants avaient été vaccinés, on a cartographié les domiciles et recensé les habitants des villages situés dans un rayon de cinq kilomètres de chaque malade identifié. Il a alors fallu deux ans pour que le pays soit proclamé exempt de la maladie.

Nous apprenons de nos erreurs passées et la pandémie de COVID-19, qui a submergé le monde ces deux dernières années, a pu bénéficier des leçons de l'épidémie de variole. Comme pour la variole, la surveillance, la recherche de cas, le dépistage, le suivi des contacts, la mise en quarantaine et les campagnes de communication pour couper court à la désinformation se sont avérés d’une importance capitale pour endiguer la pandémie de COVID-19. L'Inde a même organisé des campagnes de vaccination fictives dans tout le pays avant de lancer la grande campagne qui a débuté le 16 janvier 2021, pour tester la logistique mise en place pour l'administration des doses et la technologie utilisée pour gérer et suivre les rendez-vous de vaccination.

Les triomphes passés nous rappellent que la vaccination, ça marche : 95 % des sujets vaccinés contre la variole ont été protégés. En outre, la maladie a été évitée ou atténuée chez les sujets vaccinés dans les jours suivant leur exposition au virus. Et l’Inde a finalement été déclarée exempte de variole en 1979.