Au Burkina Faso, le vaccin en ligne de mire pour lutter contre le paludisme

Au Burkina Faso, le paludisme touche des millions de personnes par an. En addition des multiples stratégies pour la prise en charge des patients et pour contrer la maladie, l’espoir se porte désormais sur le vaccin RTS,S pour protéger les Burkinabés, en particulier les enfants de moins de 5 ans.

  • 20 décembre 2022
  • 5 min de lecture
  • par Abdel Aziz Nabaloum
Les personnels de santé du Centre médical urbain (CMU) Pogbi, à Ouagadougou. Crédit : Abdel-Aziz Nabaloum
Les personnels de santé du Centre médical urbain (CMU) Pogbi, à Ouagadougou. Crédit : Abdel-Aziz Nabaloum
 

 

Moustapha Zongo fait partie de la vingtaine de cas confirmés de paludisme que le Centre médical urbain (CMU) Pogbi, situé dans l’arrondissement 2 de Ouagadougou, a enregistré en ce début de journée de décembre. Il est 10 heures passées lorsqu’il franchit le seuil de la porte de la salle de consultation infirmière. Les yeux jaunâtres, le regard hagard… Soutenu par son frère cadet, Ali, il peine à tenir debout. Le test de diagnostic rapide (TDR) confirme qu’il a le paludisme. « C’est ce matin vers 9 heures que j’ai senti des vertiges, mon corps qui chauffe et des migraines. Immédiatement, j’ai pensé au paludisme. Alors j’ai sollicité l’aide de mon frère pour qu’il m’accompagne à l’hôpital », marmonne-t-il. Agé de 40 ans, Moustapha en est à sa deuxième crise de paludisme de l’année. Très affaibli, il est rapidement conduit en salle d’hospitalisation.

Patient palu
L’équipe médicale s’est mobilisée pour la prise en charge du patient, Moustapha Zongo.
Crédit : Abdel-Aziz Nabaloum

L’équipe médicale, avec en tête l’agent itinérante de santé (AIS) Raïssa Sanou, s’active pour lui apporter les premiers soins. Polyvita et Artesun sont associés au sérum qui lui est injecté. « Il souffre de paludisme simple. Après la poche de sérum, si son état de santé s’améliore, nous allons le laisser rentrer à la maison. Nous allons lui prescrire aussi des comprimés à avaler pour trois jours de traitement », confie Raïssa Sanou.

Malgré les multiples campagnes de lutte, le paludisme demeure la première cause de consultation et d’hospitalisation dans les hôpitaux du Burkina. En 2021, le pays a enregistré 12 231 886 cas dont 4 355 décès.

Dans la salle d’hospitalisation, Abdoul Razack Kiemtoré, 13 ans, est en grande souffrance. La voix peu audible, couché sur le dos, l’adolescent ne supporte plus les maux de tête, frissons, douleurs musculaires, maux d'estomac…qui le tenaillent depuis la vieille.

« En saison des pluies, nous avons au minimum 100 cas confirmés de paludisme par jour », révèle l’agent de santé.

Campagnes de prévention

Des campagnes de prévention dans l’aire sanitaire ont été organisées en septembre dernier pour les enfants de 0 à 5 ans, ce qui a permis de réduire les cas de paludisme dans cette frange de la population. « Les cas sont minimes grâce à la prophylaxie. Avant cette prophylaxie, les cas confirmés étaient de 50 par jour. Mais aujourd’hui, le nombre varie entre 15 à 20 enfants de cette tranche d’âge », se réjouit l’agent de santé, Victor Tiendrebeogo.

Patiente palu
Des tests de diagnostic rapide sont effectués sur les patients avant de confirmer les cas de paludisme.
Crédit : Abdel-Aziz Nabaloum

Malgré les multiples campagnes de lutte, le paludisme demeure la première cause de consultation et d’hospitalisation dans les hôpitaux du Burkina. En 2021, le pays a enregistré 12 231 886 cas dont 4 355 décès. D’après le coordinateur des unités de soins du CMU Pobgi, Sansan Da, le paludisme occupe dans sa formation sanitaire la première place des consultations. « De janvier 2022 au 8 décembre 2022, sur 22 513 consultations, 11 077 cas de paludisme ont été enregistrés soit 49,20% des consultations. Il occupe la première place des pathologies rencontrées dans notre centre médical et les enfants de 0 à 5 ans représentent 40 à 45% des malades », précise-t-il. « Mais avec la disponibilité du personnel et des intrants, nous arrivons à bien prendre en charge les patients. Cette année, nous n’avons pas connu de ruptures de médicaments de prise en charge », affirme-t-il.

Sansan Da
Le coordinnateur des unités de soins du CMU Pobgi, Sansan Da : « le vaccin RTS,S va réduire la mortalité et la morbidité chez les enfants ».
Crédit : Abdel-Aziz Nabaloum

Déploiement du vaccin

La science avance : des chercheurs de l’Université d’Oxford (Royaume-Uni) et de l’Institut de recherche en sciences de la santé de Nanoro au Burkina Faso ont mis au point un nouveau vaccin : le R21. « Une injection de rappel du candidat vaccin a montré une efficacité de 80% sur les enfants qui ont reçu la dose la plus élevée un an après un premier traitement en trois doses. Une efficacité de 78 % a été maintenue pendant deux ans après l’administration du rappel au cours de l’essai impliquant 450 enfants âgés de cinq à 17 mois à l’unité de recherche clinique de Nanoro », explique l’investigateur principal du projet d’essais cliniques, Pr Halidou Tinto. Ainsi, précise-t-il, cela devrait permettre aux enfants vivant dans des régions d’endémie palustre comme le Burkina d’être très bien protégés contre la maladie à l’âge où ils sont les plus vulnérables.

En octobre 2021, l’OMS a autorisé le déploiement du premier vaccin antipaludique, le RTS,S, en Afrique. Le Burkina compte sur l’aide de ses partenaires pour son acquisition. « Nous envisageons en collaboration avec nos partenaires d’entreprendre à partir de 2023 un déploiement programmatique du RTS,S sur une population d’au moins 250 000 enfants au Burkina, afin d’accélérer l’agenda de déploiement de ce vaccin à large échelle en Afrique», affirme Pr Tinto.

Pour aider les pays fortement touchés par le paludisme à obtenir ce vaccin, Gavi, l’Alliance du vaccin, offre depuis juillet 2022 une occasion de demander un financement afin d’introduire le RTS,S. Ce soutien international, évalué à près de 160 millions de dollars américain et réparti sur la période de 2022 à 2025 permettra d’améliorer l’accès au vaccin pour les enfants.

« Nous avons accueilli avec joie cette annonce de Gavi. Le Burkina va soumettre un document. Parmi les 12 millions de cas de paludisme, 8 millions sont des enfants de moins de 5 ans. C’est la tranche d’âge où le paludisme fait le plus de ravage. Nous avons déjà envoyé la lettre d’intention signée par le ministre de la Santé à Gavi pour dire que nous sommes prêts à postuler pour le fonds. Nous pensons être prêts pour pouvoir introduire le vaccin », confie le coordinateur du programme national de lutte contre le paludisme, Dr Gauthier Tougouri.

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