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Portrait vaccinal : les vaccins contre la méningite bactérienne

En l’absence de traitement, la méningite est mortelle dans la moitié des cas mais dans certaines parties du monde, les vaccins ont presque complètement éliminé les épidémies causées par certaines des bactéries responsables de cette maladie.

  • 29 février 2024
  • 9 min de lecture
  • par Linda Geddes
Bactéries responsables de la méningite – Illustration 3D
Bactéries responsables de la méningite – Illustration 3D
 

 

Cette infection qui peut se déclarer du jour au lendemain et tuer en quelques heures un enfant, jusque-là en bonne santé, est le cauchemar de tous les parents. La méningite reste d’ailleurs toujours l'une des maladies les plus redoutées en Afrique subsaharienne. De même, dans les pays occidentaux, les parents ont appris à vite aller chercher un verre pour le presser sur la peau de leur enfant dès l’apparition d’une éruption cutanée. Si les petits boutons rouges ou violacés caractéristiques ne s'estompent pas sous la pression, il s’agit d’une méningite qui doit être traitée en urgence.

Si la méningite bactérienne s’est avérée si difficile à combattre, c’est notamment parce qu’elle peut être due à de nombreuses bactéries différentes. Même s’il existe des vaccins efficaces contre certaines d'entre elles, il n'existe toujours pas de vaccin universel contre cette maladie.

La méningite est une infection des méninges, fines membranes qui entourent le cerveau et la moelle épinière. Dans certains cas, la bactérie responsable de cette infection peut également déclencher une septicémie accompagnée parfois d’un sepsis (terme médical désignant une réaction inflammatoire généralisée), à l’origine de l'éruption cutanée – même si on ne les retrouve pas chez tous les patients. La méningite peut également être due à des virus, des champignons ou des parasites, mais la méningite bactérienne constitue un problème particulier, car elle est relativement courante et tend à être plus meurtrière.

La méningite bactérienne

Si la méningite bactérienne s'est avérée si difficile à combattre, c’est notamment parce qu’elle peut être due à nombreuses bactéries différentes. Même si l’on dispose de vaccins efficaces contre certaines d'entre elles, il n’existe toujours pas de vaccin universel contre cette maladie, et la lutte contre la méningite a pris du retard par rapport à de nombreuses autres maladies évitables par la vaccination. La publication récente d'une feuille de route mondiale pour vaincre la méningite à l’horizon 2030 a relancé les efforts pour combler ce fossé, mais les défis restent énormes.


Plus de la moitié des décès mondiaux associés à la méningite est attribuable au méningocoque (Neisseria meningitidis), au pneumocoque (Streptococcus pneumoniae), à Hib (Haemophilus influenzae de type b) et au streptocoque (Streptococcus agalactiae, également connu sous le nom de streptocoque du groupe B). Les trois premiers types de bactéries vivent généralement dans le nez ou la gorge et peuvent se transmettre d'une personne à l'autre par la toux, les éternuements ou les baisers prolongés. Les streptocoques du groupe B vivent plutôt dans le tractus intestinal ou le vagin, mais ils peuvent être transmis aux nourrissons à la naissance et entraîner une méningite néonatale dans un petit nombre de cas.

D'inoffensives à dangereuses

Ces bactéries mènent généralement une existence relativement inoffensive dans notre corps, mais le problème survient lorsqu'elles franchissent nos défenses, passent dans la circulation sanguine et infectent les méninges, ce qui déclenche une inflammation, laquelle exerce une pression sur le cerveau. Certaines bactéries peuvent également déclencher un sepsis – réponse immunitaire excessive à une infection généralisée, qui peut entraîner des lésions tissulaires, la défaillance d'un organe et même la mort – tandis que S. pneumoniae est également la principale cause de pneumonie, qui tue plus d'enfants chaque année que toute autre maladie.

La méningite bactérienne peut affecter n'importe qui, n'importe où dans le monde, mais elle est plus fréquente chez les nourrissons et les jeunes enfants, dont le système immunitaire n'est pas complètement développé, ainsi que chez les adolescents et les jeunes gens. Les personnes vivant dans la région de l'Afrique subsaharienne connue sous le nom de « Ceinture africaine de la méningite » sont particulièrement exposées au risque de méningite à méningocoque, en raison de la persistance de niveaux élevés de portage et d'infection bactérienne et des phénomènes climatiques (chaleur, sècheresse et dispersion de poussières) qui prévalent entre décembre et juin. Ces conditions peuvent irriter la paroi des voies respiratoires et faciliter la pénétration des bactéries dans la circulation sanguine et leur transport jusqu'aux méninges.

Le savant grec de l’Antiquité, Hippocrate, avait déjà décrit un patient souffrant d'une inflammation de l’enveloppe du cerveau, mais la première grande épidémie de méningite répertoriée s'est produite à Genève, en Suisse, en 1805.

