UNE ÉQUIPE COMPOSÉE DE PLUS DE 100 000 FEMMES AGENTS DE SANTÉ COMMUNAUTAIRES QUALIFIÉES, QUI ASSURENT DES SERVICES SANITAIRES ESSENTIELS DE MAISON EN MAISON, DÉTIENT LA CLÉ PERMETTANT DE RELANCER LE PROGRAMME DE VACCINATION AU PAKISTAN

Revêtue d’un sari traditionnel de couleur vive mais munie des outils modernes d’un agent de vaccination, Shankotila Bai, âgée de 30 ans porte lourdement sur les épaules le passé et le présent.

Pays où les vaccins sont largement disponibles, le Pakistan a pourtant récemment affiché un mauvais taux de vaccination : la moitié seulement des enfants y sont totalement immunisés. Dorénavant, Bai et 100 000 autres femmes agents de santé qualifiées au Pakistan devraient accroître les taux de couverture vaccinale par une méthode difficile – le porte-à-porte.

Bai a pour objectif quotidien de se rendre chez 8 à 10 familles de Mithrio Bhatti, son village natal situé dans le district de Thararkar de la province Sindh. Tous les enfants et toutes les mères qui ne sont pas allés se faire vacciner au dispensaire le plus proche à Mithrio sont prioritaires.

Mithrio Bhatti est un village pauvre, mais calme, où hindous et musulmans vivent en paix côte à côte. Équipée d’une glacière et d’une trousse médicale, Bai effectuera trois arrêts avant le déjeuner.

Des injections à rattraper

Entre autres visites, elle se rend chez Seeta Bai, 27 ans, qui a accouché de son bébé Jetesh avec l’aide d’une dai locale (accoucheuse traditionnelle). Revêtue d’un taweez noir pour éloigner les esprits malfaisants, la mère semble fatiguée et faible. Elle n’est pas allée au dispensaire faire vacciner son enfant.

Jetesh devra maintenant recevoir ces injections : d’abord le vaccin antipoliomyélitique oral, puis le vaccin pentavalent injectable dans la cuisse droite, enfin le vaccin antipneumococcique dans la cuisse gauche. Câlinant le bébé contre elle, Seeta regarde avec méfiance l’administration de chaque piqûre.

L’enjeu

Mis en place voici presque trente ans et modèle pour les pays en développement du monde entier, le programme « Femmes agents de santé » est considéré par le Gouvernement pakistanais comme essentiel à la vaccination d’un plus grand nombre d’enfants.

L’enjeu est de taille. Outre la naissance de quelque cinq millions de bébés chaque année et des défis continuels, telles les inondations soudaines ou la présence d’un million de personnes déplacées à l’intérieur du pays, le Pakistan est également confronté à la propagation des maladies transmissibles évitables.

Ainsi, depuis octobre 2012, ce pays a recensé plus de 20 000 cas suspects de rougeole et environ 500 décès par rougeole. Selon une étude nationale, le vaccin antirougeoleux était disponible, mais celui-ci n’était tout simplement pas administré aux enfants.

Les femmes agents de santé sont fonctionnaires depuis janvier 2013, mais n’ont pas obtenu ce statut sans difficulté.

À ses débuts, ce programme n’avait qu’un statut quasi-officiel. Plus tard, celui-ci a été décentralisé du gouvernement central aux autorités provinciales avant d’être suspendu pendant deux ans.

Formation

À l’instar d’autres femmes agents de santé aux quatre coins du Pakistan, Bai a suivi une formation de six mois en vue de la préparer à assurer les besoins sanitaires essentiels des femmes et des enfants comptant parmi les 2 000 habitants de son village.

Certains travailleurs d’un bon niveau d’études comme Bai – qui a achevé son cursus scolaire – ont suivi une formation qui leur permet d’administrer des vaccins.

Leur formation mais aussi leur statut de membres inspirant confiance dans la communauté où elles interviennent constituent la véritable force des femmes agents de santé.

