On a parlé vaccins avec... Athanase Nzeyimana, chargé de la promotion de la santé dans une province du Burundi

Cet été, VaccinesWork publie une série d'entretiens sur les vaccins et les maladies infectieuses avec des leaders communautaires, travailleurs de santé, experts et personnalités, pour montrer la diversité des talents et bonnes volontés dont on a besoin pour améliorer la santé des populations. Dans cet entretien, Diane Ndonse a interrogé Athanase Nzeyimana, chargé de la promotion de la santé dans la province de Bubanza, à l’ouest du Burundi.

  • 16 août 2022
  • 4 min de lecture
  • par Diane Ndonse
Athanase Nzeyimana, chargé de la promotion de la santé dans la province de Bubanza (crédit : Diane Ndonse)
Athanase Nzeyimana, chargé de la promotion de la santé dans la province de Bubanza (crédit : Diane Ndonse)
 

 

A cause de certaines croyances religieuses, des parents refusent de faire vacciner leurs enfants. On observe ce phénomène dans différentes provinces du Burundi, dont Bubanza. Grâce à une sensibilisation intense faite par les services en charge de la promotion de la santé en collaboration avec l’administration locale, la donne commence à changer.

Existe-t-il au Burundi des résistances à la vaccination liées à des croyances religieuses ?

Athanase Nzeyimana : Oui. Certaines femmes refusent de se faire vacciner une fois enceintes ou de faire vacciner leurs enfants de moins de cinq ans à cause de leurs croyances religieuses. Pourtant, ces vaccins sont indispensables pour limiter la propagation de certaines maladies. Ces réticences s’observent surtout chez les adeptes de la « prophétesse » Eusébie Ngendakumana (également connue sous le nom de Zebiya, cette jeune femme burundaise prétend avoir régulièrement des apparitions de la Vierge Marie, ndlr.). Ils sont localisés dans différentes provinces du pays. Dans la province de Bubanza, les fidèles sont nombreux dans la commune de Musigati, notamment sur les collines Masare, Kayange, Dondi, etc.

Des adeptes d’Euzebie Ngendakumana, sur la colline Masare, commune Musigati, en province Bubanza (crédit : Diane Ndonse)
Des adeptes d’Euzebie Ngendakumana, sur la colline Masare, commune Musigati, en province Bubanza. Crédit : Diane Ndonse

Comment se comportent-ils face aux vaccins ?

Lors des campagnes de vaccination, certains adeptes d’Eusébie Ngendakumana fuient leurs ménages pour aller se réfugier dans d’autres zones. Ils expliquent que c’est incompatible avec leur foi.

 

Ils avancent que dans sa révélation, Marie mère de Jésus leur a interdit de se faire vacciner et leur a fait comprendre que leur destinée n’est pas terrestre. Ils disent que leurs enfants sont le reflet du Seigneur, qu’ils ne peuvent pas donc être « profanés » par la vaccination.

« Dans le passé, les Burundais croyaient que la poliomyélite était un serpent géant qui mordait les gens. Mais au fil du temps, nous leur avons montré que c’est une maladie qui peut être évitée grâce à la vaccination. »

Peut-on espérer que les mentalités changent ?

Il y a des avancées malgré les défis persistants. Certains adeptes d’Eusébie Ngendakumana ont déjà changé de mentalité et recourent aux vaccins. Ils ne sont pas encore nombreux, mais ils ont compris la plus-value des vaccins. Nous espérons que dans l’avenir, ils vont nous aider à sensibiliser leurs coreligionnaires lors qu’ils vont se retrouver pour leurs prières.

Qu’est-ce qui a été fait pour que ces avancés soient enregistrées ?

Nous organisons des rencontres de sensibilisation sur l’importance des vaccins. Des efforts ont été fournis à tous les niveaux. Des descentes des administratifs provinciaux et des autorités provinciales en charge de la santé sont organisées dans les communes, les collines où il y a encore des gens hostiles à la vaccination. Dans ces rencontres, nous leur montrons les bienfaits de la vaccination et les graves conséquences liées à la non-vaccination des enfants.

Quelle est votre zone d'intervention ?

Des agents de santé communautaires (ASC) font également des sensibilisations quotidiennes sur le bienfait des vaccins. Ceux-ci se retrouvent dans toutes les communes du Burundi et aident dans l’amélioration de la santé des populations, notamment en offrant des soins primaires. A part ces ASC, il existe également des femmes surnommées « mamans lumière ». Ces dernières contribuent à la lutte contre la malnutrition infantile. Le ministère en charge de la santé recourt à elles pour faire la sensibilisation sur les bienfaits de la vaccination.

Dans vos rencontres avec les adeptes d’Eusébie Ngendakumana, leur demandez-vous de changer de croyances religieuses ?

Il est difficile de changer les croyances religieuses des gens si vous n’êtes pas leur leader religieux. Nous leur montrons des exemples, des cas concrets, de maladies en disparition grâce aux vaccins. Il n’y a pas de raison de ne pas vacciner les enfants, et en plus les vaccins sont administrés gratuitement.

Quelles sont les conséquences en cas de non-vaccination des enfants ?

Les conséquences sont nombreuses. Ils sont exposés à des maladies comme la rougeole, la poliomyélite, le tétanos, etc. Par exemple, si un cas de rougeole se déclare, les personnes non-vaccinées peuvent être touchées par cette maladie. C’est un défi parce que toute une société peut être contaminée. Lorsqu’une femme enceinte n’est pas vaccinée contre le tétanos, elle peut contaminer son enfant. Les femmes peuvent en mourir.

Dans le passé, les Burundais croyaient que la poliomyélite était un serpent géant qui mordait les gens. Mais au fil du temps, nous leur avons montré que c’est une maladie qui peut être évitée grâce à la vaccination. Nous devons donc faire des sensibilisations en permanence pour couper venir à bout de ces idées reçues.