Choléra en Haïti : A l’hôpital Saint-Damien, une prise en charge spéciale pour les jeunes enfants

Les enfants âgés de 1 à 9 ans font partie des catégories majoritairement touchés par l’épidémie de choléra qui sévit depuis plusieurs mois en Haïti, selon le ministère haïtien de la santé. A l’hôpital pédiatrique Saint-Damien, les équipes restent mobilisées pour soigner les plus jeunes patients.

  • 26 janvier 2023
  • 5 min de lecture
  • par Laura Louis
Des soignants de l'hôpital pédiatrique Saint-Damien. Crédit : Laura Louis
Des soignants de l'hôpital pédiatrique Saint-Damien. Crédit : Laura Louis
 

 

À quelques mètres de l’enceinte de l’hôpital Saint-Damien, se trouve le centre de traitement de choléra pour enfants. Des messages de sensibilisation sur l’hygiène sont affichés à l’entrée et à l’intérieur du centre qui se démarque du reste de l’hôpital. « Il est ainsi situé pour éviter des contacts avec les autres services de l’établissement », explique Dr Margareth Narcisse, la directrice médicale de l’hôpital pédiatrique Saint Damien, situé à Tabarre, dans l’arrondissement de Port-au-Prince, la capitale d’Haïti. Le centre reçoit des enfants de 0 à 14 ans présentant des signes et symptômes du choléra notamment la diarrhée.

Depuis la réapparition de cette maladie diarrhéique dans le pays de la Caraïbe, en octobre 2022, le centre de traitement de l’hôpital Saint Damien a déjà pris en charge plus d’une centaine de jeunes patients. Au mois d’octobre, 58 enfants y ont été admis selon les bases de données de l’hôpital. En novembre, le nombre est passé à 106 patients, tandis qu’en décembre, il n’y avait que 77 cas confirmés au choléra, toujours selon les données de l’hôpital.

Une nouvelle année apaisée

Pour le Nouvel An, Saint-Damien a déjà reçu une vingtaine de jeunes patients. Ce 11 janvier 2023, il n’y a que trois enfants dans le centre. « Nous avons deux salles pour la prise en charge des patients atteints du choléra. Comme vous pouvez le voir, ils sont peu nombreux, nous les recevons ici », continue Dr Narcisse.

Dr Narcisse
Dr Margareth Narcisse, directrice médicale de l’hôpital pédiatrique Saint Damien.
Crédit : Laura Louis

Séparés les uns des autres, les trois petits lits sont troués d’une ouverture d’au moins 10 cm qui facilite les besoins physiologiques des jeunes patients.

Dans la salle, les yeux d’Evelyne, une petite fille d’un an, brillent. « Sa mère est décédée à sa naissance. Ce sont des membres de la famille et des voisins qui l’élèvent », déclare une dame assise à son chevet. Evelyne vomissait beaucoup quand elle a été conduite au centre. « Heureusement nous sommes arrivés à temps », se réjouit la dame.

Evelyne et les deux autres enfants sont des cas suspects de choléra : le laboratoire national n’a pas encore soumis les résultats de leur test. « Avant, il était possible d’effectuer un test rapide pour confirmer si l’enfant était contaminé par le Vibrio cholerae, maintenant il faut attendre quelques jours », confie Milka Hervé, une infirmière travaillant au centre de traitement.

Un travail d’équipe qui porte ses fruits

Quel que soit le résultat, les membres du centre affirment que les enfants sont pris en charge. Au cours des trois derniers mois, sur 241 patients atteints du choléra, il y a eu trois décès. « Ces cas nous ont été parvenus à un stade trop avancé », rapporte la directrice médicale de l’hôpital Saint-Damien. Le choléra peut en effet conduire à la mort si aucun traitement n’est administré à temps.

« La capacité d’un enfant à répondre au traitement diminue s’il est malnutri, tuberculeux, ou s’il souffre d’une maladie chronique ». D’où l’importance de faire de la prévention.

C’est pourquoi, explique Dr Margareth Narcisse, l’équipe travaille d’arrache-pied pour fournir un service de qualité qui, selon elle, ne peut être possible sans la collaboration des parents. La spécialiste poursuit qu’il n’est pas toujours facile pour les parents d’accepter que leur enfant ait le choléra. « Nous n’avons pas l’intention de combattre les croyances des parents. Quel que soit le nom que vous donnez au mal dont souffre l’enfant, la réalité c’est qu’il est malade et qu’il a besoin d’être soigné. » Avec cette approche, l’équipe de Saint-Damien s’entend toujours avec les parents.

Traitement et prévention

Selon Dr Margareth Narcisse, le traitement est administré par rapport au degré de déshydratation classé en type A, B et C suivant une méthode établie par le ministère haïtien de la Santé et appliquée par la Société haïtienne de pédiatrie. Au stade A, il s’agit d’une déshydratation légère, l’enfant est réhydraté oralement. Au stade B, la déshydratation est modérée : en plus d’une réhydratation orale, l’enfant nécessite pendant un certain temps une réhydratation en soluté. Au stade C, la déshydratation est sévère : si le patient n’est pas traité à temps, il peut tomber en choc et en mourir.

Le traitement est aussi administré en fonction de l’état nutritionnel de l’enfant et de son poids, ajoute la spécialiste. « La capacité d’un enfant à répondre au traitement diminue s’il est malnutri, tuberculeux, ou s’il souffre d’une maladie chronique », continue Dr Narcisse. D’où l’importance de faire de la prévention.

Lavage des mains en créole
Une affiche expliquant le lavage des mains à l'hôpital.
Crédit : Laura Louis

L’un des meilleurs moyens de protéger les enfants c’est de les vacciner contre le choléra, selon le ministère haïtien de la Santé. Lors du lancement de la campagne de vaccination contre le choléra en décembre 2022, le Dr Jean Bosco Hulute, chef santé de l’UNICEF en Haïti, a affirmé que « la catégorie des enfants âgés d’un an et plus » était une « priorité ».

« Le vaccin anticholérique permet le « contact avec une forme atténuée de la bactérie qui provoque la production d'anticorps (IgA) dans le tractus gastro-intestinal capable de protéger la personne contre le choléra », selon la réponse que l’équipe de communication du ministère haïtien de la Santé sur le choléra nous a fourni par écrit. Il ne faut pas non plus négliger l’assainissement et les règles d’hygiènes comme le lavage régulier des mains. Pour les plus jeunes patients qui ne sont pas encore autonomes, Dr Narcisse conseille aux parents de les protéger. « La protection des enfants ne nécessite pas beaucoup de moyens économiques. Il est important de garder les enfants dans un environnement propre, les hydrater, préparer leur sérum oral et les confier à un établissement de soin de santé en cas de maladie. »

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