Les organisations islamiques encouragent la vaccination contre la COVID-19 en Indonésie

Pour lutter contre la pandémie de COVID-19, les organisations islamiques ne se contentent pas de promouvoir la vaccination, elles administrent également les vaccins.

  • 6 juin 2023
  • 4 min de lecture
  • par Dyna Rochmyaningsih
Des mères musulmanes apprennent à vacciner leurs enfants à Galang, au nord de Sumatra. Crédit photo : Dyna Rochmyaningsih
Des mères musulmanes apprennent à vacciner leurs enfants à Galang, au nord de Sumatra. Crédit photo : Dyna Rochmyaningsih
 

 

Fin 2019, à l’annonce de l’apparition d’une mystérieuse maladie respiratoire, Arif Nur Kholis a tout de suite compris qu’il lui fallait réunir son équipe.

« Scientifiquement, nous savions qu'il était possible que la maladie atteigne l'Indonésie », explique-t-il.

Pour le chef de la Nahdatul Ulama, « les scientifiques mènent des recherches pour comprendre les créatures de Dieu, tandis que les érudits musulmans essaient de découvrir la relation entre Dieu et les créatures ». Le religieux est convaincu que le vaccin a été envoyé par Dieu pour sauver son peuple de la pandémie.

Arif Nur Kholis était alors le secrétaire du Centre d'atténuation des catastrophes (MDMC, pour Muhammadiyah Disaster Mitigation Centre) de la Muhammadiyah, l'une des deux plus grandes organisations socio-culturelles musulmanes du pays.

Sachant que la situation pouvait se transformer en catastrophe humanitaire, « nous nous sommes immédiatement rapprochés de notre division Santé et nous avons recensé nos ressources », ajoute-t-il.

Fondée en 1908, la Muhammadiyah est connue comme le symbole de la réforme musulmane. Plutôt que de considérer la science moderne comme une menace pour les croyances religieuses, l'organisation considère la science comme un outil de développement des communautés musulmanes en Indonésie. Ahmad Dahlan, le fondateur de la Muhammadiyah, avait créé la même année la première école musulmane moderne à Yogyakarta, en Indonésie. Aujourd'hui, l'organisation compte 3 334 écoles, plus de 110 hôpitaux et 60 universités (dont 12 ont une faculté de médecine).

Suite à l’annonce de la présence de la COVID-19 dans le pays, le 2 mars 2020, le MDMC a immédiatement mis en place le Centre de crise COVID-19 de la Muhammadiyah. Disposant de milliers d'agents de santé et de nombreux contacts avec les experts en santé publique, le Centre s’est montré vigilant et réactif quand il a fallu riposter à la pandémie. Il a également mis en place un centre d'appel pour les personnes qui avaient besoin d'une ambulance ou d'un lit d'hôpital. C’est l'une des rares organisations à avoir acheté des vaccins pour les personnes qui ne travaillaient pas dans le domaine de la santé.

Originaire de Tangerang, dans la province de Banten, Furi Indah Agustin, a reçu sa première dose de vaccin en avril 2020 à l'université Muhammadiyah située à proximité.

« À cette époque, les vaccins étaient rares. On ne les trouvait pas dans les puskesmas (centres de santé locaux) ni même dans les hôpitaux privés, mais j'ai eu la chance de pouvoir me faire vacciner à la Muhammadiyah », explique-t-elle. Agustin dit avoir obtenu l'information de sa belle-mère qui fait partie de la congrégation des femmes de Muhammadiyah à Tangerang.

« À mon avis, la Muhammadiyah était vraiment aux avant-postes de la vaccination. »

Religion et vaccination

En Indonésie, la religion joue un rôle crucial dans les programmes de vaccination. De nombreux musulmans prennent très au sérieux ce que disent les religieux sur le statut halal des aliments et des médicaments qu'ils consomment. L'implication d'une grande organisation musulmane comme la Muhammadiyah s’est avérée déterminante pour la vaccination de 200 millions de personnes contre la COVID-19. « Cela a permis de renforcer la confiance dans les vaccins », reconnaît M. Kholis.

Religion and vaccination
La grande mosquée de Lhokseumawe.
Crédit photo : Dyna Rochmyaningsih

En outre, l’implantation de ces organisations au niveau local a aidé le gouvernement à promouvoir le programme de vaccination et à en faciliter l’exécution dans les zones reculées.

En 2019, le programme de vaccination contre la rougeole et la rubéole du pays avait été entravé par une fatwa émise par le Conseil indonésien des oulémas (connu sus l’abréviation MUI), qui déclarait que les vaccins utilisés à l'époque étaient haram (interdits). L'organisation avait toutefois admis que les vaccins pouvaient être utilisés pour des raisons de santé publique (maslahah) et en cas de crise sanitaire (dharurah). La fatwa avait néanmoins semé la confusion chez les parents musulmans qui ont décidé de ne pas faire vacciner leurs enfants. Ces parents ont fondé leur décision sur des fausses informations et une auto-interprétation de la fatwa. Résultat : la couverture vaccinale est inférieure à 70 % en Indonésie, Aceh étant la province où la couverture est la plus faible (10 %).

Tirant les leçons de cette erreur, Budi Gunadi Sadikin, ministre indonésien de la Santé, s'est adressé aux grandes organisations comme la Muhammadiyah pour s'attaquer à cette crise socioculturelle.

« Nous (le ministère de la Santé) ne pouvons pas gérer seuls la pandémie de COVID-19 ; nous avons besoin du soutien d'organisations comme la Muhammadiyah », a-t-il déclaré lors de sa visite au bureau central de la Muhammadiyah à Jakarta. Il s’est également rendu au bureau de la Nahdlatul Ulama (NU), l'autre organisation musulmane influente du pays. Peu après leurs réunions avec le ministre de la Santé, les deux organisations ont déclaré que « la vaccination contre la COVID-19 est pure et obligatoire » pour les musulmans.

Parallèlement, le KH Said Aqil Siradj (chef de Nahdatul Ulama), cité dans un article rédigé par Asrorun Niam (religieux faisant partie du MUI), déclarait que les scientifiques et les érudits musulmans devaient se partager la responsabilité de mettre fin à la pandémie.

« Les scientifiques mènent des recherches pour comprendre les créatures de Dieu, tandis que les érudits musulmans tentent de découvrir la relation entre Dieu et les créatures », a-t-il expliqué.

Croyant en l'harmonie entre science et religion, le religieux est convaincu que le vaccin est envoyé par Dieu pour sauver son peuple de la pandémie.

Avec l'aide de ces organisations musulmanes, l'Indonésie a atteint une couverture vaccinale contre la COVID-19 de plus de 90 %.

« On m’a dit que les vaccins faisaient partie d'une conspiration diabolique, mais je leur ai répondu qu'ils étaient faits pour la santé des individus et de toute la société », raconte l'un des membres de la congrégation Muhammadiyah à Tangerang.

Aujourd'hui, les médecins de la Muhammadiyah continuent d'administrer les vaccins contre la COVID-19 dans tout l'archipel, notamment dans l’archipel de Nusa Tenggara et en Papouasie. En collaboration avec l’USAID, l'organisation cherche à atteindre les personnes non vaccinées vivant dans les régions où la couverture vaccinale est la plus faible, dans le but de mettre fin à la pandémie.