Les personnels de santé des provinces du Nord et du Sud- Kivu, dans l’Est de la République démocratique du Congo sont mobilisés en cette fin d’année par une campagne de vaccination contre la rougeole et la poliomyélite
Elle doit durer cinq jours pour atteindre 4,4 millions d’enfants dans les deux provinces

 
En République démocratique du Congo, acheminer les vaccins, coûte que coûte

Un enfant se fait vacciner à l’occasion du coup d’envoi de la campagne de vaccination contre la rougeole et la poliomyélite donné à Rutshuru, à 80 kilomètres au nord de Goma, capitale du Nord Kivu.
Crédit : UNICEF RDC/2013.

Le coup d’envoi de la campagne de vaccination contre la rougeole et la poliomyélite a été donné le 10 décembre à Rutshuru, à 80 kilomètres au nord de Goma, capitale du Nord Kivu, par le Ministre de la Santé Publique de République démocratique du Congo, le Dr Félix Kabange Numbi Mukwampa.

Nord et Sud-Kivu se relèvent d’une guerre meurtrière au cours de laquelle les personnels de santé ont fait tout leur possible pour vacciner les enfants et les protéger contre les maladies tout aussi meurtrières. Malgré la guerre, l’insécurité chronique, les déplacements de populations, le sous-équipement et la distance entre les zones de santé, les deux provinces qui couvrent une population totale de plus de 11 millions de personnes, ont tenté tant bien que mal d’acheminer les vaccins auprès des enfants.

« Nous travaillions pour le bien des enfants, et malgré la guerre, nous sommes toujours arrivés à passer les lignes rebelles pour les atteindre », explique le Docteur Stéphane Hans Bateyi, Médecin Coordonnateur du Programme élargi de vaccination (PEV) du Nord-Kivu. Basé à Goma, il a dû faire face pendant plusieurs années à la guerre que se sont livrés les Forces armées de la RDC et les rebelles du M23. « Nous avons appris à négocier, pour pouvoir passer, mais nous y allions seuls, avec les vaccins, sans la Mission de l’ONU pour la Stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) ou l’armée congolaise. Ils me connaissaient. Les rebelles avaient aussi des enfants et comprenaient l’importance des vaccins », ajoute-t-il.

RDC

Dr Aimé Cikomola Mwana Wa Bene, Médecin Coordonnateur du PEV, Sud-Kivu. Dr Stéphane Hans Bateyi, Médecin Coordonnateur PEV Nord-Kivu.
Crédit : GAVI/2013/F.Tissandier.

Son collègue de la Province du Sud-Kivu, le Docteur Aimé Cikomola Mwana Wa Bene, Médecin Coordonnateur du PEV acquiesce. Etabli à Bukavu, il explique que la vaccination de routine fonctionne globalement bien avec des taux de couverture vaccinale aux alentours de 80% pour les trois doses de vaccin contre la diphtérie, tétanos et coqueluche (DTC3) mais « il fallait toujours s’adapter, être flexible dans sa stratégie, en raison notamment du nombre important de populations déplacées. Toutes les zones ont vacciné pendant cette guerre mais nous devions rattraper régulièrement les enfants qui fuyaient les villages». Il ajoute que les semaines de vaccination sont un bon moyen mais « cette solution n’est pas idéale. Pour preuve, les récentes épidémies de rougeole qui montrent que la vaccination de routine n’est pas optimale ».

La campagne qui a débuté le 10 décembre était donc absolument nécessaire. « Que ce soit au Nord-Kivu comme au Sud, heureusement qu’il y avait les relais communautaires et les vaccinateurs qui ont fait de la sensibilisation, se sont déplacés malgré l’insécurité, tous les mercredis. Ils ont joué un rôle fondamental en matière de plaidoyer, pour maintenir les services de santé, aussi bien auprès des populations que des groupes armés », souligne le Docteur Stéphane Hans Bateyi. « Les ONG présentes nous ont donné également un sérieux coup de main même si elles sont plus spécialisées dans l’urgence » explique le Médecin Coordonnateur du PEV du Sud-Kivu.

Une chaîne du froid défaillante

Comme dans beaucoup d’autres régions de la République démocratique du Congo, l’autre défi du Nord et du Sud-Kivu est l’acheminement et la conservation des vaccins. Si pour cette campagne contre la rougeole et la polio, tous les vaccins ont été reçus et sont stockés pour être distribués, la vaccination de routine a posé certaines fois problèmes. Acheminer les vaccins vers les zones de santé est compliqué : « Trois zones ne sont ainsi accessibles que par avion, des Antonov... » explique le Docteur Stéphane Hans Bateyi pour le Nord-Kivu qui ne conclut pas sa phrase. La réfrigération est également aléatoire, « à Goma, nous avons la capacité de réfrigérer un mois de stock. Ce n’est pas assez », souligne-t-il . « Par ailleurs, seul 61% de la province est équipée de réfrigérateurs, 5% utilisent l’énergie solaire et 56%utilisent le pétrole ou sont mixtes. Si nous pouvions couvrir toute la Province avec de l’énergie solaire, ce serait un sérieuse avancée et garantie de qualité des vaccins».

RDC

Sole qui habite Rutshuru a amené son fils Vital pour qu’il soit protégé contre la rougeole et la polio, deux maladies que l’on peut éviter par la vaccination.
Crédit : UNICEF RDC/2013.

Le responsable PEV de la Province du Sud-Kivu rejoint son collègue en expliquant que la situation est similaire chez lui. « Les réfrigérateurs couvrent 52% du territoire, la plupart sont vétustes, tombent régulièrement en panne. Il y a beaucoup de coupures de courants prolongées, jusqu’à cinq jours, et nous n’avons pas toujours les fonds disponibles pour acheter l’essence et faire tourner les groupes électrogènes ». Les vaccins parcourent un chemin plus long pour atteindre les populations.

Le Docteur Aimé Cikomola Mwana Wa Bene, Médecin Coordonnateur du PEV du Sud-Kivu précise qu’il lui « faudrait des réfrigérateurs solaires partout, ce serait l’idéal. Nous avons un plan d’équipement et de renouvellement de la chaîne du froid qui va dans ce sens et qui est soutenu par GAVI mais je crains que cela prenne beaucoup de temps en raison des lourdeurs administratives. En attendant on se débrouille ».

Pour cette campagne soutenue par GAVI Alliance et ses partenaires UNICEF et WHO, d’importants moyens logistiques et humains ont été déployés. Plus de 33 000 vaccinateurs sont mobilisés sur plus de 5.500 sites de vaccination fixes. Plus de 4 millions de doses de vaccin contre la rougeole sont disponibles. 6 chambres froides, 668 congélateurs et réfrigérateurs, 60 générateurs et des milliers de glacières et accumulateurs tournent à plein régime dans les deux provinces.

Cette campagne fait partie d’une stratégie nationale de lutte contre la rougeole et la poliomyélite débutée en septembre par les provinces Orientale et de l’Equateur.

 

Abonnez-vous à notre infolettre