Les luthériens du Sud malgache se font messagers de la vaccination

Les luthériens des régions du Sud de Madagascar s’organisent pour sensibiliser les gens sur la nécessité de se faire vacciner et les parents de vacciner leurs enfants. Le luthéranisme est particulièrement dynamique dans ces parties de l’île sujettes à de rudes conditions de vie, dues à la sécheresse persistante à longueur d’année.

  • 22 décembre 2022
  • 4 min de lecture
  • par Rivonala Razafison
Rue d’Amboasary Atsimo, dans le sud de Madagascar. Crédit : Rivonala Razafison
Rue d’Amboasary Atsimo, dans le sud de Madagascar. Crédit : Rivonala Razafison
 

 

Les ramifications locales de l’Eglise luthérienne malgache ou FLM servent de bons canaux pour disséminer le message en faveur de la vaccination. Une campagne de vaccination réussie dans ces régions passe obligatoirement par la conviction des leaders traditionnels, surtout les hommes. « Ceux-ci ont une influence considérable sur l’ensemble de la communauté. Ils jouent un rôle primordial pour faire croître la couverture vaccinale au niveau local », révèle Mahatradraibe Richard Ralahiarison.

Cet infirmier de carrière est depuis 2016 le responsable du dispensaire de la branche luthérienne pour les œuvres médicales (SALFA) à Amboasary Atsimo, région Anôsy. Ce centre de santé de base qui a ouvert ses portes en 2000 travaille en étroite collaboration avec le service de santé de district de la même circonscription.

« Nous assistons au culte quotidien tous les matins. Il nous est demandé de sensibiliser la famille, les proches, les connaissances, les voisins et autres individus âgés de 18 ans révolus. Depuis mars, la séance de vaccination anti-COVID auprès de notre centre de santé se tient tous les vendredis. »

Le synode d’Ambovombe Androy, quant à lui, compte 453 églises et environ 125 000 fidèles. Par la force des choses, les luthériens du Sud du pays se font messagers de la vaccination. Les grands rassemblements périodiques inscrits au programme annuel de l’entité religieuse, parmi les plus influentes à Madagascar, sont des occasions en or pour faire passer le message.

La gestion des affaires synodales occasionne chaque année une grande assise régionale qui amène à Ambovombe plusieurs milliers de représentants de toutes les ramifications locales. Des assises satellites, avec quelques milliers de délégués, se tiennent aussi au cours de l’année dans des différentes villes.

« En nous référant aux consignes de la direction générale de la SALFA, nous sensibilisons les participants sur la nécessité de se faire vacciner et de vacciner les enfants. Nous leur demandons de sensibiliser aussi les autres une fois rentrés chez eux », explique le pasteur Mampitohy.

Toutes les structures rattachées à la FLM sont concernées : école du dimanche, association des chœurs, association des diacres, croix-bleu, scouts, association des femmes, associations des hommes, association des mouvements de réveil, branche luthérienne pour le développement de l’agriculture et de l’élevage, centre luthérien pour l’assistance et la promotion des femmes…

Pasteur Elia Mampitohi, président du synode d’Ambovombe Androy. Crédit : Rivonala Razafison
Pasteur Elia Mampitohi, président du synode d’Ambovombe Androy.
Crédit : Rivonala Razafison

Les vaccins anti-COVID sont mis en vedette. Mais le vaccin pentavalent (diphtérie, tétanos, coqueluche, hemoinfluenza et hépatite B) n’est pas en reste. « La sensibilisation sur la COVID relève d’une routine journalière. Nous ne faisons pas la stratégie avancée et la stratégie fixe pour les vaccins de base. Par contre, nous sommes toujours impliqués dans les campagnes de vaccination, comme lors des campagnes contre la rougeole et la polio », dit Ralahiarison.

En ce mois de décembre, le taux de couverture vaccinale pour l’Androy, selon les données fournies par la DRS, est de 86 % pour le pentavalent 3 et de 11 à 16 % [suivant les districts] pour l’anti-COVID. La forte emprise des facteurs socioculturels sur les manières de penser des gens et les croyances populaires alimentées par les rumeurs inhibent la conviction de certains à l’égard des vaccins.

De plus, des localités se révèlent dangereuses et inaccessibles. « Pour des raisons de sécurité et par manque de moyens, nos interventions couvrent 65 à 70 % du district d’Amboasary Atsimo », regrette Ralahiarison.

S’ajoute au blocage la précarité des conditions de vie dans les régions concernées. « L’alimentation et l’eau : c’est ce qui intéresse le plus et avant tout les habitants d’Androy. Lorsqu’ils sont bien nourris, ils ont des corps à même de résister à certaines maladies », tonne Tazavo Remanjafy, un fervent luthérien domicilié dans la banlieue ouest d’Ambovombe.

Les luthériens du Sud auraient pu faire mieux s’ils bénéficiaient des conditions favorables. « Nous assistons au culte quotidien tous les matins. Il nous est demandé de sensibiliser la famille, les proches, les connaissances, les voisins et autres individus âgés de 18 ans révolus. Depuis mars, la séance de vaccination anti-COVID auprès de notre centre de santé se tient tous les vendredis. Voilà ce qu’il en est de notre stratégie qui n’intègre pas encore les dispositifs de vaccin pour les enfants », confie Dr Papin R. Ralahy, médecin traitant généraliste responsable de la vaccination anti-COVID auprès de la SALFA à Antananarivo.

Les communications du ministère de la Santé publique rendent compte d’un accroissement du nombre de nouveaux cas de contamination à la COVID à Madagascar ces dernières semaines. Un relâchement du respect des mesures-barrières est observé.

« Le contexte est propice à la relance de la sensibilisation à l’échelle. Il s’agit de lutte pour toute la nation. Les personnes vaccinées se protègent elles-mêmes et protègent aussi les autres », rappelle le médecin d’obédience luthérienne.

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