Les matrones, ces femmes clés pour atteindre les enfants zéro dose à Madagascar

Les matrones dans la commune rurale de Morarano Gara, dans le district de Moramanga, apparaissent comme des partenaires clés pour cibler les enfants zéro dose. A cette fin, le personnel du centre de santé de base niveau 2 (CSB II) local consolide depuis février la collaboration avec elles. Il entend continuer sur cette lancée en intensifiant la sensibilisation visant les femmes à partir de ce mois de mars.

  • 9 mars 2023
  • 4 min de lecture
  • par Rivonala Razafison
La matrone et masseuse traditionnelle Blandine Rasoamalala. Crédit : Rivonala Razafison
La matrone et masseuse traditionnelle Blandine Rasoamalala. Crédit : Rivonala Razafison
 

 

On recense plus d’une centaine d’enfants zéro dose dans le territoire de cette commune localisée sur les Hautes Terres orientales de l’île. L’effectif paraît énorme par rapport à la taille de la population : environ 19 000 habitants répartis dans sept fokontany. Dans le système malgache, le fokontany constitue la plus petite unité administrative. « Nous avons identifié une quarantaine d’enfants non vaccinés dans les fokontany de Morarano (où se situe le CSB II, ndlr) et de Sakalava », révèle le médecin-chef Dr Narisoa Rakotomalala.

Lors de la stratégie avancée de 2022, le CSB II et ses satellites se sont fixés l’objectif de vacciner 95 % des 909 enfants, soit 16 % de la population. Avec 93,17 % des enfants vaccinés, la cible était presque atteinte. Mais les enfants manqués représentent un grand enjeu pour l’équipe de santé locale. La recherche des explications plausibles à cette différence est ainsi tombée dans la réflexion commune.

« Je leur rappelle que, dans le temps, nous étions très inquiètes lorsque les enfants étaient atteints de rougeole. Nous avons maintenant le vaccin et en remercions Dieu. Cette maladie a cessé d’exister dans la communauté depuis que le vaccin est arrivé ».

« Le 13 février, nous avons élaboré la micro-planification pour les vaccins de routine. C’est alors qu’une des matrones nous a fait part du souci des femmes enceintes, les résidentes des contrées lointaines notamment, qui choisissent de recourir à la prestation des tradipraticiennes au moment d’accoucher. Par peur, elles évitent de se rendre aux CSB pour faire vacciner leurs bébés après », révèle le jeune médecin. C’était le déclic nécessaire pour mettre en place une approche adaptée au contexte local afin de faire sauter les barrières.

Les matrones aux côtés des femmes enceintes et des jeunes mères

Avec l’appui des responsables à la base et des notables, les matrones sont exhortées à encourager leurs « clientes », les femmes allaitantes, à amener leurs bébés aux CSB les plus proches pour les vaccins. « Nous servons de sécurité morale aux principales concernées si elles ont peur de se présenter seules à l’équipe médicale », dit Simon Andrianirina, un des notables impliqués dans la sensibilisation.

Dr Narisoa Rakotomalala
Dr Narisoa Rakotomalala
Crédit : Rivonala Razafison

« Je travaille avec sept différentes associations de femmes. J’agis à travers elles pour faire passer le message aux femmes qui ont accouché hors maternité mais qui hésitent à se fier au personnel de santé après l’accouchement », ajoute Jean-Christ Randrianarivonjy, un autre notable. Les éducateurs et les leaders religieux aussi sont sollicités pour donner un coup de main.

Par ailleurs, les matrones sont incitées à pousser les femmes enceintes qui viennent les consulter à procéder aux consultations prénatales afin qu’elles puissent recevoir des doses de vaccin qui leur sont réservées. Il leur est aussi rappelé les précautions à prendre en matière d’hygiène pour prévenir toute éventuelle infection lors de l’accouchement assuré par les matrones.

« J’habite non loin du CSB. Mes clientes passent chez moi avant d’y aller. Elles en font de même au retour. Elles sont toutes vaccinées. Au moment d’accoucher, je les accompagne jusque chez les sages-femmes. Elles font aussi vacciner leurs bébés. Je tiens à leur rafraîchir la mémoire si elles oublient de le faire », témoigne Blandine Rasoamalala, une matrone de 53 ans résidant au chef-lieu de la commune.

Son homologue Honorine Ravaoarimanana, 70 ans, à Ilampy, raconte que beaucoup sont passées chez elle chaque année. Aucune n’a refusé les vaccins. « Je leur rappelle que, dans le temps, nous étions très inquiètes lorsque les enfants étaient atteints de rougeole. Nous avons maintenant le vaccin et en remercions Dieu. Cette maladie a cessé d’exister dans la communauté depuis que le vaccin est arrivé », se réjouit-elle.

la matrone Honorine Ravaoarimanana
La matrone Honorine Ravaoarimanana
Crédit : Rivonala Razafison

L'éducation doit continuer

Cependant, certaines familles restent réticentes, croyant que leurs enfants, en bonne santé, n’ont pas besoin de vaccins ou doivent les éviter car ils les rendraient malades, en rapport à la petite fièvre qui survient quelques heures après la séance de vaccination.

« Les gens comprennent mal le fonctionnement des vaccins. Ils ont besoin d’éducation à ce sujet. La tâche primordiale consiste à leur donner de la façon la plus succincte possible la définition des vaccins, leurs bénéfices pour la santé et la réaction de l’organisme aux doses administrées. S’ils reçoivent ces informations, ils amènent d’eux-mêmes leurs enfants aux CSB », observe Antonio Rakotonindrina, un responsable pédagogique.

Les matrones sont des actrices incontournables en milieu rural malgache en prise avec la pauvreté. Ces personnes, avec d’autres catégories de tradipraticiennes comme les masseuses traditionnelles, sont sociologiquement plus proches des ménages modestes. Chaque village et hameau de Morarano Gare compte au moins une matrone.

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