Tout sur la réserve humanitaire de COVAX
COVAX a été conçu pour garantir l’accès aux vaccins contre la COVID-19 aux personnes les plus vulnérables de tous les pays. Mais qu'en est-il de celles qui vivent dans des zones de conflit ou dans des situations d’urgence humanitaire qui échappent aux campagnes de vaccination gouvernementales ? La semaine dernière, Gavi a approuvé la constitution d’une réserve (appelée également "stock tampon ") de vaccins à usage humanitaire – pour s'assurer de ne laisser personne de côté. Nous décrivons ici son fonctionnement.
- 5 septembre 2022
- 6 min de lecture
- par Talha Jalal
La COVID-19 nous a tous affectés. Elle a dévasté la vie et les moyens de subsistance de millions de personnes et mis en évidence les failles de nos économies et de nos sociétés. Elle nous a obligés à repenser notre façon de travailler, d’acheter ce dont nous avons besoin, de nous dire bonjour ou de voir nos proches. Mais elle a également fait quelque chose de plus profond et de plus fondamental pour nous en tant qu'êtres humains : elle nous a fait prendre conscience de notre condition humaine et de la fragilité de notre espèce. Et si la pandémie a engendré un élan de solidarité, il faut reconnaître qu’elle ne nous a pas tous affectés de la même manière.
La réserve humanitaire sera particulièrement utile en cas de conflit armé ou de défaillance des États ; elle permettra de protéger les populations vivant dans les zones contrôlées par des groupes armés non étatiques, inaccessibles aux gouvernements.
Le nombre de cas et de décès est plus élevé chez les personnes de couleur, en particulier celles qui vivent dans les pays à revenu élevé. Les femmes ont rencontré des difficultés économiques plus importantes que les hommes. Ceux qui arrivaient à peine à joindre les deux bouts avant la pandémie – pas moins de 124 millions d’individus – sont désormais tombés dans l'extrême pauvreté. Déjà difficile pour ceux qui sont rejetés en marge de nos sociétés – demandeurs d'asile, réfugiés, migrants vulnérables en situation irrégulière, détenus, apatrides – l'accès aux services de santé essentiels s’est encore réduit.
Il n’est pas possible de répondre avec humanité à la crise sanitaire actuelle si l’on ignore les déterminants sociaux de la santé, qu'ils soient liés aux conflits, au genre, à la couleur de la peau ou à l’appartenance ethnique. Il faut envoyer des renforts dans les couches de population les plus vulnérables, sans attendre qu’il se produise une fracture.
Depuis la création de la Facilité COVAX, il était prévu de constituer une réserve (ou stock "tampon") de vaccins contre la COVID-19, flexible et renouvelable, qui pourrait servir de filet de sécurité pour les personnes qui, sinon, ne pourraient pas être vaccinées, notamment celles qui vivent dans les zones de conflit et autres situations d’urgence humanitaire.
Le 22 mars 2021, le Conseil d'administration de Gavi a décidé de consacrer 5 % des fonds de la garantie de marché (AMC) COVAX de Gavi à la constitution progressive d’une réserve de vaccins contre la COVID-19 gérée par COVAX, dont le financement se fera au fur et à mesure de la réception des fonds destinés à l’AMC. Élément essentiel de la réserve constituée par COVAX, le "tampon" humanitaire garantira l'accès aux vaccins contre la COVID-19 aux populations à haut risque en situation de crise humanitaire. Cette réserve sera le dernier recours pour certaines des populations les plus vulnérables de la planète, qui sont les plus démunies pour faire face à la COVID-19 si elles tombent malades.
Créé conjointement avec les agences humanitaires, le stock tampon se veut de portée universelle. Tous les pays et territoires participant à la Facilité COVAX, économies à faible revenu autofinancées ou éligibles à la garantie de marché, peuvent demander des doses par le biais de ce mécanisme, de même que les organisations humanitaires nationales et internationales, y compris les agences des Nations Unies, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et les organisations de la société civile concernées.
