On a parlé vaccins avec... Dr Ibrahima Diarra, directeur du centre national d'immunisation du Mali

De la vaccination de routine en passant par celle contre la COVID-19, Dr Ibrahima Diarra, directeur du centre national d’immunisation du Mali, est au cœur du dispositif de la politique de vaccination du pays. Dans ses locaux flambant neuf, « grâce à l’alliance Gavi » tient-il à préciser, Dr Ibrahima Diarra est confiant de sa stratégie de vaccination malgré les multiples défis auxquels il fait face.

  • 14 octobre 2022
  • 4 min de lecture
  • par Aliou Diallo
Dr Ibrahima Diarra, directeur du centre national d'immunisation du Mali
Dr Ibrahima Diarra, directeur du centre national d'immunisation du Mali
 

 

Comment se porte la vaccination contre la COVID-19 au Mali ?

Aujourd’hui, la vaccination contre la COVID-19 se porte bien. Au départ on avait des soucis d’acceptation du vaccin, surtout avec les rumeurs et suspicions autour du premier vaccin qu’on a reçu, AstraZeneca. Mais grâce aux actions de communication et de sensibilisation, aujourd’hui, la population accepte de se faire vacciner. Au début de la campagne de vaccination au Mali, on ne visait que trois groupes de personnes : le personnel sanitaire, les personnes vivants avec des comorbidités et les personnes de 60 ans et plus. Après, notre plan a évolué : actuellement, notre objectif est de vacciner 70% de nos cibles qui sont les 12 ans et plus. Aujourd’hui, on tourne autour de 20% de personnes vaccinées.

Quel a été l’impact de la COVID-19 sur la vaccination de routine, celle des enfants ?

Nous avons eu notre premier cas de COVID-19 le 25 mars 2020. La vaccination de routine a été sérieusement affectée entre mars et mai 2020. Pendant cette période, la population, notamment les mamans, avaient mal compris : elles pensaient que leurs enfants étaient concernés par la COVID-19. Si bien que nos stratégies avancées, nos équipes mobiles et les stratégies fixes étaient complètement englouties. Ces équipes ne pouvaient pas sortir parce que la population pensait qu’on allait administrer le vaccin contre la COVID-19 aux enfants - un vaccin qui n’était pas encore disponible.

C’est une rapide mise en œuvre des campagnes de sensibilisation, avec notamment la mise en contribution des femmes leaders dans les quartiers, qui a permis de relancer la vaccination et d’augmenter la couverture vaccinale. Une récente évaluation de Gavi, l’Alliance du vaccin, place le Mali parmi les trois pays en Afrique de l’Ouest, malgré la COVID-19, à avoir maintenu sa couverture vaccinale. L’un des indicateurs est le « PENTA 3 » (diphtérie, coqueluche et tétanos) qui était à 77% en 2021.

Notre programme de vaccination couvre aujourd’hui douze maladies et il y a dix vaccins. Nous prévoyons d’introduire d’autres vaccins dans les jours à venir avec l’appui de Gavi.

« J’invite les hommes, les maris, à ne pas faire de la vaccination des enfants l’affaire des femmes. Ils doivent s’impliquer davantage, c’est un droit pour l’enfant que le chef de famille doit lui procurer. »

Et dans les zones de conflits, quelles sont les stratégies adoptées pour vacciner les enfants ?

Ce n’est pas facile. Depuis le début de la crise en 2021, sur les 75 districts sanitaires que le pays compte, il y a à peu près 35 qui sont dans une situation d’insécurité. Et quand le personnel sanitaire a commencé à déserter des zones de conflits, parce que menacé, nous avons utilisé les auxiliaires de santé qui existaient déjà. On se basait sur ces auxiliaires de santé pour mener des activités. On négociait aussi avec les groupes armés locaux pour effectuer des campagnes de vaccination au bénéfice des enfants. Nous avons aussi répertorié des sites de déplacés internes et nous les avons faits couvrir par les districts sanitaires de leurs zones d’accueils. C’est ainsi que les enfants des familles des déplacés bénéficiaient de la vaccination de routine.

On était aussi en contact avec les pays voisins : si un village situé dans une zone d’insécurité est plus proche d’une aire de santé au Burkina Faso par exemple, on échangeait pour que ces populations puissent être couvertes par les autorités sanitaires burkinabés. Une stratégie dos-à-dos qui a bien marché.

Quel message avez-vous à l’endroit des parents pour qu’ils fassent vacciner leurs enfants ?

Avant la disponibilité des vaccins, des maladies comme la rougeole faisaient beaucoup de ravages dans les villages. C’est grâce à la vaccination de routine que cette maladie et d’autres épidémies ont régressé, certaines ont même disparu. Aujourd’hui, on ne parle plus de la variole (petite vérole). À partir de cet exemple, la population comprend les avantages de la vaccination de routine.

J’invite les hommes, les maris, à ne pas faire de la vaccination des enfants l’affaire des femmes. Ils doivent s’impliquer davantage, c’est un droit pour l’enfant que le chef de famille doit lui procurer. Il faut savoir que la vaccination permet de réduire la mortalité et la morbidité des maladies évitables. Ce qui permettra le développement économique et social du pays.

Prenons le cas de la poliomyélite : si vous voyez qu’on a de bras valides aujourd’hui dans nos foyers, c’est à mettre au compte des bienfaits de la vaccination. J’invite les parents à soigneusement garder les carnets de vaccination de leurs enfants, ces carnets peuvent même servir pour les inscrire dans certains établissements scolaires. Les avantages de la vaccination sont énormes.