Les symptômes de la méningite

Étant donné le grand nombre d’organismes différents impliqués, la période d'incubation entre l'exposition et l'apparition des symptômes de la méningite peut varier de deux à dix jours. Parmi ces symptômes figurent un accès de fièvre brutal, des maux de tête ou une raideur de la nuque, ainsi que des nausées ou des vomissements, une sensation de somnolence ou de confusion, ou encore une intolérance soudaine à la lumière. Certains patients, mais pas tous, présentent une éruption cutanée due aux toxines bactériennes qui endommagent les vaisseaux sanguins et provoquent des saignements dans les tissus adjacents. L'éruption cutanée est particulièrement fréquente chez les personnes atteintes de méningite à méningocoque et commence généralement par de petits points rouges qui s'étendent rapidement et se transforment en taches rouges ou violettes qui ne s'estompent pas à la pression.

Les bébés atteints de méningite peuvent être irritables, refuser de s’alimenter et être somnolents ou difficiles à réveiller. Ils peuvent également avoir de la fièvre et leur fontanelle (espace mou sur le dessus de la tête) peut être bombée.

La méningite bactérienne est une urgence médicale. La méningite aiguë entraîne la mort chez un patient sur dix – parfois en l’espace de quelques heures. Un patient sur cinq présente des séquelles graves (perte de l’audition ou de la vue, épilepsie, problèmes de mémoire, de concentration, de mouvement ou d'équilibre, perte de membres ou problèmes osseux, articulaires et rénaux). On estime à 2,5 millions le nombre de cas de méningite qui surviennent chaque année dans le monde, entraînant environ 250 000 décès.

Les premières épidémies

Le savant grec de l’Antiquité, Hippocrate, avait déjà décrit un patient souffrant d'une inflammation de l’enveloppe du cerveau, mais la première grande épidémie de méningite répertoriée s'est produite à Genève, en Suisse, en 1805. D'autres épidémies ont été signalées en Europe, en Amérique du Nord et du Sud, en Afrique et en Asie occidentale tout au long du XIXe siècle, avec une mortalité de 69 % à 100 % chez les malades symptomatiques.

Cette nouvelle et terrifiante maladie a d'abord été nommée fièvre cérébrale maligne non contagieuse. Diverses méthodes ont été testées pour tenter de réduire ses effets mortels, de la saignée à l'immersion trois fois par jour dans l'eau chaude, en passant par le traitement aux émétiques (substances qui provoquent des vomissements), les boissons alcoolisées, l'opium ou la quinine.

En 1875, un médecin du nom de Theodor Klebs identifie des bactéries dans le liquide céphalo-rachidien de patients décédés de la maladie – découverte confirmée par la suite par d'autres scientifiques – et en 1891, les médecins commencent à traiter les patients par ponction lombaire ; une aiguille est insérée dans la colonne vertébrale pour retirer une partie du liquide dans le but de réduire la pression sur le cerveau et la moelle épinière et de réduire la charge bactérienne.

Des expériences menées au début du XXe siècle ont jeté les bases des vaccins modernes contre la méningite, en démontrant que le sérum de chevaux infectés pouvait être utilisé pour traiter les patients atteints de maladie invasive à méningocoque. La découverte de la pénicilline en 1941 marque un autre tournant dans la lutte contre la méningite et reste aujourd'hui la base du traitement, bien qu'elle n'agisse pas toujours assez vite pour prévenir les dommages causés par la bactérie, d'où la nécessité d'un diagnostic et d'un traitement rapides.

Les vaccins ont eu un impact considérable. Avant l'introduction du vaccin Men A, le sérogroupe A était responsable de 80 à 85 % des épidémies de méningite dans les 26 pays situés dans la Ceinture africaine de la méningite. En avril 2021, 24 de ces pays avaient mené des campagnes de vaccination de masse et l'incidence de la méningite du sérogroupe A avait diminué de plus de 99 %.

Les vaccins modernes

En cherchant à entraîner le système immunitaire à reconnaître les bactéries responsables de la méningite, les scientifiques ont découvert que les cellules immunitaires réagissaient mieux aux sucres complexes – appelés polysaccharides – présents à la surface de ces bactéries qu'aux protéines bactériennes. Mieux encore, s’il est associé, ou « conjugué », à une protéine d'un autre type de bactérie, ce polysaccharide déclenche une forte réponse immunitaire. C’est ainsi que le développement des vaccins conjugués a marqué une avancée significative dans la prévention de la méningite.