Mais la réserve humanitaire n'est ni la solution miracle pour toutes les populations à haut risque qui ont besoin d’être vaccinées, ni une alternative aux obligations des États envers ces populations. Le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) a adopté une résolution – 2565 (2021) – qui oblige les pays à garantir l'accès aux vaccins contre la COVID-19 des populations se trouvant en situation d’urgence humanitaire. Sachant que les résolutions du CSNU sont généralement considérées comme contraignantes pour les États membres, ces populations vulnérables doivent, en en premier recours, s’adresser aux programmes nationaux de vaccination contre la COVID-19, dont elles doivent pouvoir bénéficier quel que soit leur statut juridique.
Pour aller plus loin
L’utilisation de vaccins provenant de la réserve humanitaire ne pourra être envisagée qu’en "dernier recours", s’il n’est pas possible de remédier autrement aux failles de la couverture vaccinale. Chaque demande sera examinée attentivement et au cas par cas, et la décision devra se conformer aux principes d'impartialité, de neutralité, d'indépendance et d'humanité. Cela implique une évaluation minutieuse de chaque cas, en tenant compte de la complexité et de l’interconnexion des situations créées par la pandémie, de la disponibilité des doses, des moyens logistiques disponibles pour assurer leur déploiement, ainsi que des besoins des populations concernées.
La réserve humanitaire sera particulièrement utile en cas de conflit armé ou de défaillance des États ; elle permettra de protéger les populations vivant dans les zones contrôlées par des groupes armés non étatiques, inaccessibles aux gouvernements en place. En effet, la contestation de certains territoires et le contrôle de certaines zones par des acteurs non étatiques font obstacle à l'attribution et à la distribution normales des vaccins contre la COVID-19 dans le cadre de COVAX. Les populations qui pourront bénéficier des doses provenant de la réserve humanitaire sont définies dans l'Aperçu humanitaire global 2021 (mis à jour en 2022).
C’est pourquoi le Conseil d'administration de Gavi a chargé le Groupe des directeurs des situations d'urgence du Comité permanent interagences (IASC) de prendre les décisions concernant l'allocation des doses de vaccin de la réserve à usage humanitaire. Créé par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1991, l’IASC est la plus haute instance de coordination humanitaire du système des Nations Unies.
Selon l’IASC, près de 167 millions de personnes risquent d'être exclues de la vaccination contre la COVID-19, ces chiffres étant toutefois très variables et sujets à des fluctuations brutales imprévisibles suite à de nouveaux conflits ou à des catastrophes naturelles. Plus des deux tiers de ces personnes appartiennent à des économies éligibles à l'AMC COVAX de Gavi. La réserve humanitaire n’a pas pour vocation de vacciner la totalité de ces populations, mais de fournir, conformément aux recommandations du Groupe consultatif stratégique d'experts sur la vaccination (SAGE), suffisamment de doses pour vacciner les groupes à haut risque de ces populations, tout en maintenant le même taux de couverture que celui des communautés et des pays d'accueil.
La mise en place de la réserve humanitaire comporte des difficultés qui lui sont propres, qu'il s'agisse du coût de la distribution des vaccins dans les régions à faibles ressources ou des problèmes d'indemnisation et de responsabilité dans des territoires qui échappent à toute juridiction. Mais c’est également l’occasion de tirer parti de l’expérience acquise et des progrès réalisés pour améliorer l'accès à la vaccination des communautés qui en sont actuellement privées.
Comme la plupart des enfants qui échappent à la vaccination de routine vivent dans des zones fragiles et en proie à des conflits, les demandes d’accès aux doses de vaccins de la réserve humanitaire permettront de mieux connaître les populations marginalisées et à haut risque. Ces informations pourront servir à élaborer des stratégies de vaccination systématique offrant un ensemble intégré de services de santé et autres services essentiels.
Conçue pour résoudre un problème complexe, la réserve humanitaire de COVAX a un objectif très simple : Ne laisser personne de côté.