La maison de la santé

Lorsqu’elle ne fait pas du porte-à-porte, Bai gère un dispensaire qu’elle appelle « maison de la santé ». En fait, il s’agit d’une pièce disponible de la maison où elle élève ses trois enfants et qui est devenue son foyer depuis son mariage avec Halo Mai, un tailleur local.

Avant de commencer son travail d’agent sanitaire chaque jour à 8 heures, Bai a déjà trait la chèvre et préparé puis servi le petit déjeuner de sa famille composé de chapatis, de condiments à base de fruits et d’un yaourt à boire. Elle a aussi nourri le bétail et accompli les tâches ménagères.

Cette routine quotidienne que de nombreuses autres femmes de son village effectuent comme elle lui permet de bénéficier de la confiance et du respect essentiel au succès de son rôle principal : la sensibilisation à la santé.

Sensibilisation

En qualité de femme agent de santé, Bai doit sensibiliser les femmes en âge de procréer à l’hygiène, à la vaccination, aux soins pré- et postnatals, à la nutrition, à la planification familiale et aux services mis à leur disposition dans des centres de santé proches.

Avec un désert blafard pour toile de fond, des femmes habillées de couleurs vives arrivent et saluent Bai avant de s’asseoir en demi-cercle dans sa maison de la santé.

Tout en leur montrant un livre illustré, cette dernière exhorte les mères à emmener leur bébé au dispensaire six fois au cours des 15 premiers mois suivant la naissance. Ces six visites, explique-t-elle, protégeront chaque enfant contre neuf maladies dont la pneumonie – que toutes les mères connaissent et redoutent.

La pneumonie demeure la toute première cause de mortalité chez les jeunes enfants au Pakistan. Néanmoins, en 2012, grâce au soutien de GAVI, ce pays est devenu le premier d’Asie du Sud à introduire le vaccin antipneumococcique. La formation de Bai et de 100 000 femmes agents de santé a permis de poser les fondations permettant de garantir à chaque enfant pakistanais l’administration de ce vaccin qui sauve des vies.

Shankotila Bai, Femme agent de santé

Shankotila Bai

NAME : Shankotila Bai
PROFESSION : Femme agent de santé
EXPÉRIENCE : six mois de formation afin de pouvoir satisfaire les besoins essentiels en matière de santé des femmes et des enfants de son village ; sensibilisation des femmes en âge de procréer sur l’importance des soins de santé.
PRINCIPAL DÉFI : convaincre les mères de faire vacciner leurs enfants dans un pays où les maladies transmissibles évitables sont en augmentation mais où la moitié seulement des enfants sont totalement immunisés.
LIEU : Mithrio Bhatti, situé dans le district de Thararkar de la province Sindh
POPULATION: 2 000 habitants

Pakistan

Points forts

Un engagement à améliorer le système de santé en formant des travailleurs de proximité établis dans des communautés difficiles à atteindre où ils interviennent en tant qu’agents de vaccination .

Points faibles

Un système de vaccination décentralisé et fragmenté ainsi qu’une couverture inégale comme en témoignent les transmissions de polio et les flambées de rougeole ; déplacements massifs d’enfants après les inondations et autres désastres ; menaces à la sécurité.

Résumé

Pays où les vaccins sont largement disponibles, le Pakistan affiche pourtant un mauvais taux de vaccination : la moitié seulement des enfants y reçoivent tous les vaccins requis. Les femmes agents de santé qualifiées comme Shankotila Bai, qui s’occupe des habitants du village où elle réside, Mithrio Bhatti, situé dans la province Sindh, représentent le plus grand espoir du pays. Revêtues de saris traditionnels mais munies des outils modernes des agents de vaccination, ces conseillères en matière de santé dans les villages, en qui l’on a confiance, pourraient bien détenir la clé permettant d’immuniser complètement les enfants au Pakistan.

