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Le Bénin se prépare au déploiement historique du vaccin contre le paludisme

Le 25 avril, le Bénin commencera à administrer le vaccin antipaludique RTS,S aux enfants, une mesure qui, selon les experts, pourrait changer la donne pour une maladie qui cause plus de 10 000 décès par an.

  • 23 avril 2024
  • 7 min de lecture
  • par Edna Fleure
Environ 200 000 enfants béninois devraient recevoir dès cette année le vaccin RTS,S contre le paludisme. Crédit : Edna Fleure
Environ 200 000 enfants béninois devraient recevoir dès cette année le vaccin RTS,S contre le paludisme. Crédit : Edna Fleure
 

 

« Plusieurs crashes d’avions »

Le docteur Godwin Kpoton, médecin dans la zone communautaire de Lalo au sud-ouest du Bénin, a vu trop de jeunes enfants vulnérables succomber au paludisme. 

« J'ai toujours très mal en tant que médecin d'accueillir des enfants en consultation et de ne pouvoir, dans certains cas, rien faire pour les sauver. Parfois, les parents mettent du temps à prendre la décision de conduire leurs enfants à l'hôpital en fonction de leurs moyens. Quand le pire est évité, on ne sait pas si l'enfant aura des séquelles. »

Selon l'OMS, plus de 5,1 millions de cas de paludisme et 11 000 décès ont été signalés, principalement chez les enfants de moins de cinq ans, en 2022 au Bénin, un pays d'environ 13,4 millions d'habitants. Ces sinistres statistiques pourraient être sur le point de s'améliorer : le 25 avril, à l'occasion de la Journée mondiale du paludisme, le pays entamera la distribution du vaccin antipaludique RTS,S aux enfants, dans le cadre de son programme de vaccination systématique.

Pour le Dr Rodrigue Kakpo Zannou, médecin à l'hôpital de zone de d'Abomey-Calavi dans le sud du pays, « on ne devrait plus payer un si lourd tribut pour le paludisme, surtout quand il s'agit des enfants ». 

« Si les autres moyens de prévention que nous connaissons suffisaient, nous n'aurions pas autant d'enfants décédés. Le nombre d'enfants qui meurent chaque année dans les centres de santé au Bénin est l'équivalent de plusieurs crashes d'avions. »

– Dr Rodrigue Kakpo Zannou, médecin à l'hôpital de zone de d'Abomey-Calavi

« Si les autres moyens de prévention que nous connaissons suffisaient, nous n'aurions pas autant d'enfants décédés. Le nombre d'enfants qui meurent chaque année dans les centres de santé au Bénin est l'équivalent de plusieurs crashes d'avions. Donc je pense que c'est parce que les autres moyens de prévention ne suffisent pas qu'on est obligé de recourir à d'autres mécanismes de prévention comme le vaccin. »

Réduire le nombre de cas graves

La manifestation d'intérêt pour l'introduction de ce vaccin dans le programme de vaccination de routine avait été soumise par le gouvernement béninois, et approuvée par Gavi, l'Alliance du Vaccin, mettant ainsi le Bénin dans le rang des douze premiers pays agréés à bénéficier de cette initiative. 

La cérémonie officielle de réception de ces 215 900 doses du vaccin a été présidée par le ministre de la Santé du Bénin, Benjamin Hounkpatin, et le coordonnateur résident des Nations Unies, en présence des chefs d'agences de l'UNICEF et de l'OMS, ainsi que des responsables de l'Agence Nationale des Soins de Santé Primaires.

La cérémonie officielle de réception de 215 900 doses du vaccin RTS,S a eu lieu en janvier 2024, en présence entre autres du ministre de la Santé du Bénin, Benjamin Hounkpatin.
Crédit : Edna Fleure

L'intégration du vaccin antipaludique dans le Programme élargi de vaccination (PEV) devrait réduire les cas de paludisme grave dans la cohorte vaccinée et avoir un impact substantiel sur la diminution de la mortalité infantile. Le Dr Faustin Yao, spécialiste vaccination au bureau UNICEF, a déclaré : « la réception de ces premières doses de vaccin est un réel exploit. Un exploit de pouvoir administrer ces vaccins aux enfants afin de les sauver, diminuer drastiquement le nombre d'enfants qui meurent du paludisme. Pour cette première année d'introduction, environ 200 000 enfants seront pris en compte. Le schéma qui a été adopté est un schéma à 4 doses (6 mois, 7 mois, 9 mois et enfants de moins de 2 ans) », a souligné l'expert.

