Portrait vaccinal : le vaccin contre le VPH

Sachant que le cancer du col de l'utérus tue une femme toutes les deux minutes, il faut absolument déployer la vaccination contre le virus du papillome humain (VPH) qui peut prévenir la quasi-totalité de ces cancers meurtriers.

  • 3 novembre 2022
  • 4 min de lecture
  • par Priya Joi
Illustration en 3D de l’infection du col de l’utérus par un virus à ADN, le virus du papillome humain
Illustration en 3D de l’infection du col de l’utérus par un virus à ADN, le virus du papillome humain

 

 

Nous sommes en 1951 ; un cancer du col de l’utérus est diagnostiqué chez une jeune femme noire, mère de cinq enfants, dans un hôpital du Maryland, aux États-Unis. Elle subit un traitement au radium, ce qui est alors le meilleur traitement disponible, mais elle meurt au bout de quelques mois. Les chercheurs ont mis en culture, pour les étudier, les cellules cancéreuses prélevées chez cette patiente. Ils sont stupéfiés : ces cellules, à la différence de celles qui proviennent d’autres patients, se divisent indéfiniment ; leur nombre double tous les jours.

Le cancer du col de l'utérus reste l'une des principales causes de décès chez les femmes [dans les pays à faible revenu] : par manque d’accès au dépistage, le diagnostic est souvent posé alors qu’il est trop tard.

La patiente s’appelait Henrietta Lacks, et la lignée constituée à partir des cellules qui lui ont été prélevées, baptisées HeLa en son honneur, allait avoir un impact profond sur la médecine moderne. Cette lignée de cellules humaines, la première à pouvoir être cultivée indéfiniment in vitro, a eu une importance considérable dans la recherche sur le cancer, sur les maladies infectieuses et dans le développement des biotechnologies. Les propriétés de prolifération exceptionnelles des cellules HeLa ont constitué le premier indice laissant entrevoir le rôle des virus (en l’occurrence, le VPH) dans certains cancers. Les cellules HeLa ont également joué un rôle important dans la mise au point des vaccins contre la poliomyélite et la COVID-19 et dans l'étude du sida. Utilisées par pratiquement tous les laboratoires de biologie, les lignées de cellules HeLa ont été établies à partir d’un prélèvement dont Henrietta Lacks n’avait pas été informée – et auquel elle n’avait évidemment pas consenti ; pas plus que sa famille n’a été informée de leur importance pour la science. C'est l'un des nombreux exemples de recherches médicales menées aux États-Unis sur des personnes noires sans leur consentement. Obtenue dans des conditions douteuses et largement controversées, la contribution d’Henrietta Lacks a néanmoins permis de sauver des millions de vies.

LE DÉVELOPPEMENT DU VACCIN

Au début des années 1980, le virologue allemand Harald sur Hausen savait que les verrues génitales pouvaient entraîner des carcinomes épidermoïdes et que ces verrues contenaient des particules de papillomavirus. Il a ensuite pu identifier l'ADN du VPH dans des biopsies de cancer du col de l'utérus, découverte qui lui a valu le prix Nobel de médecine en 2008.

Il est difficile de savoir exactement qui est à l’origine du vaccin. Plusieurs équipes de recherche - à l'université de Rochester (New York), à l'université de Georgetown (Washington, DC) et à l'université du Queensland (Brisbane, Australie) - revendiquent toutes la paternité du vaccin de Merck ou de GlaxoSmithKline. Les deux vaccins sont constitués de protéines L1 du virus du papillome qui s’assemblent pour former des pseudo-particules virales (VLP, pour Virus-Like Particles) lesquelles, injectées dans l’organisme, induisent la production d’anticorps capables de neutraliser le VPH.

Le vaccin permet prévenir pratiquement tous les cas de cancer du col de l'utérus, cancer caractérisé par la croissance de cellules anormales dans le col de l'utérus entraînant des saignements vaginaux et des douleurs pelviennes. Diagnostiqué tardivement, ce cancer peut être mortel, d’où l’importance du dépistage. En 2020, ce cancer a tué 342 000 femmes, dont 90 % dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Le vaccin protège également contre les cancers de l'anus, de la bouche, de la gorge, de la tête et du cou, cancers beaucoup plus rares, mais qui frappent aussi bien les hommes que les femmes.

Depuis 2016, Gavi a aidé à intensifier les programmes de vaccination contre le VPH dans 24 pays à faible revenu, tout en cherchant à faire baisser le coût du vaccin.

UNE MENACE VITALE POUR LES FEMMES

La vaccination contre le VPH est particulièrement importante pour les pays à faible revenu, où le cancer du col de l'utérus reste l'une des principales causes de décès chez les femmes : par manque d’accès au dépistage, le diagnostic est souvent posé alors qu’il est trop tard.

De plus, c’est dans ces pays que l’on compte le plus grand nombre de femmes séropositives pour le VIH. Or le risque d’infection par le VPH et de développement subséquent d’un cancer est plus élevé chez les personnes dont le système immunitaire a été affaibli par le VIH : le risque de développer un cancer du col de l'utérus est six fois plus élevé chez les femmes vivant avec le VIH que chez les femmes séronégatives.

UNE MENACE CONSTANTE

Les effets des initiatives visant à améliorer l'accès à la vaccination contre le VPH ne seront pas visibles immédiatement, même si le cancer du col de l'utérus tue une femme toutes les deux minutes. Le VPH étant un virus sexuellement transmissible, il est recommandé de vacciner les adolescentes avant les premiers rapports sexuels, alors que la maladie se manifeste plus tard dans la vie.

Pour s’assurer que les filles y aient accès, la vaccination s’effectue souvent en milieu scolaire. Mais même quand la vaccination s’effectue à l’école, la couverture vaccinale est souvent faible, en raison du manque de financement pérenne pour les mesures d’accompagnement, notamment l’intégration de l’information sur la vaccination contre le VPH dans les programmes scolaires. À cela s’ajoutent l'absentéisme des adolescentes pour des raisons économiques et sociales (notamment du fait des discriminations sexuelles), le manque de connaissances sur l’importance de cette vaccination (y compris chez le personnel de santé), les croyances selon lesquelles le vaccin serait dangereux et les difficultés à se rendre dans les centres de santé pour se faire vacciner.

La pandémie de COVID-19 a aggravé les difficultés auxquelles les programmes de vaccination contre le VPH sont déjà confrontés et eu un impact majeur sur les taux de vaccination. La fermeture des écoles dans le monde entier a perturbé la vaccination contre le VPH et ralenti la généralisation de son déploiement dans de nombreux pays. L'Alliance du Vaccin continue à travailler en étroite collaboration avec les partenaires et les gouvernements à travers l’Afrique et l'Asie pour relancer le déploiement de cette vaccination qui peut sauver la vie de nombreuses femmes.