Points forts

Un engagement à améliorer le système de santé en formant des travailleurs de proximité établis dans des communautés difficiles à atteindre où ils interviennent en tant qu’agents de vaccination .

Points faibles

Un système de vaccination décentralisé et fragmenté ainsi qu’une couverture inégale comme en témoignent les transmissions de polio et les flambées de rougeole ; déplacements massifs d’enfants après les inondations et autres désastres ; menaces à la sécurité.

Résumé

Pays où les vaccins sont largement disponibles, le Pakistan affiche pourtant un mauvais taux de vaccination : la moitié seulement des enfants y reçoivent tous les vaccins requis. Les femmes agents de santé qualifiées comme Shankotila Bai, qui s’occupe des habitants du village où elle réside, Mithrio Bhatti, situé dans la province Sindh, représentent le plus grand espoir du pays. Revêtues de saris traditionnels mais munies des outils modernes des agents de vaccination, ces conseillères en matière de santé dans les villages, en qui l’on a confiance, pourraient bien détenir la clé permettant d’immuniser complètement les enfants au Pakistan.

Questions&Réponses

Quelles seront les prochaines étapes en matière de vaccination au Pakistan : le gouvernement et deux organisations partenaires importantes expriment leur point de vue

Dr Jehanzeb Khan Aurakzai, Directeur général, Ministère de la coordination et de la réglementation des services de santé nationaux  

Q Quels sont, selon vous, les principaux obstacles à l’élargissement de la couverture vaccinale au Pakistan? Quelles sont les activités actuelles offrant les meilleures perspectives ?

Dr Jehanzeb Khan Aurakzai: Jusqu’à récemment, le programme de vaccination systématique et l’Initiative d’éradication contre la polio fonctionnaient en parallèle au lieu de se compléter. On évalue la performance des districts par rapport à celle des activités liées à la polio. De ce fait, la vaccination systématique a été largement négligée. Le manque de clarté sur les responsabilités et rôles précis constitue encore un obstacle à l’efficacité du système de vaccination national.

Q Quels exemples de solutions à ce problème envisagez-vous ?

Dr Jehanzeb Khan Aurakzai: Le Ministère de la coordination et de la réglementation des services de santé nationaux nouvellement formé exercera un rôle important dans la coordination des services de vaccination à travers tout le pays.

Des mesures visant à simplifier les mécanismes de coordination avec les provinces, les ministères compétents, les donateurs et les organisations partenaires sont élaborées puis mises en œuvre. Un bureau chargé du programme élargi de vaccination, maintenant au sein de ce ministère, constituera le pivot de cette activité et jouera un rôle moteur.

Q Selon vous, quel a été le principal bénéfice du soutien de GAVI ?

Dr Jehanzeb Khan Aurakzai: Le processus de coopération et de partenariat avec la société civile lancé par GAVI s’est traduit par une activité dynamique et sans précédent des acteurs de ce secteur. Ceux-ci ont coopéré avec le gouvernement à tous les niveaux et ont contribué à faire connaître les initiatives menées par ce dernier.

L’aide de GAVI a également permis de combler les fossés opérationnels et financiers au niveau du district. Des problèmes se sont néanmoins posés quant à l’utilisation efficace de ces ressources de façon à apporter les améliorations que l’on attend des programmes de districts. Le seul moyen de veiller à ce que les provinces utilisent judicieusement les ressources est de renforcer la capacité de supervision du gouvernement fédéral.

Dr Quamrul Hasan, médecin, Organisation mondiale de la Santé, Pakistan  

Q Quel est, selon vous, le principal obstacle à la vaccination complète de tous les enfants pakistanais ?

Dr Quamrul Hasan: Le principal obstacle est que la santé publique n’a pas représenté une priorité nationale. Les fournisseurs de services et leurs supérieurs ne rendent pas suffisamment de comptes, l’insuffisance et l’inefficacité de l’infrastructure des soins de santé ainsi que la faible demande de vaccination en amont constituent d’autres entraves majeures.

