La longue et difficile lutte contre le choléra au Kenya

La maladie sévit dans ce pays d'Afrique de l'Est depuis neuf mois et a déjà atteint une ampleur supérieure aux vagues précédentes. La crise sanitaire est alimentée par des conditions d'hygiène déplorables dans certaines parties du pays et la détérioration de l'accès à l'eau potable due à la sécheresse.
  • 3 juillet 2023
  • 5 min de lecture
  • par Claudia Lacave
A Kawangware, un bidonville de Nairobi, les déchets s'accumulent entre les habitations et sur le chemin de l'école, menaçant la santé des habitants. Crédit: Claudia Lacave / Hans Lucas.
A Kawangware, un bidonville de Nairobi, les déchets s'accumulent entre les habitations et sur le chemin de l'école, menaçant la santé des habitants. Crédit: Claudia Lacave / Hans Lucas.
 

 

Une diarrhée virulente, une déshydratation sévère et, dans les cas les plus graves, la mort qui survient en quelques heures. Jusqu'au 27 juin, le gouvernement a recensé 11 673 cas de malades du choléra et 192 décès liés à l'épidémie, et les chiffres continuent d'augmenter. Les autorités s'efforcent de sensibiliser la population, d'identifier et de soigner les malades, et ont même lancé la première campagne publique de vaccination massive. Cependant, l'accès à l'eau, à l'assainissement et à l'hygiène (WASH) reste difficile dans un pays durement touché par la sécheresse. Le Dr. Martins Livinus, responsable de la préparation et de la réponse aux urgences sanitaires de l'OMS à Nairobi, insiste sur l'importance des mesures WASH : "Les personnes devraient avoir accès à de l'eau salubre, nous devons veiller à ce qu'elles bénéficient d'une bonne hygiène à domicile et qu'il n'y ait pas de défécation à l'air libre".

Sans eau potable pour boire, nettoyer les aliments ou se laver les mains, les conditions d'hygiène se sont détériorées. Lorsque la pluie est finalement tombée, elle a provoqué des inondations, emportant les déchets et les carcasses d'animaux morts, détruisant les systèmes d'approvisionnement en eau et d'assainissement et entraînant la contamination de l'eau.

Le choléra est causé par la bactérie Vibrio cholerae, qui ne touche que les humains et se transmet par l'ingestion d'eau ou d'aliments contaminés par des matières fécales. Au Kenya, le cas initial d'infection a été identifié lors d'un mariage en octobre 2022, dans le comté de Kiambu, au sud du pays. Les participants ont ensuite propagé le choléra à leur retour chez eux, touchant ainsi 25 des 47 comtés, avec un taux de mortalité de 1,6%. Patrick Amoth, directeur général par intérim du ministère de la Santé, explique : "La résurgence actuelle du choléra au Kenya s'inscrit dans le contexte d'une recrudescence mondiale importante, avec de graves épidémies dans la Corne de l'Afrique, en Afrique centrale, en Afrique australe, au Moyen-Orient et en Asie. Cela a entraîné une transmission transfrontalière généralisée". Il ajoute que la plupart des établissements de soins ne disposent pas des ressources nécessaires pour tester la bactérie. Jusqu'à présent, seuls huit comtés ont signalé de nouveaux cas au cours des dix derniers jours, sachant que les symptômes mettent entre 12 heures et cinq jours à se manifester.

L'accès à l'eau compliqué par les événements climatiques

Bien que le Kenya ait connu d'importantes épidémies de choléra en 1997, de 2007 à 2010 et de 2014 à 2018, avec des flambées plus faibles entre ces périodes, l'ampleur de la vague actuelle semble dépasser les précédentes. Une étude américaine publiée en mars dernier a recensé 25 000 cas de choléra entre 2015 et 2019. En seulement neuf mois, le nombre d'infections a déjà augmenté de 2,14 fois par rapport à ces quatre années. Le ministère est également préoccupé par la propagation de nouvelles souches de choléra particulièrement résistantes aux antimicrobiens.

"L'épidémie actuelle a coïncidé avec une sécheresse prolongée qui a entraîné une pénurie d'eau potable dans de nombreux comtés. Les communautés ont été contraintes de chercher de l'eau dans des sources non protégées et contaminées, comme des puits peu profonds", rappelle le Dr. Amoth, faisant référence aux cinq saisons des pluies inférieures à la normale entre 2019 et 2023, qui ont placé plus de 5,4 millions de Kényans en situation d'insécurité alimentaire.

A Kawangware, un bidonville de Nairobi, les déchets s'accumulent entre les habitations et sur le chemin de l'école, menaçant la santé des habitants. Crédit: Claudia Lacave / Hans Lucas.
A Kawangware, un bidonville de Nairobi, les conditions WASH n'étaient déjà pas optimales avant la sécheresse.
Crédit : Claudia Lacave / Hans Lucas.

Sans eau potable pour boire, nettoyer les aliments ou se laver les mains, les conditions d'hygiène se sont détériorées. Lorsque la pluie est finalement tombée, elle a provoqué des inondations, emportant les déchets et les carcasses d'animaux morts, détruisant les systèmes d'approvisionnement en eau et d'assainissement et entraînant la contamination de l'eau.

Un vaccin oui, mais en quantité insuffisante

Les conditions WASH n'étaient déjà pas optimales avant cet événement climatique. En 2018, la Banque mondiale a signalé que l'accès à des installations sanitaires améliorées n'avait augmenté que de 5% entre 1990 et 2015. Le gouvernement affirme s'être concentré sur l'accès à l'eau potable, qui atteignait 59% de la population en 2020. Selon l'UNICEF, à cette époque, 9,9 millions de Kényans buvaient directement de l'eau de surface contaminée et 5 millions pratiquaient la défécation à l'air libre, alors que seuls 25% de la population disposaient d'installations pour se laver les mains chez eux. Les installations sanitaires sont sous pression en raison de la croissance démographique, et les pratiques culturelles entravent l'adoption de messages sanitaires.

Ces conditions sont particulièrement préoccupantes dans les camps de réfugiés, comme à Dadaab, où Médecins Sans Frontières a lancé l'alerte concernant l'épidémie de choléra en mars dernier. Le Dr. Amoth souligne : "Il est nécessaire de décongestionner les camps et d'améliorer les conditions d'hygiène. Le contrôle du choléra est menacé par l'afflux continu de réfugiés en provenance des comtés voisins." Il ajoute que la campagne de vaccination publique organisée en février, grâce au Groupe international de coordination de l'approvisionnement en vaccins (GIC), a permis de réduire considérablement le nombre de cas à Garissa, où se trouve un immense camp abritant 30 000 personnes.

Selon le ministère, les résultats préliminaires montrent une grande efficacité du vaccin oral contre le choléra administré à 2,2 millions de personnes dans les quatre comtés les plus touchés. Cependant, en raison de la pénurie mondiale de vaccins, les patients n'ont reçu qu'une seule dose au lieu des deux doses habituellement nécessaires pour une protection de deux ans. L'OMS salue les efforts pour contrôler l'épidémie dans 17 comtés, mais reste vigilante. "Le choléra recule, mais si nous relâchons notre attention, il peut rapidement revenir. Nous avons besoin de financement pour soutenir les activités de réponse, pour atteindre zéro cas et maintenir ce chiffre", insiste le Dr. Livinus.


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