On a parlé vaccins avec... Dr Jean Mermoz Youndouka, Directeur du Programme National de Lutte contre le Paludisme en République du Congo

Le paludisme est l’une des maladies qui touche le plus de personnes au Congo : en 2020, on estimait qu’il y avait 324 cas pour 1000 habitants. C’est la raison pour laquelle le ministère de la Santé a lancé en décembre 2022 une campagne de distribution des moustiquaires imprégnées pour lutter contre la propagation de la maladie, première cause de mortalité chez les enfants de moins de 5 ans.

  • 6 janvier 2023
  • 5 min de lecture
  • par Rosie Pioth
Dr Jean Mermoz Youndouka. Crédit : Rosie Pioth
Dr Jean Mermoz Youndouka. Crédit : Rosie Pioth
 

 

VaccinesWork : Parlez-nous du programme que vous pilotez. Pourquoi avoir organisé en décembre 2022 une distribution de masse de moustiquaires imprégnées sur l’ensemble du territoire national ?

Dr Jean Mermoz Youndouka : Le PNLP est une direction centrale rattachée au cabinet du ministre de la Santé et de la population. Nous sommes, à ce titre, l’organe technique du ministère de la santé et de la population pour coordonner la lutte contre le paludisme en République du Congo.

La présente campagne de distribution gratuite de masse de moustiquaires imprégnées d’insecticides à longue durée d‘action (MILDA) est une suite logique des précédentes campagnes organisées en 2011-2012 et 2019-2020. En effet, notre pays avait opté pour lutter contre le paludisme par la mise en œuvre de plusieurs interventions de lutte antivectorielle, dont l’utilisation des moustiquaires imprégnées. L’efficience de cette intervention par rapport à la pulvérisation intra-domiciliaire d’insecticides à effet rémanent justifie la multiplication de ces campagnes de masse qui nous aiderons à réduire la morbidité et la mortalité liées au paludisme.

En résumé, cette campagne permet de renouveler les moustiquaires distribuées en 2019 et 2020 car celles-ci étaient devenues obsolètes.

La mise sur le marché du premier vaccin contre la malaria a suscité de l’espoir dans la lutte contre ce fléau. Quand les populations congolaises peuvent-elles espérer y avoir accès aussi ?

Ce vaccin tant attendu est une arme supplémentaire de notre arsenal de lutte contre le paludisme. La République du Congo, à l’instar des autres pays de la sous-région, est dans le processus d’acquisition et de distribution de vaccins au sein de la population cible. Une requête a été soumise à l’Organisation mondiale de la santé pour aider le pays à remplir les conditions nécessaires au déploiement, et très rapidement il sera possible de faire bénéficier de ce vaccin nos enfants à travers une action concertée entre le programme national de lutte contre le paludisme et le programme élargi de vaccination.

« Ce vaccin a déjà fait ses preuves dans d’autres pays (Malawi, Kenya et Ghana depuis 2019) qui sont dans le même contexte que nous. Mais il faut souligner la nécessité d’associer ce vaccin aux autres stratégies de lutte contre le paludisme . »

Comment va se passer l’introduction du vaccin contre le paludisme dans le programme élargi de vaccination ?

Selon les recommandations de l’OMS, ce vaccin sera prioritairement utilisé dans les zones de forte endémicité du paludisme, et le poids épidémiologique du paludisme par district sanitaire sinon par aire de santé sera déterminé par les équipes du programme national de lutte contre le paludisme. Toute la logistique en lien avec l’acquisition, la conservation et la distribution sera assurée par le programme élargi de vaccination.

Il est prévu que nous puissions atteindre tous les enfants qui vivent dans les zones endémiques comme recommandé par l’OMS.

Quelle est la durée de protection du vaccin ?

Le vaccin antipaludique RTS,S/AS01 a reçu un avis scientifique favorable de l'Agence européenne des médicaments (EMA) en juillet 2015. L'Organisation mondiale de la santé a recommandé l'introduction pilote de ce vaccin chez des enfants âgés d'au moins 5 mois en utilisant un schéma de vaccination comprenant trois doses initiales espacées d'au moins un mois et une 4ème dose administrée 15 à 18 mois après la troisième dose.

Après une quatrième dose, ce vaccin permet d'améliorer et d'étendre la protection contre le paludisme grave tout en évitant l'augmentation du risque pendant au moins 2 ans.

Ce vaccin a déjà fait ses preuves dans d’autres pays (Malawi, Kenya et Ghana depuis 2019) qui sont dans le même contexte que nous. Mais il faut souligner la nécessité d’associer ce vaccin aux autres stratégies de lutte contre le paludisme à savoir l’utilisation des moustiquaires imprégnées d’insecticides à longue durée d’action et la pulvérisation intra-domiciliaire, sans oublier l’assainissement péri et intra-domiciliaire.

Pensez-vous que les Congolais accepteront facilement ce nouveau vaccin ?

Ce vaccin est salvateur, il n’y a pas de raison à ce que la population le rejette. Bien entendu, il nous faudra bien communiquer pour sensibiliser et conscientiser nos compatriotes, et dans ce processus, les médias ont une grande part de responsabilité.

Êtes-vous optimiste quant au fait que le Congo pourra éliminer le paludisme ?

Sur les trois phases que comporte la maladie, le Congo se trouve à la phase 2 qui est celle du contrôle, et le pays envisage l’élimination du paludisme d’ici l’horizon 2030. Donc oui, si nous conjuguons les efforts - car la lutte est multi disciplinaire et multisectorielle -, nous pourrions arriver à l’élimination de ce fléau comme viennent de le faire récemment l’Algérie et la Chine.

Autre chose à dire en ce qui concerne la lutte contre le paludisme en général, et la vaccination contre le paludisme en particulier ?

Le traitement du paludisme est gratuit dans les formations sanitaires publiques et confessionnelles à but non lucratif pour les enfants de moins de 15 ans. Par ailleurs, il coûte 1500 francs pour le reste de la population. La distribution de la MILDA est gratuite pour le compte de la campagne en cours. La vaccination est un autre moyen qui nous permettra de lutter efficacement contre le paludisme, donc ensemble et avec l’effort de tous, l’élimination du paludisme est possible !