Le vaccin Hib (contre Haemophilus influenzae), le premier à être homologué (en 1987), a été introduit dans de nombreux pays au cours des années 1990. Différentes préparations du vaccin sont désormais disponibles, soit sous forme de vaccins monovalents pour prévenir uniquement les méningites à Hib, soit sous forme de vaccins combinés qui préviennent également d'autres maladies, comme le vaccin pentavalent qui protège contre la méningite à Hib, la diphtérie, la coqueluche, le tétanos et l'hépatite B. Dans les pays qui ont introduit la vaccination systématique contre Hib, les taux d'infections graves ont diminué de plus de 90 %.

Les vaccins contre les méningocoques

Des vaccins contre d'autres types de méningite bactérienne ont suivi. La méningite à méningocoque est causée par 12 sous-types différents (appelés sérogroupes) de méningocoque, les sérogroupes A, B, C, W, X et Y étant les plus pathogènes. Aujourd'hui, il existe de nombreuses formulations de vaccins antiméningococciques, notamment les vaccins Men A et Men C qui protègent un seul sérogroupes, A ou C ; le vaccin bivalent qui protège contre les sérogroupes C et Y ; et les vaccins multivalents qui protègent contre les sérogroupes A, C, W et Y, par exemple les vaccins MenACWY et MCV4. Il existe également un vaccin à base de protéines contre le méningocoque du sérogroupe B.

Ensemble, ces vaccins ont eu un impact considérable. Avant l'introduction du vaccin Men A, le sérogroupe A était responsable de 80 à 85 % des épidémies de méningite dans les 26 pays situés dans la ceinture africaine de la méningite. En avril 2021, 24 de ces pays avaient mené des campagnes de vaccination de masse et l'incidence de la méningite du sérogroupe A avait diminué de plus de 99 %.

Mais il reste encore des défis à relever. Il faut maintenir une couverture vaccinale élevée contre la méningite A pour éviter la résurgence de cette maladie. Une nouvelle souche hyper-invasive de méningite C se propage actuellement en Afrique de l'Ouest, augmentant le risque d'épidémies, et il n'existe toujours pas de vaccin largement disponible contre le méningocoque du sérogroupe X – même si le Serum Institute of India développe actuellement un vaccin pentavalent qui couvrira les sérogroupes A, C, W, Y et X.

Les vaccins contre les pneumocoques

Si le nombre de sérotypes du méningocoque semble impressionnant, c’est encore pire pour le pneumocoque. Il existe plus de 97 sérotypes différents, dont 23 sont responsables de la plupart des cas symptomatiques. Il existe actuellement deux vaccins conjugués différents qui protègent contre dix ou treize de ces sérotypes. D'autres sont en cours de développement.

Il existe également un vaccin polysaccharidique contre les 23 sérotypes, mais il est considéré comme moins efficace que les vaccins conjugués et il est surtout utilisé pour protéger les personnes âgées contre la pneumonie, plutôt que pour prévenir la méningite.

Les vaccins contre le streptocoque du groupe B

Les infections par le streptocoque du groupe B (SGB) sont responsables chaque année d'environ 150 000 décès chez les nourrissons, de plus d'un demi-million de naissances prématurées et de handicaps importants et de longue durée. Il existe dix sérotypes différents de streptocoque B, les sérotypes 1a, 1b, II, III, IV et V étant les plus pathogènes.

Plusieurs candidats vaccins sont en cours de développement – pour les femmes enceintes et les nourrissons – mais aucun n'est encore disponible.

Les défis à relever

La feuille de route de l'OMS pour vaincre la méningite à l’horizon 2030 comporte trois objectifs : i) éliminer les épidémies de méningite bactérienne, ii) réduire de 50 % le nombre de cas imputables à la méningite bactérienne à prévention vaccinale et de 70 % le nombre de décès ; iii) réduire le handicap et améliorer la qualité de vie après une méningite – le tout en huit ans.

Ce programme prévoit le développement de nouveaux vaccins abordables et exige une couverture vaccinale élevée pour ces nouveaux vaccins aussi bien que pour les vaccins existants contre la méningite. Mais d'autres problèmes restent à résoudre. La méningite est mortelle chez près de la moitié des patients si elle n'est pas traitée et, pour être efficace, le traitement antibiotique doit être instauré très rapidement – mais la résistance aux antimicrobiens fait planer une menace qui ne cesse de croître. En 2017, l'OMS a publié une liste de 12 bactéries contre lesquelles il est urgent de disposer de nouveaux antibiotiques, parmi lesquelles Streptococcus pneumoniae et Haemophilus influenzae. D'autres bactéries figurant sur la liste, telles que Salmonella, Staphylococcus aureus et Enterobacteriaceae, peuvent également provoquer des méningites et des septicémies.

Des progrès considérables ont été accomplis dans la lutte contre la méningite bactérienne, mais il reste encore beaucoup à faire pour vaincre cette cause majeure d'invalidité et de décès chez les enfants.