Au Congo, accélération de la vaccination contre la rougeole pour sauver des vies d'enfants

En avril 2022, la République du Congo signalait 132 décès liés à la rougeole sur 6.259 cas enregistrés depuis le début de cette année sur l'ensemble du territoire congolais.

  • 20 juin 2022
  • 5 min de lecture
  • par Rosie Pioth
Stock de vaccins RR contre la rougeole en attente de déploiement. Crédit : Rosie Pioth
Stock de vaccins RR contre la rougeole en attente de déploiement. Crédit : Rosie Pioth
 

 

Ingrid Nganga est veuve. A la douleur causée par la perte de son époux en juin 2021, s’est rajoutée celle de la perte de sa fille en mars 2022. Le souvenir de cette perte est encore vif dans sa mémoire.

« J’ai perdu ma petite fille par manque de connaissances. Elle avait cinq mois et n’était pas vaccinée contre la maladie, et je n’avais jamais vu un enfant souffrir de la rougeole, donc je ne maitrisais pas les symptômes », nous raconte-t-elle. « Elle a commencé par des vomissements aigus qui ont été suivis de fièvre et de diarrhée. Tout s’est passé très vite », ajoute-t-elle.

Pour contrer la résurgence de la rougeole à travers le territoire national, le Programme Elargi de Vaccination (PEV) prépare une riposte axée sur la vaccination des enfants de 6 mois à 9 ans sur l'ensemble du territoire national.

Après avoir observé tous ces symptômes, la veuve décide d’emmener son enfant à un centre médical privé, où elle sera orientée vers une grande structure hospitalière de la ville de Pointe-Noire, qui diagnostiquera la rougeole. Après avoir hésité, elle accepte finalement que la petite malade soit prise en charge, mais une prise en charge qui s’est avérée tardive.

« Vu qu’elle avait eu de la diarrhée, il a été impossible de la mettre sous perfusion. Elle a été placée sous oxygène car elle ne bougeait plus. J’ai constaté des plaies sur son fessier, et un traitement lui a été prescrit. Malheureusement, ce traitement n’a pas eu d’effets sur elle car une semaine après notre admission à l’hôpital, elle nous a laissé », lâche-t-elle, très émue.

Selon le ministère de la santé, le département de Pointe-Noire, capitale économique du pays, constitue l'épicentre de l'épidémie avec 5.488 cas notifiés dont 112 décès. Et pour contrer la résurgence de la rougeole à travers le territoire national, le Programme Elargi de Vaccination (PEV) prépare une riposte axée sur la vaccination des enfants de 6 mois à 9 ans sur l'ensemble du territoire national. Dr Alexis Mourou Moyoka, médecin colonel et pédiatre, est le responsable du PEV en République du Congo. Il explique :

« Du 30 juillet au 5 août 2022, nous allons lancer cette riposte qui va cibler les enfants âgés de 6 mois à 9 ans. L’objectif de cette campagne est d’atteindre 95% des enfants ciblés, soit 1.243.000 enfants, en mettant en œuvre plusieurs stratégies », déclare –t-il.

Dr Alexis Mourou. Crédit : Rosie Pioth
Dr Alexis Mourou. Crédit : Rosie Pioth

Parmi les stratégies mises en place pour atteindre les résultats escomptés, le PEV prévoit le déploiement des équipes en vue d’atteindre les enfants vivant dans un rayon de 5 à 20 km des centres de vaccination et même au-delà, ainsi que la vaccination dans les centres de santé et les postes supplémentaires comme les écoles, les marchés, les gares routières…

Qu’est-ce qui explique cette résurgence de la rougeole en République du Congo ?

Le facteur majeur qui explique la résurgence de l’épidémie actuelle est la faible couverture vaccinale aggravée par la crise sanitaire due à la pandémie de COVID-19, entrainant une accumulation importante d’enfants susceptibles, affirme Dr Alexis Mourou.

« La couverture vaccinale nationale a connu une augmentation de 69 à 79% entre 2017 et 2019, soit un gain de 10 points en deux ans. Mais la survenue de la crise sanitaire due à la pandémie de COVID-19 a occasionné une baisse de la couverture vaccinale nationale à 73% en 2020 », ajoute le médecin.

Pour éviter une situation semblable à l’avenir, il est primordial de faire de la prévention.

Pour parvenir à contrer cette résurgence, le plan mis en place par les autorités sanitaires du pays va intégrer cinq piliers parmi lesquels l’engagement communautaire, la vaccination, la surveillance épidémiologique ainsi que l’approvisionnement en vaccins de qualité et la logistique de soutien à la vaccination.

Aux moyens matériels mis en place pour la réussite de cette campagne, il faut ajouter des moyens humains qui seront mis à contribution, à savoir les agents de santé, les leaders d’opinions tels que les religieux, les chefs communautaires, les ONG…

Cette campagne de riposte à l’épidémie de rougeole est organisée de façon intégrée avec la campagne préventive de masse contre la fièvre jaune, qui elle va cibler toutes les personnes âgées de 9 mois à 60 ans, et se déroulera dans les 52 districts sanitaires que compte le Congo.

Pour éviter une situation semblable à l’avenir, il est primordial de faire de la prévention. A cet effet, il est important non seulement de renforcer la vaccination de routine, la surveillance épidémiologique et la communication en faveur de la vaccination, mais surtout de faire en sorte que la communauté adhère massivement à la campagne de vaccination réactive à l’épidémie en cours, et maintenir cette adhésion en respectant le calendrier vaccinal pour la vaccination de routine, a conclu le pédiatre.

Comme pour Ingrid Nganga, le ministère de la santé a affirmé en avril dernier que la plupart des décès survenus lors de cette résurgence ont eu lieu chez les personnes admises tardivement dans les centres de prise en charge après l'échec de l'automédication ou du recours aux pratiques traditionnelles.

« J’ai eu des enfants qui sont tombés malades, mais la rougeole, vraiment, c'est une maladie grave. Elle a tué beaucoup d’enfants autour de moi et chez moi aussi », a conclu la veuve Nganga.

Suivez sur Twitter : @MassengoRosie