Q Comment peut-on inverser cette situation ?

Dr Quamrul Hasan: La principale perspective en matière de prestation de services de vaccination repose sur le solide cadre que forment les 100 000 femmes agents de santé au Pakistan. Dans le contexte culturel pakistanais, ce groupe est la solution idéale pour assurer des soins de santé primaires – notamment des services de vaccination – au sein de la communauté locale de la manière la plus efficace.

L’acceptation générale de la vaccination dans les communautés constitue un autre élément positif pour le Pakistan. Il pourrait facilement en résulter une demande provenant de la communauté en faveur de la vaccination.

La réticence à l’égard de la vaccination n’est pas aussi forte que ce qui est souvent décrit.

Q Y a-t-il eu des améliorations récentes en matière de vaccination ?

Dr Quamrul Hasan: Ces dix dernières années, trois nouveaux vaccins sous-utilisés – contre l’hépatite B, l’Haemophilus influenzae de type b et le pneumocoque – ont été ajoutés au calendrier national de vaccination de l’enfant. Ces vaccins ont permis de prévenir des centaines de milliers de maladies et de décès chez le jeune enfant. L’introduction des seringues autobloquantes dans le système national de vaccination a aussi largement contribué à éviter les injections non sécurisées.

Q Comment GAVI a-t-elle aidé ce pays à atteindre son objectif de vaccination concernant les enfants ?

Dr Quamrul Hasan: Sans le soutien de GAVI, les enfants pakistanais ne bénéficieraient pas des nouveaux vaccins d’importance vitale comme les vaccins contre l’Haemophilus influenzae de type b ou contre le pneumocoque.

Dr Saadia Farrukh, spécialiste de la santé, bureau de l’UNICEF au Pakistan  

Q En 2001, le Pakistan a entamé un processus de décentralisation de son secteur sanitaire – le pouvoir a été déplacé du gouvernement central aux autorités provinciales. Quelles ont été les répercussions de ce changement sur le plan de la vaccination ?

Dr Saadia Farrukh: Avant le transfert des pouvoirs, le gouvernement fédéral était responsable des domaines suivants : achat et fourniture de vaccins, matériel d’injection, chaîne du froid et logistique, formation, suivi et évaluation, assistance technique.

Après le transfert des pouvoirs, le district a été chargé de la gestion des programmes de prévention, et les fonds destinés à la vaccination n’étaient plus distribués de manière claire. Les provinces se sont vu confier les tâches logistiques, ce qui s’est clairement traduit par des répercussions négatives sur la performance.

Q Le Pakistan a lancé de nombreuses campagnes de vaccination. Ont-elles changé la donne ?

Dr Saadia Farrukh Beaucoup d’efforts ont été déployés dans la mise en place de campagnes de vaccination contre la polio, la rougeole et le tétanos néonatal. En fait, ces campagnes ont diminué la capacité du personnel à assurer des services de vaccination systématique.

Compter sur ces campagnes pour maintenir une couverture élevée en l’absence d’un bon système de vaccination comporte un danger qui ne saurait être assez souligné. Lorsque des campagnes intermittentes sont lancées en vue d’accroître les faibles niveaux de couverture systématique, le nombre d’enfants susceptibles de contracter des maladies augmente inévitablement entre les campagnes.

Q Quelles seront les principales prochaines étapes pour le Pakistan ?

Dr Saadia Farrukh: Même si le Pakistan est parvenu à éviter, selon les estimations, deux à trois millions de décès de nouveau-nés et d’enfants attribuables à des maladies potentiellement mortelles comme la diphtérie, le tétanos, la coqueluche et la rougeole, il n’en reste pas moins une triste vérité : la couverture vaccinale a stagné ces dix dernières années.

Étant donné le retard à rattraper, le Pakistan aura pour principal défi de renforcer son système de santé de façon à améliorer la vaccination systématique.

Last updated: 8 Dec 2019

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