« Quand je pense aux économies en ressources grâce à la réduction des hospitalisations ; quand je pense à l'allègement de la pression sur le système de santé du pays, alors je suis convaincu que nous touchons là quelque chose de grand. Et nous sommes parfaitement fondés de célébrer cela »

– Salvator Niyonzima, Coordinateur résident des Nations unies

Le paludisme exerce une pression énorme sur le système de santé du Bénin, comme l'a souligné Salvator Niyonzima, le Coordinateur résident des Nations unies pour le pays, sur le tarmac de l'aéroport en janvier. « Quand je pense aux économies en ressources grâce à la réduction des hospitalisations ; quand je pense à l'allègement de la pression sur le système de santé du pays, alors je suis convaincu que nous touchons là quelque chose de grand. Et nous sommes parfaitement fondés de célébrer cela », a-t-il dit.

Les experts en santé et les décideurs sont unanimes pour souligner que pour obtenir un impact optimal, les vaccins antipaludiques doivent être intégrés de manière transparente aux autres recommandations de l'OMS pour le contrôle du paludisme. Cela englobe l'utilisation de moustiquaires imprégnées d'insecticide, la pulvérisation d'insecticides à l'intérieur des habitations, le traitement préventif intermittent pour les femmes enceintes, l'accès aux médicaments antipaludiques, ainsi qu'une gestion efficace des cas et des traitements, comme l'a souligné le ministre de la Santé Benjamin Hounkpatin.

« Je ferai partie des premiers »

De son côté, le ministre de la Santé, Benjamin Hounkpatin, a exprimé sa joie tout en invitant les populations à faire preuve de volonté lors de la campagne de vaccination contre le paludisme. « J'encourage les populations, en particulier les parents, à faire vacciner leurs enfants contre le paludisme pour les protéger contre cette maladie mortelle. C'est le lieu aussi pour moi d'exhorter les agents de santé de tous ordres à poursuivre les efforts afin que les objectifs de couverture vaccinale soient atteints. Je voudrais une fois encore rappeler aux populations que la vaccination reste et demeure l'une des stratégies les plus sûres, efficaces et rentables pour lutter contre les maladies. Je garde espoir qu'avec l'initiative de la vaccination contre le paludisme nous arriverons bientôt à bout », a déclaré le ministre de la santé. 

« Je crois que je ferai partie des premiers sur la liste de ceux qui iront faire vacciner leurs enfants. J'invite les parents à conduire les enfants se faire vacciner lorsque la campagne sera lancée. Il y va de notre intérêt. Et c'est de la santé de nos enfants qu'il s'agit »

– Inès A., agent permanent de l'État

Pendant ce temps, le Dr Kakpo Zannou reconnaît les défis potentiels à venir. Il est conscient qu'il faudra déployer des efforts considérables pour convaincre les parents de l'importance de ce nouveau vaccin. « Comme tout nouveau vaccin, je sais que beaucoup seront réfractaires à ce qu'il soit administré à leurs enfants, mais je pense qu'avec les expériences passées, on mettra beaucoup plus l'accent sur la communication et la sensibilisation communautaire afin de leur faire comprendre le bien-fondé de ce vaccin pour qu'on ne se retrouve pas avec des polémiques inutiles », espère-t-il.

Pour de nombreux parents, ce vaccin n'arrive pas trop tôt. Inès A. est un agent permanent de l'État. Bientôt une semaine qu'elle est en arrêt en raison de l'hospitalisation de son enfant d'un an, au centre hospitalier de la mère et de l'enfant, après avoir a développé une forme grave du paludisme avec une anémie sévère. « Je crois que je ferai partie des premiers sur la liste de ceux qui iront faire vacciner leurs enfants. Je sais ce que je dépense pour les soins de mon enfant. Je ne crois pas que l'on puisse vouloir tuer nos enfants avec un vaccin. J'invite les parents à conduire les enfants se faire vacciner lorsque la campagne sera lancée. Il y va de notre intérêt. Et c'est de la santé de nos enfants qu'il s'agit ».

« Je ne supporte plus de voir le désespoir des parents qui ont perdu leurs enfants à cause du paludisme. »

– Dah-Bolinon Hounlidji, leader religieux

Mais Olga H. dit ne pas être sûre de conduire son enfant de 6 mois recevoir sa première dose. Elle craint même que cela lui soit administré sans son consentement lors des séances de vaccination de routine. « Je suis sceptique. Je me méfie beaucoup », dit-elle. Mais elle ne ferme pas la porte. « Je veux qu'on m'explique réellement. Si je suis convaincue, je ferai vacciner mon enfant. Sinon je vais continuer avec ce que je faisais avec mes autres enfants ».

Le Programme Élargi de Vaccination a formé lesagents vaccinateurs afin qu'ils soient outillés pour faire face aux diverses préoccupations des parents comme Olga H. De plus, au sein de la société civile, on compte les jours jusqu'au démarrage effectif de cette campagne de vaccination. Dah-Bolinon Hounlidji, un leader religieux qui se sent souvent impuissant face aux décès d'enfants dus au paludisme dans sa localité, est déterminé à sensibiliser les membres de sa communauté éligibles à l'importance du vaccin. « Je ne supporte plus de voir le désespoir des parents qui ont perdu leurs enfants à cause du paludisme. »